Sans être un fervent supporter danois ou un fan de la Sunweb, il était assez satisfaisant d’observer Soren Kragh Andersen hurler sa joie à l’arrivée avant d’être chaleureusement enlacé par chacun de ses partenaires. En effet, si les aficionados du triple champion du monde voyaient de nouveau Peter Sagan échouer à parachever le travail de sa formation, ou les patriotes tricolores constataient une fois de plus que Julian Alaphilippe est encore passé à côté d’une belle occasion de s’imposer, ils pouvaient relativiser devant le mérite du vainqueur du jour, porté par une formation à la tactique plaisante.

Effectivement, on avait aimé l’épopée solitaire de Marc Hirschi sur la route de Laruns. On avait adoré le formidable travail de ses équipiers dans le Limousin pour le propulser vers la victoire à Sarran. Ce samedi, on a été époustouflé par l’animation du final par les blancs et noirs, jouant tour à tour chacune de leurs cartes sans favoritisme pour que le collectif l’emporte finalement. Il y eut déjà ce formidable travail collectif de placement à l’abord de la côte de la Duchère, rivalisant avec le rouleau-compresseur Jumbo-Visma dans l’exercice. Et lorsque la route s’éleva enfin, Tiesj Benoot filocha pour suivre en douce l’accélération involontaire de Michaël Schär et s’envoler lorsque celui-ci se releva. Le fou belge repris une poignée de kilomètres plus loin, ce fut son jeune roi helvète qui tenta sa chance dans la descente de la côte de la Croix-Rousse, pour porter ainsi la seconde estocade. Rapidement contrôlé par Peter Sagan, il vit aussitôt son cavalier danois profiter d’un moment de flottement pour filer de la meute. Cette fois, personne ne bougea. Echec et mat.Soren Kragh Andersen vainqueur à LyonSoren Kragh Andersen vainqueur à Lyon | © ASO / Alex Broadway

De cette manière, la stratégie de la Sunweb peut s’apparenter au principe du prince des jeux. Intenable depuis le départ de Nice, Marc Hirschi est rapidement devenu leur pièce maîtresse. Mais si le bernois est protégé dans le final des étapes avantageuses, ses équipiers n’ont pas non plus vocation à se sacrifier pour lui lorsque la course est ouverte, préférant multiplier les attaques que miser sur un seul. En effet, tout joueur d’échec sait que la victoire ne peut pas seulement reposer sur le couple royal, mais s’appuie sur l’ensemble de l’armée et de ses talents divers et variés.

Un ton en-dessous des grosses cylindrées sur le papier, la formation allemande a su renverser l’ordre des choses grâce à cette stratégie. Et si elle a crevé l’écran au cours des derniers jours avec deux bouquets en trois étapes, cette seconde semaine tonitruante ne doit cependant pas occulter une entame de Tour de qualité. Invitée surprise des sprints massifs grâce à Cees Bol, seul sprinteur possédant une formation suffisamment forte pour lui fournir un train durable, elle a frôlé la victoire au retour de l’escapade dans le montagneux arrière-pays niçois par l’intermédiaire de Marc Hirschi. Une semaine plus tard, c’était à nouveau avec sa pépite suisse qu’elle faisait parler d’elle, en offrant à son sponsor 90 kilomètres de médiatisation accrue.

Si la journée de demain semble promise à un cador, nul doute que les lignes noires sur fond blanc ressurgiront de nouveau sur les routes de Villars de Lans, la Roche sur Foron ou Champagnole pour y briller, tout en rêvant d’étinceler sur les Champs-Elysées.

Par Jean-Guillaume Langrognet