Pierrick Fedrigo en interviewPierrick Fedrigo en interview | © Vélo 101

Bonjour Pierrick, pouvez-vous rappeler les grandes lignes de votre carrière ?

Je suis passé pro le 1er août 1999 avec l’équipe du Crédit Agricole, et ensuite j’ai fait presque 18 ans de carrière, et je l’ai finie chez Fortuneo Vital Concept en 2016. Comme principales victoires, je dirais les Championnats de France en 2005, 4 étapes du Tour, avec notamment la première en 2006, qui arrive à Gap, et puis il y a eu le Critérium International en Corse et des Coupes de France.

Et il y a eu entre autres des victoires à Pau, c’est ça ?

Oui, il y a eu deux victoires à Pau, quasiment sur la même ligne d’arrivée, donc ça aussi ça reste des grands souvenirs, avec les plus beaux cols des Pyrénées franchis.

On parlait donc de l’arrêt de la carrière en 2016 ; au 1er janvier 2017, vous saviez vers quoi vous alliez aller, ou au contraire c’était une page blanche ?

C’était un peu la page blanche, après j’en avais besoin aussi, après tant d’années dans le milieu. Je me suis complètement déconnecté du vélo, je ne regardais pas une course à la télé, je ne suivais vraiment plus du tout l’actualité du vélo, parce que j’avais besoin de couper, de me retrouver avec ma famille, de faire des choses que je n’avais pas pu faire pendant toutes ces années, et profiter de pleins de choses. Ensuite, quasiment au bout d’un an, on commence aussi un petit peu à tourner en rond, je ne faisais carrément plus du tout de vélo. On s’est orientés avec mon épouse sur la location de gîtes, donc le temps de monter les dossiers, on a visité certains domaines pour essayer de mettre une activité en place. Cette activité a commencé fin Mai 2019. Et voilà elle démarre tout juste, donc maintenant je m’occupe des gîtes.

Quand vous avez arrêté en 2016, vous aviez des opportunités de continuer, ou c’était vraiment la volonté d’arrêter et de passer à autre chose ?

Disons que je prenais encore du plaisir à m’entraîner, mais après la principale difficulté c’était de partir, de laisser mes enfants, et puis je sentais que physiquement je n’avais plus forcément l’envie d’aller chercher des résultats, je n’avais plus le mental pour ça. Par contre, je prenais encore du plaisir à m’entraîner, c’est pour ça que j’ai essayé d’aller le plus loin possible.

On va revenir à l’activité que vous montez, elle a supposé d’abord de trouver le lieu adéquat, l’offre adéquate, donc vous avez fait une formation pour ça ou vous avez lancé directement le projet sans autre recours ?

Alors déjà c’était une reprise d’activité, mais à côté de ça, c’est vrai que quand on sort d’un milieu sportif où l’on n’a pas forcément été habitué à démarcher à droite à gauche, j’ai quand même été aidé par des amis qui ont cru en mon projet aussi, qui m’ont fait connaître des personnes, et grâce à eux j’ai pu monter un projet qui tient la route.

Victoire sur le Tour de P.FédrigoVictoire sur le Tour de P.Fédrigo | © D. Le Deodic

On sait que l’ULCP travaille sur des programmes de formation, des aides à la reconversion, est-ce que c’est une piste que vous avez envisagée ?

C’est une piste quand on arrête : forcément on contacte cet organisme, après on poursuit ou pas. J’avais des gens autour de moi qui m’ont bien aidé, ils étaient proches de moi, donc ça suffisait largement pour construire mon projet.

On va donner le nom de votre activité, si on peut vous faire un peu de publicité, ce serait avec plaisir !

C’est les Gîtes du moulin du Grand Auque, ça se situe sur une petite commune, c’est frontalier entre le Lot-et-Garonne et la Dordogne, parce que je suis quand même toujours assez fier de mon Lot-et-Garonne. J’ai réussi à trouver quelque chose là-bas. Il y a plein de petits villages, de marchés, de châteaux, tout un tas d’activités.

Et en « plus », vous allez proposer d’aller rouler avec les gens, si vous avez un public cycliste ?

Oui, alors ça c’est un autre projet que j’ai, pour essayer de combler un peu le manque de location par rapport aux vacances. J’aimerais organiser des week-ends ou des semaines d’entraînement, des parcours pour des cyclos, des équipes amateurs, voir même des professionnels, si ça les intéresse bien sûr.

Vous avez passé le brevet d’Etat pour ça ?

Non, pas du tout, je voulais plus faire partager des expériences, ce n’est pas un entraînement, c’est plus une découverte de mon territoire, là où j’ai pu construire mes victoires d’étapes sur le Tour.

Pierrick Fedrigo qui répond à nos questionsPierrick Fedrigo qui répond à nos questions | © Vélo 101

Avec votre passé de coureur, quel coureur vous mettriez en exergue comme exemple de reconversion « réussie » ?

Je dirais un coureur comme Thomas Voeckler, qui touche un peu à tout aussi. On était deux coureurs différents au niveau de la notoriété, lui est toujours un peu resté avec la télé, comme entraîneur, sur la moto, et maintenant il est sélectionneur de l’équipe de France. Et c’est un peu ce qu’il se passait sur le vélo, moi j’étais quand même quelqu’un de discret, lui était plus médiatique, et en fait cela se retrouve complètement dans nos parcours.

Vous auriez aimé être pro à l’époque actuelle, avec justement tout l’environnement des réseaux sociaux, avec lesquels on ne peut faire un geste, notamment pendant le Tour de France, sans que cela soit démultiplié et immédiatement relayé ?

J’aurais aimé avoir 10 ans de moins, parce que je pense qu’avec des anciens coureurs comme Sylvain Chavanel, Thomas Voekler ou Sandy Casar, on aurait gagné plus de courses si on avait eu 10 ans de moins, c’est sûr. Après, moi c’est pareil, tout ce qui est des réseaux sociaux, je suis complètement à côté de tout ça, je ne suis pas fan de partager des choses qui doivent rester dans l’intimité.

A travers votre expérience, vous donneriez quoi comme conseil à un jeune coureur qui arrive dans le milieu pro aujourd’hui : faut-il déjà penser à sa reconversion ou bien faire le métier à 150 % et y penser au moment où on a moins envie de s’entraîner ?

C’était un peu mon cas, je n’ai pas voulu m’écarter et faire plusieurs choses à la fois, c’est peut-être cela qui m’a permis d’avoir des résultats. Il y en a qui arrivent à le faire, mais moi j’ai voulu me concentrer sur mon vélo, me lever le matin et penser vélo. Après, penser à autre chose, est-ce que c’est compatible, il y en a qui ont essayé mais peut-être que la carrière derrière n’a pas suivi non plus. Peut-être aussi que chacun à sa capacité d’avoir des résultats ou pas, donc il y en a qui cherchent plutôt à se recaser au niveau de la reconversion, mais faire les deux me semble compliqué.