Nordiste de naissance, provençale d’origine et francilienne d’adoption, son parcours de vie suit une voie pour le moins hors normes. Passionnée de basket et membre du Pôle France dans la discipline durant son adolescence, c’est pourtant en tant que pistarde qu’elle a percé au plus haut niveau. Des parquets aux planchers, elle a suivi l’itinéraire d’une surdouée une fois ses phénoménales capacités dévoilées. Véritable crack du cyclisme dès ses premiers tours de pédale, elle entre aujourd’hui dans l’ultime phase de son ascension vers les sommets : celle de la conquête de l’or. Portrait d’une jeune femme aux cuisses herculéennes, portrait de Mathilde Gros.Mathilde Gros ornée du maillot étoiléMathilde Gros ornée du maillot étoilé | © UEC 

Son parcours :

Mathilde Gros n’est pas née le nez dans le guidon, mais bien la main sur le ballon. Obnubilée par les grosses boules orange dès ses premiers pas, elle fait vite du basket son loisir favori, mêlant affinités pour la discipline à de réelles qualités physiques. Licenciée dès le plus jeune âge au fameux club de Sapela à Salon de Provence, elle se fait rapidement remarquée pour son agilité face au panier. Envoyée au pôle espoirs d’Aix-en-Provence dès ses douze ans, elle se projette déjà dans la carrière d’une basketteuse de haut-niveau, s’imaginant déjà fouler le sol des salles de LFB (Ligue Féminine de Basket).

Pourtant, la provençale s’apprête à connaître le plus grand bouleversement de sa vie, l’arrivée d’un élément perturbateur après treize années d’existence dignes d’un merveilleux conte. En effet, l’anecdotique installation d’un prototype de vélo d’intérieur au sein du Pôle Espoir va être l’instigatrice du grand chamboulement dans la paisible vie de Mathilde. Chevauchant un jour le home-trainer en quête d’amusement, elle fait exploser le capteur de puissance. Produisant des résultats hallucinants pour une jeune fille de son âge, elle sidère le préparateur physique du Pôle BMX, initialement venu pour présenter la machine. En quelques coups de fils, la prometteuse basketteuse devient une coureuse aguicheuse aux yeux de la Fédération Française de Cyclisme. D’abord abasourdie par la fulgurance du déroulement des évènements, elle voit sa vie basculer lors de l’appel au domicile familial de Justin Grâce, alors entraîneur national. Alors qu’elle percevait son avenir en short et marcel, elle quitte brutalement ce combo pour enfiler la combi, happée par le phénomène déclenché par ses performances.

En l’espace de quelques mois, Mathilde Gros, cette bucco-rhodanienne promise aux projecteurs du basket féminin se retrouve projetée sur les pistes de vélodromes franciliens, licenciée d’un sport dont elle ne connait presque rien. Ces stades ne représentant auparavant dans son esprit qu’un univers tout à fait étranger deviennent tout à coup son quotidien, et des prototypes dont elle ignorait l’existence, ses principaux partenaires d’entraînement. En net déficit d’intérêt pour la discipline, la provençale doit apprendre vite. Les règles, les postures, les stratégies… Dans cette découverte accélérée sur un pont inédit entre deux sports antagonistes, la jeune fille chute beaucoup mais progresse vite. Si bien qu’à peine un an après ses premiers tours de pédale, là voilà déjà championne de France du 500 mètres juniors sous le maillot de l’US Créteil, alors qu’elle est encore cadette. En 2016, elle s’attaque aux championnats européens, avec un succès toujours aussi retentissant. Titrée en vitesse individuelle ainsi qu’en 500m départ arrêté, record de France junior à la clé, là voilà ornée du maillot étoilé, symbole de la fusée qu’elle est. Cependant, les occasions d’étrenner la tunique se font rares, la faute à un surclassement national la propulsant directement parmi les élites. Championne de France du 500m et du keirin dans la catégorie suprême de la piste française, la native de Sainte-Catherine s’avère déjà trop forte pour ses aînées alors qu’elle n’a même pas atteint la majorité.

