Si les mondiaux de piste 2020 n’ont pas été tout roses pour les bleus, lui est parvenu à apporter l’éclaircie dans un ciel relativement morose, dessinant un arc-en-ciel en faisant cohabiter grisaille des déceptions et lumière de ce triomphe. Alors que la France échouait au 6e rang du tableau des médailles, bien loin des néerlandais surmédaillés, alors que la vitesse française échouait là où on la voyait vaincre, alors que les anciens peinaient à résister à la fougue de leurs cadets et que les nouveaux étaient dépassés par l’ampleur de l’évènement, lui s’est bel et bien affirmé comme un ténor de l’omnium, glanant la troisième médaille de sa carrière sur l’épreuve pluridisciplinaire, la deuxième en or. Seul vainqueur tricolore au cours de ces championnats du monde de Berlin, il est aussi l’un des rares coureurs français combinant piste et route avec brio. Champion national de contre-la-montre en titre, vif sprinteur et puissant rouleur, il profite de la liberté offerte par son équipe pour franchir régulièrement la porte des vélodromes, afin d’y affronter l’élite mondiale, y constituant en quelques années un impressionnant palmarès. Voici donc le portrait d’un profil unique en France, le portrait de Benjamin Thomas, coureur au sein de la Groupama-FDJ.Benjamin Thomas sous le maillot de la Groupama-FDJBenjamin Thomas sous le maillot de la Groupama-FDJ | © Groupama-FDJ 

Son parcours :

Le parcours fulgurant de Benjamin Thomas a tout du merveilleux. Alors que certains prennent le temps de murir leur progression à bicyclette, lui s’est vêtu d’une peau d’ogre dès l’adolescence. Licencié depuis l’âge de 5 ans, grandissant dans un environnement où le cyclisme est prégnant, il en hérite la passion, tout comme son frère cadet Adrien. Courant alors dans les différentes catégories de jeunes sous le maillot du club local de Lavaur, sa ville de naissance, il intègre en 2012 l’EC Giroussens Lavaur Junior lorsque ses incroyables aptitudes sur le vélo continuent de dominer une concurrence toujours plus vigoureuse. Costaud sur la route en remportant en 2013 la Tour du Canton d’Aurignac, il est d’autant plus impressionnant sur la piste, y acquérant cette même année sa qualification pour les championnats du monde de sa catégorie d’âge. Sur le vélodrome de Glasgow, il connaît alors le premier tournant majeur de sa carrière, celui de toutes les attentes et des plus fous espoirs quant à son avenir dans le sport. En effet, lors de la course au point, le français se montre intraitable face à ses adversaires, et s’adjuge un titre de prestige, couronnement des futurs grands.

Dès 2014, passé sous le maillot du Bourges EC 18 pour accompagner sa formation cycliste et son accession à la catégorie espoirs, il s’empresse de confirmer ces prédispositions en s’imposant immédiatement sur le scratch des championnats d’Europe, avant de dominer l’élite continentale sur la course aux points, du haut de ses 19 ans. Humble et simple, le gamin détonne par sa maturité mentale, pleinement conscient des désillusions que réserve parfois le sport aux jeunes espoirs, clairvoyant quant à l’imprévisibilité du corps humain. Pourtant la folle histoire de Benjamin Thomas ne s’arrête jamais d’étonner. Multipliant les victoires sur la route, enlevant notamment le Prix des Vins du Sancerrois devant son frère Adrien ou encore la première étape du Tour de Corse, la polyvalence de son profil incite l’équipe de l’Armée de Terre à lui proposer un contrat professionnel pour l’année 2015, formation ayant compté dans ses rangs quelques années plus tôt un certain Julian Alaphilippe.

Timoré sur la route pour sa première année dans la cour des grands, nécessitant un temps d’adaptation à la nervosité des pelotons plus fournis et avançant à des rythmes plus élevés, le tarnais continue cependant de briller sur la piste. Effectivement, médaillé d’argent chez les espoirs lors de l’américaine des championnats d’Europe, il titille également les cadors nationaux sur les championnats de France, en terminant deux fois à la deuxième place, systématiquement battu par Thomas Boudat.

