Si pendant plus d’une décennie Julien Absalon a incarné seul le cross-country masculin tricolore, ses descendants sont désormais cinq à porter fièrement les couleurs françaises sur les courses internationales. Si les temps ont changé, que les sacres et triomphes sont accaparés par un monstre suisse et un prodige hollandais, la troisième marche des podiums leur ouvre parfois ses bras pour les consoler de cet âge d’or déchu, sans oublier le prestige du Roc d’Azur, où ils ont encore la possibilité de survoler une concurrence mondiale, destituée cependant de ses plus grands champions. Ainsi, si le cross-country français n’est plus aussi florissant et flamboyant qu’au cœur des années 2000, il continue d’étinceler fréquemment grâce à ses cinq pépites, trustant les tops 10 des coupes et championnats du monde. Dans cette rubrique des 101 qui font le cyclisme français, les portraits de Jordan Sarrou, Titouan Carod et Maxime Marotte ont déjà été dressés. Avant de s’intéresser à Stéphane Tempier, il est donc l’heure du champion de France en titre, Victor Koretzky.
 

Son parcours :

Dès son enfance, Victor Koretzky voit la voie du vélo étrennée par son grand frère, Clément. Modèle pour la pratique, ce dernier ne l’est pas en revanche pour la discipline. Effectivement, alors que Clément choisit rapidement la route, Victor décide quant à lui de se spécialiser sur les épreuves tous terrains, plus aptes à l’expression de la fougue et du besoin de sensations d’un adolescent. Alors que son aîné perce progressivement dans le monde amateur, rejoignant le fameux VC La Pomme Marseille, le natif de Béziers se découvre peu à peu des talents similaires dans les sous-bois. Champion régional du Languedoc-Roussillon cadet en 2009, il s’érige cette même année parmi l’élite nationale de sa catégorie en se classant 10e du classement général de la Coupe de France. S’il franchit immédiatement le seuil du top 10 pour cette première année dans la catégorie fondamentale de l’école du cyclisme, une deuxième saison lui permet de triompher à l’échelle du pays, en ajoutant un surplus d’expérience et de maturité à ses qualités physiques intrinsèques.

Ainsi idéalement placé en pôle-position nationale de sa génération, Victor Koretzky connaît en 2011 son explosion à l’échelle mondiale à l’occasion de son passage chez les juniors. En effet, à seulement 17 ans, le sudiste brille de mille feux sur les championnats du monde de Champéry, dans les douces contrées helvétiques. Surclassant ses concurrents, il s’y adjuge magistralement le titre suprême de la catégorie, endossant par conséquent la légendaire tunique arc-en-ciel. Mais le crack ne s’arrête pas là. Profitant de la suprématie collective de l’équipe de France, il conquiert en compagnie de Fabien Canal, Julie Bresset et Maxime Marotte la médaille d’or en relais mixte par équipes, la dédoublant quelques mois plus tard sur les championnats d’Europe avec ces mêmes partenaires. Dès lors, nul ne peut contester que le jeune pilote est promis aux plus hauts sommets de la discipline, une fois la longue ascension des catégories achevée. D’ailleurs, la confirmation ne tarde pas. Pour sa deuxième année chez les cadets, Victor Koretzky manque de peu une seconde consécration mondiale d’affilée, mais signale avec sa médaille d’argent que le titre de la saison passée n’avait rien d’un accident, simplement battu par le pilote qu’il avait fait tomber lors de l’édition précédente : le néo-zélandais Anton Cooper. Au contraire, le lodévois n’en finit plus d’accumuler les breloques, entre victoires et podiums en Coupe du Monde.

Fort logiquement, n’ayant plus rien à prouver chez les juniors, l’occitan grimpe en 2013 chez les espoirs, valeureuse antichambre de l’élite. Comme nombre de ses congénères, sa première saison est marquée par le besoin d’acclimatation à un tel niveau. En retrait dans les classements mondiaux, Victor Koretzky doit s’aligner sur les manches de Coupe de France pour retrouver les sommets, alors que ses qualités physiques et techniques sont encore en plein développement. Débordé en Coupe du Monde, sa 8e place aux mondiaux de Pietermaritzburg démontre que le garçon n’a encore rien perdu de son talent, capable de titiller ses aînés à quelques occasions. D’ailleurs, seule la trêve hivernale et l’accession des champions à la catégorie élite lui suffisent pour reprendre les commandes. Passé professionnel dans la prestigieuse formation BH-SRSuntounr-KMC, l’occitan donne rapidement raison à son nouvel employeur en se hissant à la troisième place de la Coupe du Monde, fort d’un beau succès sur la manche australienne de Cairns. Si la saison 2015 le voit régresser au cinquième rang mondial, elle est aussi marquée par un brillant automne. A nouveau titré en relais mixte (cette fois en tant que pilote espoir), le languedocien retrouve son rival des années juniors, Anton Cooper, pour un final sous forme de duel, sur un circuit de Vallnord dévisagé par les intempéries. Le visage maculé de boue, le corps usé par une heure et demie d’effort sur des chemins rendus particulièrement glissants et piégeux par la pluie, les deux pilotes se tiennent jusqu’au final de l’épreuve. Dans de telles conditions, le punch du français n’a nulle valeur. Seule compte encore la fraîcheur physique, accordant la victoire au moins engourdit d’entre eux. Si Victor Koretzky se rêvait alors en digne successeur de Julien Absalon au palmarès, le démarrage du néozélandais met vite terme à ses espoirs, et le renvoie sur la seconde marche du podium, comme Alexis Vuillermoz et Jordan Sarrou en leurs temps. Qu’importe, l’essentiel est dans cette confirmation à la veille de son passage chez les grands, qu’un splendide triomphe sur le Roc d’Azur un mois plus tard viendra renforcer. A 21 ans, l’occitan n’en finit plus d’impressionner, et son accession à la catégorie élite suscite moultes promesses.

