Aux alentours de midi, la Néerlandaise Annemiek Van Vleuten (Orica-Scott) a franchi en tête la ligne d’arrivée de La Course by le Tour, tracée au sommet du col de l’Izoard. La première étape d’un nouveau format imaginé par ASO. La seconde se déroulera samedi à Marseille, une fois de plus en amont de la course des hommes, où le contre-la-montre sera à l’honneur. Enfin pas tout à fait, car les organisateurs ont imaginé une poursuite sur le parcours marseillais, en conservant les écarts de l’étape de montagne. Van Vleuten s’élancera donc en tête samedi, ses concurrentes derrière elles, en fonction de leur retard aujourd’hui. Ce sera une première, dont le but principal est de promouvoir le cyclisme féminin. Mais les actrices de la journée ne savaient pas trop à quoi s’attendre.

« C’est difficile de se faire une idée, nous ne savons pas trop qui va aller à Marseille, » nous dit Juliette Labous (Team Sunweb), dont c’est la première année professionnelle, au départ. « Je pense que ce format de poursuite peut-être sympa, tout dépend des écarts après l’Izoard. Mais si on perd cinq minutes, c’est sûr que cela ne sera pas possible de gagner samedi. Il faut voir, cela peut être quelque chose de bien. »

La championne de France Charlotte Bravard (FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope) renchérit. « J’attends de voir comment cela va se passer. C’est assez excitant car c’est quelque chose de nouveau et c’est un changement pour nous. C’est bien de changer parce qu’il en faut pour tout le monde. Ce format de course, avec la poursuite, c’est vraiment nouveau dans le cyclisme. » Une nouveauté et un changement par rapport aux trois premières éditions. Et le remplacment d’une course vitrine, peut-être plus facilement médiatisable sur les Champs-Elysées.

Marianne Vos (WM3 Energie) n’y voit pas d’inconvénients et met en avant le côté sportif de ce format. « Après trois années sur les Champs Elysées, c’est bien d’avoir du changement. Les grimpeuses ont leur course, c’est une bonne chose. Et avec le nouveau format, personne ne sait à quoi s’attendre. » Inconnue, peut-être précurseur, cette forme de course devrait se développer sur les prochaines années. Et plusieurs options émergent pour aller dans ce sens.

Et si la solution d’avenir était de courir avant les garçons ? La piste est dans tous les cas de plus en plus exploitée par les organisateurs, notamment sur les classiques. Juliette Labous voit là une perspective intéressante pour développer le cyclisme féminin. « Partir le matin, comme aujourd’hui et sur les classiques, je pense que cela doit être réalisable même si cela demande une grosse organisation. »

L’idée serait peut-être de s’inspirer à la fois des dix jours de course du Giro Rosa et du tremplin que sont les courses par étapes masculines, pour mixer les deux. « Je suis persuadé que les courses en parallèle des hommes ont un vrai cachet et sont suivies par le grand public, » précise Stéphane Delcourt, manager de l’équipe féminine FDJ. « Il faut faire confiance à ASO, il y a de belles choses à faire. Notre but, à terme, c’est d’avoir beaucoup plus d’étapes du Tour de France. Le Tour et le cyclisme féminin ont besoin de s’allier pour faire quelque chose de beau. »

En fin de matinée, sur l’Izoard, le public était présent en nombre. Un facteur indispensable à cette promotion. « Avec le public qu’il y aura pour les garçons cela va mettre le cyclisme féminin en valeur », explique Labous avant de prendre le départ. Charlotte Bravard a quant à elle eu la chance de grimper ce col mythique avec le maillot bleu-blanc-rouge sur le dos, et cela lui donnait presque la chair de poule ce matin. « Il va y avoir la ferveur du public, nous allons avoir la chance de l’avoir aussi pour nous. »

Car les filles ont largement leur place dans le monde du cyclisme, et il n’y a pas de raisons qu’elles soient moins médiatisées que leurs homologues masculins. Juliette Labous a couru toute sa jeunesse avec des garçons et s’en est beaucoup servie. « Cela me motive de me dire que nous avons aussi des choses à montrer et que nous pouvons faire aussi bien que les garçons. Nous aussi on pédale, on s’entraîne et le cyclisme féminin peut aussi être beau. » Promouvoir le cyclisme féminin oui, mais à condition de prendre son temps pour pouvoir faire les choses correctement.

Marianne Vos, un des plus beaux palmarès du cyclisme féminin, possède le recul nécessaire sur le sujet. « Nous devons être ouvertes au changement. Nous devons penser à ce qui sera le mieux pour le cyclisme féminin et ne pas remplir le calendrier pour le remplir. Il y a des choses qu’il faut garder en tête avec le Tour de France, c’est un immense événement. Vous ne pouvez pas tout faire d’un coup. ASO prend en compte notre avis. »

« ASO veut prendre son temps et ne pas le faire à l’envers, conclut Stéphane Delcourt. Les équipes ne sont pas encore structurées en terme de staff et de véhicules pour ça. Mais cela se professionnalise. » Des inégalités entre les équipes, budgétaires et humaines, qui bloquent encore une évolution sur un format plus long. Mais les organisateurs de courses ont à coup sûr de nombreuses idées destinées à promouvoir le cyclisme féminin. De belles choses sont à faire, à condition de prendre son temps et d’y réfléchir sérieusement. – Adrien Godard