La championne d’Italie Elisa Longo Borghini (Wiggle-High5) revient pour Vélo 101 sur sa très belle saison 2017. La Piémontaise évoque ainsi avec nous ses performances, son équipe, l’Italie, les courses en France et l’avenir.

Elisa, si je te dis que tu as réalisé en 2017 la meilleure saison de ta carrière, es-tu d’accord ? Tu as remporté les Strade Bianche, t’es montrée performante et régulière sur les classiques, réalisé le doublé sur le championnat d’Italie (Route et CLM) et fini 2ème du Giro Rosa.

Oui, je suis d’accord. 2017 a été pour moi une année excellente parce que j’ai réussi à être constante toute la saison.

Revenons sur les Strade Bianche, cette superbe course en Toscane en mars, où tu t’es imposée (sous la pluie et après des problèmes mécaniques) après avoir attaqué dans la montée finale avant la Piazza del Campo à Sienne.

Je crois que les Strade Bianche ont été l’une des plus belles victoires de toute ma carrière. La course est l’une de mes préférées parce que c’est un parcours exigeant, divers et une arrivée spectaculaire dans une ville d’art comme Sienne.

Tu as été très régulière sur les classiques de printemps : 4ème du Tour de Drenthe, 9ème du Trofeo Binda, 5ème de l’Amstel Gold Race et 9ème de Liège-Bastogne-Liège. Que t’a-t-il manqué pour en gagner une autre ? Une meilleure pointe de vitesse ?

Le sprint n’est malheureusement pas mon fort et ça me pénalise à chaque course. Etant plus régulière je me retrouve à jouer la gagne à quasi chaque épreuve. Si j’étais plus rapide, je gagnerais probablement dix courses par an. Malheureusement ce n’est pas ainsi, je dois donc trouver une façon, user d’imagination pour tenter un solo.

Tu as réalisé ensuite un superbe doublé lors des championnats d’Italie. En plus du titre sur le CLM que tu connaissais, tu as gagné en solitaire sur route à Ivrea, sur un parcours difficile par la salita della Serra. Un sentiment de fierté j’imagine ?

Gagner le championnat d’Italie est toujours une grande fierté. En gagner deux et de plus dans ma région (NDLR Le Piémont) est une immense satisfaction. Pour moi, le tricolore compte beaucoup parce que c’est un maillot que j’ai poursuivi depuis plusieurs années et le porter sur le Giro devant tout le monde m’a rendu heureuse et fière d’être italienne.

Tu finis 2ème du Giro Rosa, ton meilleur classement. L’épreuve s’est jouée à Montereale Valcellina dans le Frioul et sur le difficile CLM de Sant’Elpidio a Mare. Anna Van Der Breggen pouvait-elle être battue ? Un regret de ne pas avoir gagné d’étape ?

Certainement, le regret est de n’avoir pas gagné une étape. Anna ne pouvait pas être battue pour un seul et simple facteur : la Boels-Dolmans avait une équipe trop supérieure aux autres et réussissait à gérer la course d’une manière excellente. Anna n’était pas le plus forte mais son équipe oui.

Au sommet du mythique Izoard, tu t’es classée 3ème lors de La Course by Le Tour de France. Quel souvenir en gardes-tu ? Ton avis sur l’édition 2018 et cette arrivée au Grand-Bornand par les cols de Romme et de La Colombière ?

La Course by Le Tour de France a été une belle expérience. Je crois que l’an prochain ils ont rajouté une arrivée « en bas » et allongé l’épreuve, ce qui devrait la faire devenir une « vraie » course, comme celles que nous affrontons toute la saison. Malgré cela, je souhaiterai dans le futur que le Tour de France (NDLR l’organisateur ASO) organise une course par étapes aussi pour nous les femmes. Nous le méritons.

Tu vas débuter ta 4ème saison à la Wiggle-High5 (NDLR Wiggle-Honda en 2015 et depuis 2016 Wiggle-High5) La structure est parmi les 3 meilleures équipes mondiales depuis plusieurs saisons. On peut penser évidemment que tu t’y sens bien. Présente-nous l’équipe son fonctionnement, le management, l’état d’esprit …

La Wiggle-High5 est pour moi une famille. L’atmosphère que nous respirons entre les filles et le staff est excellente et nous sommes très en phase. Nous sommes très liées en amitié. Quand l’ambiance est bonne, on travaille aussi mieux.

Un mot sur la Française Audrey Cordon-Ragot, l’une de tes coéquipières, on vous appelle souvent les soeurs jumelles.

Audrey et moi nous nous ressemblons beaucoup sur la bicyclette (ou du moins ils le disent). Audrey est pour moi une amie avec laquelle j’ai partagé beaucoup d’aventures dans le monde du vélo et aussi dans la vie normale. Une femme avec un grand coeur et … un mauvais caractère pas si mal que ça (« un caratterino mica male »). [Sourire].

Pourquoi si peu de grandes équipes pros en Italie (hormis peut-être l’Alé Cipollini et la Bepink-Cogeas qui sont dans le Top 20) ? Le cyclisme est pourtant très populaire en Italie et le pays possède beaucoup de championnes.

Malheureusement les équipes ont du mal à survivre dû au manque de sponsors. Il y a des équipes modestes qui misent beaucoup sur les jeunes et qui évidemment n’ont dès lors pas beaucoup de points UCI. C’est la raison pour laquelle nous ne trouvons pas beaucoup d’équipes de ma nation dans le Top 20.

Que penses-tu de toutes les courses par étapes annulées ou mises entre parenthèses en France cette année, et notamment de La Route de France que tu as gagné en 2015 ?

Je suis vraiment désolée que des courses par étapes comme La Route de France disparaissent. Ce sont des épreuves où des filles qui ne sont pas encore de « premier rang » peuvent s’exprimer au mieux et grandir pour aller ensuite batailler dans les courses World Tour.

Quels seront tes objectifs l’an prochain ? Le Giro Rosa, les classiques (une particulièrement ?) ?

L’année prochaine, je partirai tranquillement pour chercher à arriver sur la semaine des Ardennaises en forme. Je me concentrerai ensuite sur le Giro Rosa et sur le Mondial d’Innsbruck qui m’attire particulièrement.

Par Franck Fruch