Vélo 101 a eu l’occasion d’échanger avec Charlotte Morel, triathlète professionnelle, lors de la 1ère édition de l’Explore Corsica, dont elle faisait partie de l’équipe des capitaines de route qui a accompagné les différents groupes lors des quatre étapes sillonnant l’Ile de Beauté.

Charlotte, présentez-vous aux lecteurs de Vélo 101…
Je m’appelle Charlotte Morel, je suis née le 16 janvier 1989 à Draguignan, et je suis triathlète, sportive de haut niveau depuis douze ans. Actuellement, je suis licenciée au club de l’AS Monaco et, au niveau professionnel, j’exerce au 3ème Régiment d’artillerie de Marine à l’Armée de Terre. J’ai longtemps été en équipe de France de courte distance et, depuis deux ans, je suis passée sur du long. J’ai remporté deux titres de championne de France longue distance Elite en 2015 et 2016 et j’ai fini 2ème de l’Embrunman l’an dernier.

Aujourd’hui, le statut d’athlète de haut niveau vous octroie un revenu et une garantie d’avenir, le triathlon seul vous permettrait-il d’être autonome financièrement ?
J’ai la chance d’avoir pas mal de partenaires, mon club de Monaco et mon régiment qui me permettent de vivre de ma passion et de préparer sereinement mes objectifs. Mais c’est clair que le triathlon reste un « petit » sport qui n’a malheureusement pas encore les moyens qu’ont d’autres disciplines.

Comment êtes vous venue au vélo ?
Depuis toute petite, je fais de la natation mais aussi du VTT car, à la base, mon papa était vététiste et mon frère faisait du cyclo-cross. Finalement, je viens un peu d’une famille de cyclistes. Du coup, pendant longtemps, sur les trois disciplines, c’était mon point fort vu que je le pratique depuis l’enfance.

A ce propos, quel est votre premier souvenir du Tour de France ?
Mon premier gros souvenir, c’était dans les lacets de l’Alpe d’Huez. Avec mon frère et des potes du club de Draguignan, on avait pris une tente et on s’était installés dans la montée pour voir l’étape passer. On s’était retrouvés avec des Hollandais dans un virage, il y avait une grosse ambiance. C’était magique !

Sur l’Explore Corsica, il y a eu 56 filles sur 600 participants environ, comment analysez-vous le fait que le vélo de route reste une pratique très masculine ?
Je pense que c’est ancré dans les esprits. Beaucoup se disent que le vélo c’est pour les hommes alors que le triathlon a réussi à donner goût à tout le monde, avec beaucoup de filles. Peut-être qu’il faudrait enlever ce cliché.

Pour vous, Jeannie Longo a-t-elle aidé à populariser le vélo ou, au contraire, l’a-t-elle discrédité ?
Longo a une carrière exceptionnelle. Elle a aidé à faire connaître le vélo, c’est indéniable, mais je trouve que Pauline Ferrand-Prévot, que je croise parfois sur mes routes d’entraînement, essaie de donner une image plus féminine du cyclisme. On peut être jolie, féminine et faire du vélo tout en étant performante.

Que faudrait-il faire sur les épreuves pour pour développer le vélo féminin : opter pour un tarif spécifique, des cadeaux personnalisés ou créer des sas de départ réservés aux dames ?
Bénéficier d’un maillot spécial filles dans le sac de bienvenue d’une cyclo, c’est plus sympa que d’en avoir un mixte, toujours trop large… Une différence de prix, la femme étant supposée être l’égale de l’homme, je ne vois pas pourquoi. Quant au sas particulier, ce serait pas mal car on n’est pas aussi puissantes que certains gars du peloton et les départs communs effraient souvent les féminines car ça frotte pas mal. Un sas prioritaire leur permettrait sûrement d’avoir moins peur.

Pensez-vous que les fabricants devraient développer des gammes de textile féminin ?
Maintenant, il y a de plus en plus de choix dans toutes les marques. On trouve des modèles sympas pour les filles, que se soit dans le sobre, le coloré, le « à fleurs », cintré, plus large… Je pense qu’une cycliste peut vraiment être féminine si elle en a envie vu l’offre d’aujourd’hui.

Au niveau du matériel, y aurait-il des points à faire évoluer pour qu’il soit plus adapté aux femmes ?
Concernant les coloris et le style, des efforts pourraient être fournis pour rendre les vélos plus féminins. Au niveau technologique, je ne sais pas si ce serait un bien d’avoir un vélo différent des hommes, moins réactif, moins rigide… De mon côté, je fais un retour à tous mes partenaires avec quelques conseils techniques pour faire évoluer les produits.

En course à pied, il y a des épreuves réservées uniquement aux dames, est-ce que ça pourrait arriver dans le vélo pour populariser sa pratique ?
C’est une idée, mais il faut qu’il y ait assez de densité pour que ce soit intéressant, car avoir 20 filles au départ d’une course, ce serait un peu ridicule. Mais, effectivement, peut-être que ça pourrait permettre à celles qui ont peur de franchir le pas de le faire plus sereinement.

Le format de l’Explore, mixant des segments chronométrés sécurisés et des passages conviviaux avec des capitaines de route, comme vous, pourrait-il être une formule d’avenir pour le cyclosport et, en particulier, pour les femmes ?
C’est la première fois que je vois ce type de format là, et franchement, je trouve ça génial ! On a de quoi s’exprimer, s’amuser, si l’on en a envie sur les parties chrono, et puis partager de bons moments lors des ravitos et des portions plus cools. On a le temps de regarder le paysage, ce que l’on ne fait pas en général sur des cyclos classiques vu que l’on a la tête dans le guidon ! Peut-être que c’est aussi ce que recherchent les femmes, ce côté juste plaisir.