D’ailleurs, à peine confronté au gratin planétaire de la discipline, le lodévois s’empresse de répondre aux attentes placées en lui. En effet, il ne faut attendre que la fin du mois de mai et la manche de Bresse pour voir le français grimper sur le podium. Auteur d’un début de saison de folie, en revêtant notamment la tunique étoilée sur les championnats d’Europe Espoirs, l’occitan parvient en effet à se faire une place derrière Julien Absalon et Maxime Marotte pour constituer un exceptionnel podium 100% bleu-blanc-rouge, comme l’histoire de la Coupe du Monde en a rarement vu ! Invité surprise de la sélection française pour les Jeux Olympiques, il réalise une belle prestation en second rideau de la course, glanant finalement une dixième place sur le parcours brésilien. Continuant sur sa lancée, c’est sur la manche du Mont Sainte-Anne que Victor Koretzky assure sa quatrième place au classement général final de la Coupe du Monde, en se classant deuxième de l’épreuve derrière le légendaire Absalon, remis de sa déception de Rio. Champion du monde du relais mixte pour la troisième fois de sa carrière en fin de saison, l’occitan réalise alors l’exploit de remporter ce titre dans les trois catégories possibles. En effet, après ses médailles d’or en 2011 en tant que junior puis en 2015 en tant qu’espoir, le voilà maintenant mener l’équipe de France vers une nouvelle consécration au titre de pilote élite.

Alors que de tels résultats pointent vers un avenir resplendissant, Victor Koretzky marque le pas à partir de la saison 2017. En retrait tout au long de cette saison sur les épreuves d’envergure internationale, le français ne parvient pas suffisamment à redresser la barre pour 2018. Inexistant en Coupe du Monde, avec une anecdotique 21e place au classement général final, ses lots de consolation sont trop maigres pour retrouver le sourire, s’agissant en l’occurrence de deux médailles d’argent sur le championnat de France (derrière Jordan Sarrou) et au Roc d’Azur (derrière Stéphane Tempier). Il faut en effet attendre la saison 2019 pour que l’occitan aperçoive un rayon de soleil briser l’épaisse couche de nuage planant au-dessus de sa carrière. En effet, dépassé ces derniers temps par ses compatriotes, le languedocien réussit à revenir au premier plan à l’occasion des championnats de France de l’Alpe d’Huez. Solide tout au long de l’épreuve, le lodévois se détache à la mi-course, puis résiste jusqu’à la ligne d’arrivée au retour de Jordan Sarrou, décrochant ainsi la fabuleuse tunique bleu-blanc-rouge, élément distinctif majeur des mass-starts. Relancé par ce sacre sur la scène nationale, Victor Koretzky retrouve alors ses bonnes habitudes de fin de saison, enchaînant prestigieux podiums et valeureux accessits. Second du test event de Tokyo, il confirme son renouveau de forme sur les championnats du monde du Mont-Saint-Anne, au terme desquels il se classe 7e de l’épreuve individuelle élite. Retrouvant également le top 10 du classement général final de la Coupe du Monde, il termine sa saison en beauté par une troisième place sur le Roc d’Azur, rassurante en termes de sensations.Victor Koretzky sur le Roc d'Azur 2019Victor Koretzky sur le Roc d’Azur 2019 | © Team KMC Ekoi Orbea 

Son statut aujourd’hui :

Pilote technique et excellant dans les descentes, Victor Koretzky semble désavantagé par la dimension outrageusement physique que semble prendre le VTT, à l’image du dernier Roc d’Azur, au parcours trop rapide selon lui. Surtout, à 25 ans, l’occitan n’est toujours pas parvenu à confirmer ses débuts extrêmement prometteurs dans les catégories de jeunes. Après une saison 2016 retentissante, le natif de Béziers peine désormais à se hisser à la hauteur des cadors du circuit international, stagnant aux portes des podiums mondiaux après plus de quatre ans passés chez les élites. Mais le lodévois figure encore parmi les pilotes les plus jeunes de la catégorie suprême du cross-country, et un retour au premier plan reste à espérer pour les saisons à venir, au même titre que pour son compatriote Titouan Carod. En effet, si le sport est sous l’effet d’un rajeunissement global de ses stars, le VTT continue de résister à cette tendance, persistant dans le sacre de trentenaires. Ainsi, tous les espoirs sont encore permis pour Victor Koretzky, même si maintenant, le temps presse.

Par Jean-Guillaume Langrognet