La carrière de Kristin Armstrong se découpe en trilogie. Trois œuvres qui, chacune, se concluent sur « The Star-Spangled Banner », l’hymne américain entonné tout en haut d’un podium olympique. Une success-story dont le premier chapitre avait mené à l’or la championne de Memphis dans le contre-la-montre des Jeux de Pékin, en 2008. A 35 ans, Kristin Armstrong pensait alors avoir tout gagné dans sa spécialité – c’était le cas –, ce pourquoi elle avait annoncé l’arrêt de sa carrière pour se consacrer à sa vie familiale et donner naissance à un petit garçon en septembre 2010. Sa plus belle fierté dans sa vie de femme.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais à l’approche des Jeux de Londres en 2012, l’Américaine avait souhaité la doubler d’une suite. Quelques mois seulement après la naissance de son fils, elle annonçait son intention de reprendre le cours de sa carrière, à 38 ans, dans l’optique de défendre son titre en Angleterre. Ce qu’elle fit à l’été 2012… avant de tirer à nouveau sa révérence.

Kristin Armstrong n’avait plus rien à prouver à personne, et son pari de sortir une seconde fois de sa retraite au printemps 2015, dans le but une fois encore de décrocher l’or aux Jeux de Rio, aurait pu la conduire droit dans le mur. Mais à 43 ans (elle les aura demain) la fille du Tennessee voulait relever un ultime challenge en se lançant dans cette passe de trois que peu d’athlètes sont parvenus à réaliser sur la même discipline en trois Olympiades distinctes. Son chemin aura été semé d’embûches car son statut de double championne olympique sortante n’en faisait pas automatiquement, passé la quarantaine, une titulaire de l’équipe des Etats-Unis.

Sa place, il lui aura fallu la gagner. Sur le terrain d’abord. Face à une commission d’arbitrage ensuite, quand Amber Neben et Carmen Small auront déposé une réclamation, désapprouvant la sélection de leur compatriote en soutenant avoir réalisé, de fait, de meilleures performances sportives. Une protestation restée sans suite, mais qui en disait long sur l’enjeu que s’apprêtait à relever ce matin au Brésil la championne américaine.

Il pleuvait sur les 29,9 kilomètres du circuit Grumari, avec ses côtes abruptes (1200 mètres à 7 % avec passage à 18 % pour celle de Grumari, 2100 mètres à 6,8 % pour celle de Grota Funda) et ses raides descentes techniques. Il pleuvait de cette grosse pluie tropicale dont se nourrissent les pousses de la côte ouest de Rio, que le vent de la mer, moins influant que ce week-end, agitait parcimonieusement, ce qui favorisait l’emploi d’une roue lenticulaire. Et la route gorgée d’eau qui pouvait inviter à la prudence après les chutes à répétition observées sur les courses en ligne n’allait pas freiner Kristin Armstrong dans sa quête d’une troisième médaille d’or.

C’est elle qui dès le kilomètre 10 signait le premier temps intermédiaire, reléguant Elisa Longo-Borghini (Italie) à 5 secondes et Anna Van Der Breggen (Pays-Bas) à 6 secondes. Quand l’ancienne championne du monde du chrono Ellen Van Dijk (Pays-Bas) était retardée sur une sortie de route qui lui coûtera sa place sur le podium pour 9 secondes…

Audrey Cordon, notre représentante nationale, n’était quant à elle déjà plus dans le coup. Ni pour un podium, ni pour un Top 10. Tétanisée par les conditions atmosphériques, la Bretonne – qui a déjà donné question chutes et fractures – n’aura jamais pu se décoincer sur le chrono de Rio, qu’elle allait conclure à la 24ème et avant-dernière place.

Pour Kristin Armstrong, le topo n’était plus tout à fait le même au kilomètre 19. Cette fois l’Américaine devait composer avec le retour en force de la Russe Olga Zabelinskaya, qui la précédait de 3 secondes, ce qui présageait un sacré bras de fer en direction de l’arrivée à Pontal. Sur la ligne, Olga Zabelinskaya signait bien la meilleure performance, sur laquelle venaient se briser Lisa Brennauer (Allemagne), la championne olympique sur route Anna Van Der Breggen – médaillée de bronze puisque 3ème à 11 secondes –, la championne du monde Linda Villumsen (Nouvelle-Zélande), seulement 6ème. Mais Kristin Armstrong, dans un final réglé comme du papier à musique, coupait la ligne dans un temps inférieur à la Russe de 5 secondes. Avant de fondre en larmes. Ou la conclusion naturelle à une trilogie dont le cyclisme féminin se souviendra longtemps.

Classement :

1. Kristin Armstrong (Etats-Unis) les 29,9 km en 44’26 » (40,4 km/h)
2. Olga Zabelinskaya (Russie) à 5 sec.
3. Anna Van Der Breggen (Pays-Bas) à 11 sec.
4. Ellen Van Dijk (Pays-Bas) à 12 sec.
5. Elisa Longo-Borghini (Italie) à 25 sec.
6. Linda Villumsen (Nouvelle-Zélande) à 28 sec.
7. Tara Whitten (Canada) à 35 sec.
8. Lisa Brenauer (Allemagne) à 56 sec.
9. Katrin Garfoot (Australie) à 1’09 »
10. Evelyn Stevens (Etats-Unis) à 1’34 »