Avoir un poste pareil, ce n’est pas commun. Qu’est-ce que cela signifie pour toi ?

Cela signifie que j’ai la responsabilité de tenter de conquérir des titres dans les courses européennes avec une équipe colombienne, de faire découvrir au monde entier que la Colombie est un pays de cyclistes depuis toujours et que, malgré les difficultés connues dans notre pays, nous sommes tout à fait capable de rivaliser sur les grandes courses.

Comment parviens-tu à assurer cette fonction en tant que femme ?

Être une femme dans ce monde d’hommes, c’est très difficile. J’essaie d’y aller petit à petit avec mon équipe pour montrer que la nouvelle génération de cyclistes est jeune et pleine de talents. De grands noms sont sortis de notre équipe comme Nairo Quintana ou Estaban Chaves. C’est une fierté pour moi d’être une femme et d’être parvenue à ce résultat.

Parles nous de ton parcours antérieur.

J’étais dans l’équipe colombienne de cyclisme pendant 11 ans donc c’est un milieu que je connais bien. Je ne suis pas ici par hasard. Je pense qu’avoir un passé dans le milieu du cyclisme est indispensable pour manager une équipe et connaître tous les rouages du système.

Y a-t-il une parité hommes / femmes dans l’équipe staff de Manzana Postobon ?

Oh non ! Nous sommes 4 femmes et 30 hommes. Nous essayons de faire progresser cela. 

Pourquoi pas avoir une femme mécanicien ?

Les choses évoluent, car il y a encore 5 ou 6 ans, il n’y avait encore aucune femme masseuse dans les équipes, et à présent, il y en a partout ! Doucement, mais sûrement ! (Rires). 

Que penses-tu du débat autour de la bise des hôtesses sur le podium cette année ?

Je pense que la nouvelle solution est bonne, car l’ancienne formule laissait entendre que les femmes sont juste bonnes à être belles et à faire la bise. Nous sommes tous égaux, hommes et femmes, en compétences et en profession. 
Cependant, pour les femmes, il faut toujours en montrer deux fois plus pour être légitime. C’est très difficile d’être une femme puisque nous sommes soit disant « le sexe faible ». Je pense que nous avons plus de capacités puisque nous sommes capables d’avoir un travail, d’avoir des enfants, de les élever, d’entretenir une maison et de tout faire en même temps. 

Comment parviens-tu à gérer vie professionnelle et vie personnelle ?

Ce n’est pas simple car j’ai une petite fille de 5 ans qui s’appelle Martina dont je dois m’occuper. Au cours d’une journée type, je me lève à 5h pour faire du vélo, ensuite j’emmène ma fille à l’école, je vais travailler au bureau, je retourne chercher ma fille à l’école, je vais faire des courses et le dîner, je lui fais faire ses devoirs, et quand elle est couchée je fais le ménage. Et le lendemain c’est reparti ! D’ailleurs, j’ai dû tout quitter pour 3 semaines de Vuelta, ce n’est pas évident … mais pas impossible !

D’ailleurs, ce côté maternel t’aide t-il au quotidien ?

Oui cela m’aide beaucoup. j‘ai toujours besoin de savoir si mon équipe se sent bien, j’essaie de prendre soin d’eux tout en restant le chef. Quand on gère des cyclistes, cet instinct maternel simplifie beaucoup les choses et apporte une touche très humaine dans ce monde d’hommes, de sport et de testostérones !

Cela te plairait que ta fille devienne cycliste professionnelle ?

Oh que non !! (Rires). Elle adore le vélo mais cela me ferait très peur qu’elle chute ou qu’elle se fasse mal, qu’elle ait un accident, je m’inquiéterais beaucoup !

Penses-tu qu’à terme, en Colombie par exemple, il y aura autant de femmes que d’hommes cyclistes ?

Je l’espère vraiment ! Je fais partie de l’avant-garde et de ces femmes qui luttent en Colombie pour défendre les droits des femmes cyclistes qui, contrairement aux hommes, doivent payer pour pouvoir représenter leur pays aux championnats du monde. Ce n’est vraiment pas juste ! Dans tous les cas, je suis fière de mon pays dans ce domaine. Nous, les Colombiens, nous sommes au cyclisme ce que sont les Kényans à l’athlétisme !

Mathilde Duriez, Vélo101