Pour elle, chaque saison devient l’occasion du franchissement d’un nouveau cap. Inscrite sur les manches de Cali et de Los Angeles en Coupe du Monde élite à l’hiver 2016-2017, elle y signe ses premiers tops 10 en keirin, rivalisant immédiatement avec le gratin mondial. Au printemps suivant, c’est aux mondiaux élites qu’elle fait parler d’elle. Recordwoman de vitesse junior lors des qualifications, elle se hisse jusqu’aux quart de finale avant de rencontrer une adversité trop prononcée, en la personne de la lituanienne Simona Krupeckaite. L’été est l’occasion d’un sacre continental au niveau junior dans l’ensemble des disciplines de vitesse, avant d’écraser les championnats de France en y glanant pas moins de sept médailles d’or ! Enfin, l’amorce de la saison des feuilles mortes lui offre l’occasion de dévorer la concurrence mondiale junior, en reproduisant l’exploit des championnats d’Europe, cumulant ainsi les trois titres de sprint individuel. Au temps des promesses a désormais succédé le moment des espoirs les plus fous au sujet de cette prodige aux performances effarantes.Mathilde Gros, rayonnante sur les championnats d'Europe 2016Mathilde Gros, rayonnante sur les championnats d’Europe 2016

Cependant, courir à haute vitesse comporte des risques. Et sur la manche de Coupe du Monde de Pruzkow, Mathilde Gros en fait les frais. Chutant violemment lors de la finale du keirin, elle se brise la clavicule et doit renoncer aux étapes suivantes. Un premier coup d’arrêt dans la carrière d’une championne destinée à atteindre les cimes, une première épreuve majeure à surmonter pour la jeune prodige. D’ailleurs, les évènements ne tournent pas en sa faveur. Gardant son épaule douloureuse durant de long mois, elle passe à côté des mondiaux 2018, incapable de rivaliser face aux meilleures. Son retour au plus haut niveau s’effectue progressivement, atteignant enfin ses résultats d’antan au mois d’août, lors des championnats d’Europe. De nouveau compétitive face à l’élite continentale de la discipline, elle décroche l’or lors du keirin ainsi que le bronze en finale de l’épreuve de vitesse. Cet élan se poursuit lors des championnats de France d’Hyères où elle remporte deux titres sur trois possibles, sans toutefois dominer autant la concurrence que lors de l’édition précédente. La coupe du monde 2018-2019 est à ce titre symptomatique des traces persistantes de son accident. Enchaînant les accessits et les places d’honneurs, elle échoue systématiquement à monter sur les podiums des manches, traversant ainsi l’hiver de manière anonyme.

La saison 2019 débute ainsi sur cette même longueur d’onde. Souvent placée parmi les meilleures mondiales, elle peine toutefois à s’en défaire. 6e du keirin et de la vitesse par équipes lors des championnats du monde, son principal fait d’armes de la compétition a lieu en vitesse individuelle, où elle parvient à décrocher la médaille d’or. Après son habituelle collecte de médailles lors des championnats de France où elle enlève les trois titres de sprint individuel, elle reproduit sa performance de l’année passée en finale des championnats européens d’Apeldoorn, en dépit d’une grande déception en vitesse individuelle où elle est éjectée du tableau dès les quarts de finale. Auteure de deux beaux podiums lors des deux premières manches de Coupe du Monde l’hiver suivant, la provençale peine toutefois à continuer sur cette lancée, terminant finalement l’épreuve à une anecdotique 9e place au classement général. Désormais, la fusée Mathilde Gros peine à prendre de l’altitude.
 

Son statut aujourd’hui :

En effet, au départ canon a succédé une rupture de vitesse de progression à partir de sa blessure à l’épaule. Surdouée dans les catégories juniors et impressionnante lors de ses premières participations aux compétitions élites, la pensionnaire de l’US Créteil échoue depuis deux ans à s’ériger au sommet de la discipline. Souvent placée mais rarement médaillée, la persistance de ses difficultés dans le dernier tour commence à inquiéter. A ce titre, la saison 2020 apparaît comme le véritable moment de révélation pour la pistarde tricolore, celui de la confirmation des immenses attentes que les suiveurs ont placé tôt en elle. Avec les Jeux Olympiques de Tokyo en point d’orgue, ses performances printanières seront scrutées avec une attention toute particulière du côté français, notamment lors des championnats du monde de Berlin à la fin du mois. L’occasion d’un premier état des forces en présence, et avec l’espoir de voir Mathilde Gros à nouveau grandir.

Par Jean-Guillaume Langrognet