« Le Tour de France, c’est aussi le Tour de la France » dit l’adage. Et chaque été, cet homme est spécifiquement aux commentaires pour le rappeler. Animateur, chroniqueur, mais aussi historien controversé par ses confrères, il est un grand adepte du roman national, un féru de patrimoine. L’idée de cet article n’est pas d’évoquer les multiples polémiques historiques qui ont marqué sa carrière, encore moins de le juger. En effet, il s’agit d’un personnage clivant, adulé par sa troupe de fidèles auditeurs, mais aussi critiqué par certains homologues, peu adeptes de son discours. Si ce trait de fracture est net, sa personnalité n’en reste pas moins inclassable. Vraisemblablement conservateur, voire « un peu réac » selon les mots de compère Stéphane Bern, ses chroniques parlent à la France nostalgique, à la France bourgeoise, à la France de droite, mais aussi à une masse d’auditeurs goûtant particulièrement à toutes ses anecdotes sur le passé national, à toutes ces petites histoires qui ont fait la grande dans notre pays. Voici donc le parcours d’un homme qui dénote dans le paysage du cyclisme, le portrait d’un homme lié à la Petite Reine malgré lui, celui de Franck Ferrand.
 

Son parcours :

Effectivement, la rencontre de Franck Ferrand et du vélo relève de l’invraisemblable, et l’intéressé ne s’en cache pas à l’antenne. Lui, son truc, son dada, sa raison de vivre, c’est l’Histoire. Né en 1967 à Poitiers, originaire d’une famille de bouchers, sa situation sociale ne le prédestinait pourtant pas à un tel domaine. Pourtant, tout au long de son parcours scolaire, il s’impose peu à peu au mérite, restant jusqu’à l’obtention d’un Bac C dans la préfecture de la Vienne, avant de s’envoler vers les hauts horizons de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Brillant étudiant, il se découvre alors au 27 rue Saint-Guillaume un penchant pour l’Histoire, et se dirige dès lors vers la prestigieuse EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) pour y assouvir sa passion, son diplôme de sciencepiste en poche.  Si l’axe de ses études est clair, comme en atteste son DEA d’Histoire obtenu en 1991, l’ampleur et le panel de l’enseignement de telles universités illustrent aussi son côté touche à tout, loin du doctorat spécialisé obtenu en faculté.

De ce fait, il ne devient pas un chercheur, mais un passeur. Il s’attache ainsi à vulgariser l’Histoire, à la transmettre au public, à l’inculquer à ses auditeurs et lecteurs, mais peu à l’enrichir. Profitant de ses qualités d’écrivain, il se lance alors dans la rédaction d’une série d’ouvrages sur son sujet de prédilection : le château de Versailles, dans la lignée de sa thèse sur la Cour de Louis XV. En 2008, son livre L’Histoire Interdite, révélations sur l’Histoire de France, dans lequel il cherche à réfuter cinq thèses communément admises, suscite d’énormes polémiques, certains l’accusant de sympathie envers le complotisme.

Mais en parallèle de ces publications, Franck Ferrand s’affirme également en orateur audiovisuel. Dès 1995, il avait déjà signé de nombreux textes d’épisodes de l’émission radiophonique de Pierre Belmaire, Les Aventuriers du XXe Siècle. A partir de 2003, il s’empare du micro. Recruté par Europe 1 en 2003, il enchaîne les émissions historiques, aimant narrer à ses auditeurs des récits croustillants sur l’Histoire de France, au prisme de ses personnages notables. Effectivement, le poitevin est partisan d’une Histoire faite avant tout par les Hommes, à l’instar de François Furet, et met ainsi régulièrement en scène des héros du roman national pour expliquer leur rôle clé dans un moment passé. Mais en juin 2018, il quitte la chaîne du groupe Lagardère avec fracas. Son émission « Au cœur de l’histoire », largement saluée par la critique et les audiences, étant déclassée en plein creux du dimanche après-midi, il préfère claquer la porte d’une antenne en pleine crise. A l’automne, il réapparaît alors du côté de Radio Classique, amenant avec lui ses adeptes pour lancer son émission « Franck Ferrand raconte… ».

En outre, Franck Ferrand s’essaye également à la télévision à partir de 2011, en présentant sur France 3 l’émission L’ombre d’un doute, qu’il articule autour de problématiques interrogeant la pensée commune, revendiquant vouloir briser les « mensonges » de l’Histoire officielle. Toutefois, les maintes polémiques historiographiques ayant accompagné les prises d’antenne, blâmant une simplification de la réalité poussée à son extrême et des approximations impardonnables dans le milieu, l’émission tire le rideau en 2016, remplacée par l’Heure H. Depuis, l’historien et animateur effectue quelques apparitions du côté des Grosses Têtes ou de Vivement Dimanche Prochain de Michel Drucker, mais trouve surtout sa place dans cette rubrique pour sa participation au Grand Direct du Tour de France sur le service public. 

Son statut aujourd’hui :Franck Ferrand avec Laurent Luyat et Marion RousseFranck Ferrand avec Laurent Luyat et Marion Rousse | © Compte Twitter de Marion Rousse

En effet, en 2017, le poitevin prend la relève d’Eric Fottorino et se place dans la lignée de l’illustre Jean-Paul Ollivier pour ponctuer la retransmission d’interventions sur les monuments et autres points de curiosité jalonnant le parcours. Effectivement, Franck Ferrand est chargé de mettre en lumière la richesse du patrimoine français grâce à des « mini-chroniques » fourmillant d’anecdotes et d’informations. Le binôme qu’il forme avec Alexandre Pasteur dans l’exercice fonctionne d’ailleurs avec harmonie, les deux hommes sachant ne pas empiéter sur le terrain de l’autre. De plus, la discrétion de Franck Ferrand à l’antenne est tout à son honneur. Se refusant d’intervenir sur le domaine du sport qu’il ne connaît pas, il sait aussi s’adapter aux aléas du direct et à la tournure des évènements de la course, pour s’effacer lorsqu’elle s’anime. Mais il est aussi un formidable allié des premières parties d’étapes de plaine, lorsque l’observation du paysage aux alentours du tracé s’accorde parfaitement avec la longue procession des coureurs sur la route. La préparation méticuleuse de chaque monument, chaque parc ou chaque cité qu’il effectue en amont avec l’aide de son équipe constitue d’ailleurs une véritable partition pour l’ensemble de l’équipe audiovisuelle, s’attardant sur chaque endroit décrit par ce roadbook. Enfin, sa narration douce et mielleuse offre une agréable pause culturelle au tumulte de la course, formulant ainsi un récit particulièrement intéressant à écouter, alliant de ce fait passion sportive et intérêt culturel. En effet, si la Grande Boucle est avant tout une course cycliste, elle est aussi un évènement national, chargée à ces débuts d’être un vecteur de la grandeur et de la diversité du territoire français, et illustrant désormais la France et ses régions méconnues au monde entier, en guise de voyage immobile pour ces millions de téléspectateurs assis sur leur canapé.

Par Jean-Guillaume Langrognet