Yoann, tu as débuté par la moto à haut niveau avant de te réorienter vers le deux-roues sans moteur, pourquoi ?
Je ne suis pas du tout issu d’un milieu cycliste. J’ai utilisé le vélo dans le cadre de ma préparation physique, mais c’est arrivé assez tard, quand je courais en Championnat du Monde Supersport, entre 18 et 20 ans. J’emmenais régulièrement mon vélo sur les courses et j’allais reconnaître le circuit avec pour travailler l’imagerie mentale. Une façon d’allier plaisir et passion. Progressivement, le vélo est devenu une vraie passion. Je ne connaissais absolument rien du milieu et de son passé mais je me suis pris au jeu.

Qu’est-ce qui a fait le déclic ?
Il faut dire ce qui est : être pilote français en sport mécanique ne joue pas en notre faveur. J’ai roulé à l’époque de pilotes espagnols ou italiens qui avaient toujours des sponsors financiers. En tant que Français, c’est compliqué. Plutôt que de galérer, j’ai préféré tourner la page à un moment où la passion du vélo a pris le dessus. Aujourd’hui je n’ai aucun regret. Je découvre toujours le vélo mais je m’y fais autant voire davantage plaisir. Et même si je ne suis pas professionnel, je suis arrivé à un bon niveau.

As-tu retrouvé dans le vélo l’aspect mécanique propre à la moto ?
L’aspect matériel rentre en ligne de compte. Je reste aussi « maniaque » que lorsque je courais en moto. Je vais être méticuleux sur des choses auxquelles ne prêtent pas forcément attention les cyclistes. A  moto, il fallait parfois se creuser la tête pour aller chercher 2 ou 3 dixièmes sur un tour. Quand on veut gagner un chrono en vélo, il faut garder cet aspect-là et ne rien laisser au hasard.

Les deux disciplines ont beau se pratiquer sur deux roues, elles ne nécessitent pas du tout la même préparation physique…
A moto, la course durait quarante-cinq minutes à 180/185 pulsations par minute. Il s’agissait de garder de la puissance musculaire, donc de ne pas être trop maigre, pour passer de 300 à 60 km/h à l’approche d’un virage et encaisser 2,5G. La préparation physique n’était pas la même mais elle était aussi importante qu’à vélo.

Quels sont les points forts d’un motard devenu coureur ?
Une descente sous la pluie à 100 à l’heure ! Un motard a des notions de trajectoire et de vitesse que beaucoup de cyclistes n’ont pas. J’adore descendre et j’arrive à retrouver sur le vélo pas mal de sensations que j’avais à moto. Je ne cours à haut niveau que depuis deux saisons donc je continue de me découvrir. Je me qualifierais comme un rouleur-sprinteur. Je sors 1500 watts au sprint pour 68 kg, ça commence à parler ! Mais il faut que je gagne en foncier pour mieux exploiter cette puissance.

Entre la moto et le vélo, quelle discipline te semble la plus individuelle ?
Le sport moto reste plus individuel. Une équipe rentre en ligne de compte sur l’aspect de la préparation de la moto. Mais une fois sur la moto, vous êtes seul. Il n’y a ni tactique ni course d’équipe sur le circuit. En vélo, l’équipe reste importante. La confiance que je pouvais avoir envers mes mécanos en moto est aussi importante que celle qu’on peut avoir envers un coéquipier en course.

Tu es Auvergnat, rejoindre le Team Pro Immo Nicolas Roux était-il une évolution logique ?
Complètement. J’ai couru jusque-là au VC Ambertois, qui n’avait pas de Division Nationale. Le but était de trouver une structure de haut-niveau afin de progresser comme je le faisais à moto et tâcher d’aller le plus loin possible. Quand je vois la structure que nous avons au Team Pro Immo, je me sens mieux entouré que lorsque j’étais professionnel à moto. On bénéficie d’un vrai suivi, ce qui n’est pas le cas à moto, et je ne demande qu’à progresser.

Rejoindre un club de DN2, c’est déjà une belle étape dans ta progression…
Je me suis mis au vélo par passion, par plaisir, et finalement je me découvre certaines qualités. J’ai vécu énormément de choses en tant que sportif mais je n’ai que 26 ans, je suis jeune. J’ignore jusqu’où je pourrai aller, alors autant le vivre à fond. Je n’ai pas vraiment de point de repère quand certains courent depuis les Cadets et savent où ils en sont. J’ai beau avoir 26 ans, il faut me considérer en vélo comme un Junior 1.

A 26 ans, tu as donc un rôle paradoxal auprès des jeunes de l’équipe ?
Même si je ne peux pas apporter aux jeunes une tactique sur le vélo, une approche nutritionnelle ou des plans d’entraînement, je pense pouvoir leur apporter sur les aspects de la préparation mentale et de la visualisation. Je n’ai pas gagné le Championnat d’Auvergne contre-la-montre par hasard. Il a fallu que je mette tous les atouts de mon côté, que je compense mes lacunes par le mental. D’un côté je ne demande qu’à apprendre, de l’autre je pense pouvoir apporter pas mal de choses aux jeunes.

Propos recueillis à Bedoin le 17 novembre 2012.