Devenir champion du monde Espoirs, c’est bien souvent l’aboutissement d’un début de carrière chez les amateurs et le dégagement d’un horizon doré. Il suffit de lire le palmarès de l’événement pour en saisir la noblesse. Plus qu’un révélateur de talents, il consacre ceux que le peloton professionnel a déjà dans le collimateur. Et donne des galons à de jeunes coureurs qu’on retrouvera forcément devant dans les années futures sur les plus grandes courses du calendrier. Ce titre, tous en rêvent au départ de la course florentine, en fait un tronçon en ligne de 57,2 kilomètres entre Montecatini Terme et Florence, où le peloton retrouvera le circuit des Championnats du Monde pour sept tours de 16,6 kilomètres empruntant le Fiesole (4,4 km à 5,2 %) et le Via Salviati (600 mètres à 10,2 %), les deux difficultés qui se répètent tour après tour.

Ce sont six coureurs qui vont entrer les premiers sur le circuit du Mondial. Passés à l’attaque dans la partie initiale de l’épreuve, Jaka Bostner (Slovénie), Ands Flaksis (Lettonie), Mihkel Raim (Estonie), Kolya Shumov (Biélorussie), Zoltan Sipos (Roumanie) et Meron Teshome-Hagos (Erythrée) font irruption sur le tracé final avec quatre minutes et demie d’avance sur le peloton, lequel va s’attacher à gommer son retard au fil des boucles. L’enchaînement des difficultés brûle les jambes et les ailes des attaquants. Raim d’abord, Sipos ensuite, Shumov plus loin, lâchent prise, laissant Bostner, Flaksis et Teshome-Hagos insister jusqu’à trois tours de l’arrivée. Mais l’heure est venue pour les prétendants au titre mondial de se découvrir. Et l’équipe de France est celle qui va dynamiser la course.

C’est le Normand Alexis Gougeard qui, le premier, plante une banderille à un peu plus de deux tours de l’arrivée. Il rentre sur la tête de course, repart avec Meron Teshome-Hagos, mais ne creuse pas l’écart sur le paquet, duquel est sorti à son tour Clément Chevrier avec Nathan Brown (Etats-Unis). Les Français bougent, mais leur excellence aux Championnats du Monde Espoirs – deux titres et deux médailles d’argent ces quatre dernières années – en fait une nation à surveiller de près. Aussi le peloton ne laisse pas partir un quatuor composé pour moitié de coureurs tricolores. Il fait son retour sur la tête de course au pied du Via Salviati à une petite quarantaine de kilomètres de l’arrivée.

Matej Mohoric multiplie les positions aérodynamiques invraisemblables.

Deux tours restent à couvrir. Et c’est Flavien Dassonville qui grille désormais sa cartouche en démarrant avec Jasha Sutterlin (Allemagne) et Dylan Van Baarle (Pays-Bas). Là encore l’équipe de France Espoirs mise sur la surreprésentation en tête de course. Julian Alaphilippe met à profit ses qualités de descendeur pour rallier la tête de course dans la descente du Fiesole… avant de gicler seul dans la brève ascension du Via Salviati. Le futur coureur d’Omega Pharma-Quick Step affiche une belle détermination mais, à 20 kilomètres de l’arrivée, filer seul comme ça relève de l’insouciance. Si loin du but, il lui faut un allié. Et il se présente sous les traits du Slovène Matej Mohoric. Les deux hommes s’unissent. Ils attaquent le dernier tour de circuit ensemble, 20 secondes devant le peloton que les Italiens ne parviennent pas à ramener devant.

Les deux dernières ascensions seront déterminantes. Pour Julian Alaphilippe la longue escalade du Fiesole sonne le glas. S’il ira chercher une 9ème place à Florence, le Français ne peut plus suivre Matej Mohoric lorsque le sommet est en vue. Il laisse le Slovène seul devant, lancé dans un combat somptueux face au Sud-Africain Louis Meintjes, qui est sorti dans la bosse, alors que le peloton (ou ce qu’il en reste) n’a pas lâché l’affaire. C’est une course contre la montre qui est engagée, et tous les moyens sont bons pour gagner du temps. Multipliant les positions aérodynamiques invraisemblables, les deux coudes posés sur le cintre pour simuler un prolongateur ou les fesses à même le tube horizontal pour mieux fendre l’air sans jamais cesser de pédaler, Mohoric résiste. Et tant pis pour l’allure burlesque !

Il faut croire que les acrobaties du jeune homme sont payantes. Si elles ne lui font pas gagner de temps, elles ne lui en font pas perdre pour autant. La ligne d’arrivée s’approche à grands pas, et c’est bien lui qui va s’y présenter le premier, devant le Sud-Africain Louis Meintjes et le Norvégien Sondre-Holst Enger, pour devenir champion du monde Espoirs à seulement 18 ans (il en aura 19 le mois prochain). Un exploit exceptionnel de la part d’un coureur déjà sacré champion du monde chez les Juniors il y a un an à Valkenburg ! C’est un doublé inédit que réalise aujourd’hui Matej Mohoric, personne avant lui n’ayant réussi pareille performance. Le talent de ce jeune coureur avait déjà été apprécié depuis fort longtemps par l’équipe Cannondale, qu’il rejoindra l’an prochain à 19 ans pour y débuter sa carrière professionnelle.

Classement :

1. Matej Mohoric (SLO, Slovénie) les 173,2 km en 4h20’18 » (39,9 km/h)
2. Louis Meintjes (AFS, Afrique du Sud) à 3 sec.
3. Sondre-Holst Enger (NOR, Norvège) à 13 sec.
4. Caleb Ewan (AUS, Australie) m.t.
5. Toms Skujins (LET, Lettonie) m.t.
6. Davide Villella (ITA, Italie) m.t.
7. Dylan Van Baarle (PBS, Pays-Bas) m.t.
8. Silvio Herklotz (ALL, Allemagne) m.t.
9. Julian Alaphilippe (FRA, France) m.t.
10. Patrick Konrad (AUT, Autriche) m.t.