Progressant à une allure effrénée, Benjamin Thomas se voit déjà concourir aux côtés de l’élite planétaire lors des mondiaux de Londres 2016. En effet, en binôme avec son partenaire de prédilection Morgan Kneisky, l’occitan se hisse jusqu’en finale de l’américaine, échouant seulement face au légendaire duo britannique Wiggins – Cavendish. Durant la seconde partie de la saison, il s’échauffe sur les championnats d’Europe Espoirs en remportant le titre de poursuite par équipe avant de renouveler l’opération à l’automne chez les élites, additionnant ce sacre continental à deux autres médailles sur le vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines, symbolisant le franchissement d’un nouveau seuil sur l’échelle de la gloire.

2017 est alors l’année de l’explosion sur la piste, mais aussi celle de la révélation sur la route. Epoustouflant en début de saison sur les championnats du monde de Hong Kong, il porte les couleurs bleu-blanc-rouge à deux reprises sur la première marche du podium, contribuant ainsi à faire de sa nation la deuxième force de l’édition. En effet, intraitable sur l’américaine en association avec Morgan Kneisky, il devance également sur le fil le néo-zélandais Aaron Gate lors de l’omnium, au cours d’une épreuve marquée par un suspens insoutenable dans son final. Deux mois plus tard, c’est sur la route qu’il lève enfin les bras. Vainqueur de la troisième étape des 4 Jours de Dunkerque devant Niccolo Bonifazio et Arnaud Démare, il surfe par la suite sur sa forme rayonnante pour empiler les résultats et accessits, ainsi qu’un nouveau succès sur le Tour de Wallonie. Sélectionné par Cyrille Guimard pour participer aux championnats d’Europe, le tarnais tape aussi dans l’œil de Marc Madiot, qui propulse ainsi le jeune coureur en World Tour pour la saison 2018, intégré dans le prestigieux effectif de la Groupama-FDJ.

Doté d’une liberté rarissime dans le milieu de pouvoir cumuler saisons sur piste et sur route, Benjamin Thomas donne rapidement raison à son manager, sans toutefois connaître la même réussite que les années précédentes. D’ailleurs, c’est sur la route qu’il trouve ses principaux motifs de satisfaction, en endossant notamment le maillot blanc de meilleur jeune sur l’Etoile de Bessèges, avant d’accrocher une médaille de bronze sur les championnats de France de contre-la-montre, derrière le déchaîné Pierre Latour et l’expérimenté Tony Gallopin.

Il faut attendre l’année suivante pour voir l’occitan retrouver les sommets de la piste, tout en s’affirmant sur la route. En effet, régulièrement sur les podiums de l’omnium de la Coupe du Monde, il s’y pare d’argent sur les mondiaux de Pruszkow au mois de mars, s’inclinant seulement face à la suprématie du néozélandais Campbell Stewart. Mais c’est sur la route que l’occitan triomphe en premier. Le 27 juin, sous une chaleur écrasante, il sort effectivement vainqueur des championnats de France de contre-la-montre. Résistant à la fournaise de la Haie-Fouassière, il défait alors tous les favoris pour s’emparer de son premier titre national dans la discipline, lui offrant au passage un beau coup de projecteur auprès du grand public. Après une légère coupure au mois de juillet, il revient déchaîné à la fin de l’été, réalisant de solides prestations pour ses leaders sur la Vuelta, puis remportant l’or au cœur de l’automne sur l’omnium des championnats du monde d’Apeldoorn, avant de renouer avec les bons souvenirs de Glasgow en enlevant deux épreuves de cette manche de la Coupe du Monde. Signe, s’il en faut, que Benjamin Thomas est un coureur capable de briller de janvier à décembre, sur la route comme sur la piste, détonnant ainsi dans le milieu. 

Son statut aujourd’hui :

Ainsi, avant que la saison 2020 ne se trouve stoppée net dans son entame par le coronavirus, le français a eu le temps de faire résonner la Marseillaise sur le podium des championnats du monde, preuve d’une régularité renforcée au gré des années filant. Si son bilan sur route cette année se résume à une anecdotique 11e place sur la première étape de l’Etoile de Bessèges, le vauréen a amplement démontré au cours des dernières saisons sa capacité à combiner route et piste à très haut niveau, avec une articulation remarquable entre les deux disciplines. Et dans cette optique, son passage au sein de la Groupama-FDJ lui a offert les meilleurs outils d’entrainement et de suivi pour réussir un pari rare chez les coureurs de son niveau. Et lorsque le grand cirque du cyclisme remontera son chapiteau, on suivra attentivement les résultats de ce phénomène du vélo tricolore !

Par Jean-Guillaume Langrognet