Pouvons-vous nous rappeler les grandes lignes de votre carrière ?

Après mes études post-bac, j’ai décidé de me concentrer sur le vélo. je suis passé pro en ’91 chez Z, ensuite chez Gan même si en réalité c’était la même équipe, puis j’ai fini ma carrière avec Stéphane Javalet dans les différentes équipes Bigmat-Auber 93… J’ai été pro 12 ans et j’étais surtout équipier. Mes meilleurs résultats je les ai obtenu sur Paris Roubaix et j’étais reconnu pour mes qualités de capitaine de groupe et d’équipier.

C’est vrai que la reconversion, dans ma carrière je n’y ai jamais vraiment pensé. Je m’y suis intéressé surtout la dernière année. J’ai fait une formation de 9 mois dans un centre à Pô pour être responsable de magasin de sport, avec des stages en entreprise. A l’issue de cette formation, j’ai commencé à travailler dans un magasin intersport. Cela n’a duré que 6 mois car je me suis vite rendu compte que cela ne me convenait pas. Rester au même endroit tous les jours et aux mêmes horaires, ce n’était pas fait pour moi.

J’ai été sollicité par ASO car il y avait un poste à pourvoir. j’ai donc postulé et je l’ai eu. J’ai grandi chez ASO, j’ai fait responsable sportif et maintenant je suis responsable du département des compétitions, c’est-à-dire le département qui gère l’organisation des épreuves cyclistes. Il faut donc être en relation avec les équipes, avec les commissaires, avec les fédérations et cela concerne aussi le tracé des parcours de nos nombreuses épreuves.

Est-ce que vos études avant votre carrière professionnelle vous ont servi ou au contraire vous êtes reparti de zéro ?

Oui, complètement car après le BAC j’avais commencé un DUT dans le génie électrique, ce qui ne me plaisait pas du tout, même si j’avais des capacités intellectuelles en mathématiques et en physique. Comme ce n’était pas du tout ce que je voulais faire, je ne suis pas allé au bout de ce DUT.

Pour les 9 mois de formation que j’ai fait après ma carrière, en revanche, là c’était beaucoup plus axé sur le sport et cela me convenait mieux.

Après 12 ans de carrière, aviez-vous vraiment anticipé la reconversion ?

Non, je n’y ai vraiment pensé que la dernière année. C’est cruel une fin de carrière et nous ne sommes pas du tout encadrés pour ça. Vous rendez vos vélos et vous êtes lâché dans la nature… et du jour au lendemain, vous vous retrouvez sans rien et sans outil de travail. C’est assez cruel.

Vous aviez un gros rôle de capitaine de route, c’est-à-dire que vous étiez reconnu pour vos qualités de meneur, automatiquement on aurait pu penser à une reconversion type directeur sportif ou manager d’équipe, cette idée vous a t-elle traversé l’esprit ?

Paradoxalement, non. En sortant de carrière, je n’y ai pas pensé et je ne me serais pas senti l’âme de mener et de diriger une équipe.

Les jeunes champions d’aujourd’hui bénéficient d’aides à la reconversion, auriez-vous aimé en bénéficier ?

En réalité, j’en ai bénéficié , j’avais eu un Contrait d’Aide à la Formation. Cela passait par un bilan de compétences. Il faut se remettre en cause, sortir du cocon où on était étant coureur et revenir très vite les pieds sur terre. Il ne faut pas avoir peur de repartir en bas de l’échelle et de refaire ses preuves. Autrement, si on pense rester dans l’acquis, c’est l’échec assuré.

Dans le métier que vous avez actuellement, quelles qualités de coureur cycliste réutilisez vous ?

Sans aucun doute, c’est la qualité d’équipier car avec mes collègues nous sommes une vraie équipe, nous sommes interchangeables à tous les postes ou quand il y en a un qui est un peu dans le dur, on est toujours là pour le soutenir. Selon moi, c’est vraiment une force et c’est ce que j’ai gardé le plus du peloton. Il n’y a pas de leader sans équipiers, il n’y a pas d’équipe sans équipiers et dans les valeurs du cyclisme, je crois que c’est l’une des choses les plus importantes.

Quels conseils pourriez-vous donner à un jeune coureur qui vient d’achever son premier Tour de France par exemple, car cela passe très vite ?

Oui cela passe vite mais cela vaut le coup de faire son métier de cycliste à fond sans trop penser à l’après, c’est quand même une vie exceptionnelle et il faut en profiter au maximum. Quelqu’un comme Bardet qui fait ses études supérieures en même temps que sa carrière pro, c’est rare, il a trouvé son équilibre comme ça.

A votre époque, il n’y avait pas autant de moyens de communication, type réseaux sociaux, pour signaler son existence et son envie de montrer qu’on souhaite trouver un travail, enviez-vous cette époque ?

Là-dessus, je n’ai aucun avis. Je pense juste que tout cela est très éphémère. Un coureur qui arrête sa carrière va vite tomber dans l’oubli, réseaux sociaux ou pas.

Parmi tous les gens que vous connaissez, y a t-il un exemple de reconversion réussie qui vous a marqué ?

J’ai mené une carrière parallèle à celle de Christophe Capelle. Il était champion de France sur route en 2000 et sa reconversion est très réussie. Il avait déjà un très gros niveau intellectuel avant de passer pro, maintenant il gère 400 à 500 personnes dans le traitement des déchets. C’est pour moi une reconversion bien réussie.

Je pense que le cyclisme apporte une vraie force de caractère et que c’est un atout. J’ai fait ma formation après les années difficiles de ’98 où les cyclistes passaient pour des dopés sans rien dans la tête, mais ma formation s’est très bien passée car j’avais la volonté de réussir. Pour une reconversion, un cycliste peut compenser quelques lacunes techniques avec des compétences comme le mental et la volonté.

 

                                                                                                                                                                      Mathilde Duriez