Il incarne le prestige des forces de la Gendarmerie nationale. L’escadron motocycliste de la Garde Républicaine a 60 ans et presque autant d’années de service sur le Tour de France. Lui dont la mission prioritaire reste l’escorte protocolaire au profit du Président de la République et des chefs d’Etat en visite sur le territoire national assure depuis 1953 la sécurité du Tour de France. Celle des coureurs, celle des suiveurs (directeurs sportifs, caravane publicitaire, presse), celle du public. Trente-cinq motards évoluent sur les routes de l’épreuve, vingt-quatre à l’échelon de la course, où les encadrent pour la première fois l’adjudant-chef Philippe Soume. A 49 ans, il compte une vingtaine de participations au Tour, la première en 1988.

« La priorité de la Garde Républicaine est de veiller à la sécurité de la course et d’en faire respecter les règles propres et internes, explique Philippe Soume. Au passage du Tour, un arrêté ministériel rend la totalité de la chaussée à usage privatif. Les règles de bon sens s’appliquent mais on observe des entorses logiques au Code de la Route, comme la permission de rouler à gauche, selon un règlement interne. »

Veiller à la sécurité, c’est d’abord faire de la prévention. C’est notamment le rôle des « drapeaux jaunes », ces motards chargés de signaler les dangers de la route et qui bénéficient d’un vrai traitement de faveur de la part du peloton, qu’ils remontent constamment. « Les coureurs s’écartent toujours pour laisser remonter un drapeau jaune. Ils manifestent une vraie reconnaissance envers leur travail. » La prévention, c’est aussi écarter le public au passage de la course. « C’est l’exercice qui génère le plus de stress, confie l’adjudant-chef. Il faut avoir les yeux partout. On assiste en montagne à des scènes de liesse populaire. Au passage de la caravane publicitaire, on sait que le danger vient souvent d’un spectateur qui se jette sur un goodies. Mais au passage des coureurs, la foule est beaucoup plus imprévisible. Notre vigilance est extrême. »

En matière de prévention – et de répression si nécessaire – la Garde Républicaine a mis les bouchées doubles cette année. Un binôme équipé de jumelles réalise chaque jour des relevés de vitesse aux endroits les plus dangereux. Taux d’alcoolémie et stupéfiants sont également contrôlés, la tolérance zéro appliquée. La sanction, pour le pilote fautif, peut aller de la suspension temporaire à l’exclusion définitive. « L’infraction la plus réprimandée, ça reste la vitesse, poursuit Philippe Soume. Sur la route du Tour la vitesse est limitée à 50 en ville, 80 au lieu de 90 hors agglomération. Quand une faute est commise, ce n’est pas que la vitesse soit excessivement élevée mais qu’elle n’est pas adaptée aux circonstances. Rouler à 50, ça peut devenir très dangereux quand c’est au milieu d’une foule. »

Les directeurs sportifs n’échappent pas cette année au durcissement des règles internes. La Garde Républicaine veillera jusqu’à Paris à ce que chacun soit attaché en voiture. La télévision et l’usage du téléphone au volant sont désormais formellement proscrits.

En chef d’orchestre qu’il est, le responsable de l’échelon course garde un œil sur le dispositif mis en place. Il descend et remonte les groupes toute la journée afin de s’assurer qu’une moto couvre bien chaque étage de la course. Son escadron, particulièrement jeune (la moyenne d’âge est inférieure à 30 ans), a été renouvelé en partie. Les novices ne seront pas jetés dans la fosse aux lions tout de suite. Formés sur les autres courses d’ASO, ils gagneront du galon au fil des années d’expérience jusqu’à côtoyer directement les champions qu’ils escortent.

« Les coureurs sont épatants, confirme leur ange gardien. C’est impressionnant de voir les risques qu’ils prennent dans des descentes, où l’on peut monter à 110 km/h. D’un autre côté ils nous manifestent beaucoup de reconnaissance. Bernard Hinault a souvent mis en avant l’aide que lui procuraient les motos de la Garde Républicaine. Dans les descentes de cols, il se repérait à l’allumage des feux stop pour appréhender les virages. Ça lui permettait ainsi de gagner quelques secondes. »

Le prestigieux escadron motocycliste basé à Dugny, en Seine-Saint-Denis, symbolise toujours l’ordre et la discipline – le sublime alignement des motos en témoigne partout où se range la Garde Républicaine. Depuis près de soixante ans, il émerveille les champions d’hier et d’aujourd’hui. « En 1995, au moment de la parade sur les Champs-Elysées, Richard Virenque m’avait proposé d’échanger son vélo contre ma moto pour remonter l’avenue. Ça s’est fait. Ça reste un moment à part. »