Deux saisons d’implacable domination de la part d’un homme fusse-t-il hors du commun des mortels coursiers, cela ne génère pas vraiment la béatitude au sein d’un peloton servile voire à la limite de la domestication. Après une maturation frisant l’indigestion tant elle fut minutieuse et interminable, le Navarrais Miguel Indurain a posé depuis 1991 une chape de plomb inaltérable et inextricable, pour ses adversaires sur le Tour de France. En effet, ceux-ci, habitués à côtoyer un partenaire fidèle et loyal de Périco depuis une demi-douzaine d’années, demeurent encore aujourd’hui éberlués et pantois devant tant d’insolence et de despotisme soudain de la part d’un coureur, certes bourré de talent mais par trop limité par son gabarit lors des joutes en haute altitude. Et pourtant, l’Espagnol, dont le charisme n’a d’égale que sa faculté à s’exprimer en Français, possède un extraordinaire don de rouleur doublé d’une aptitude à gérer chirurgicalement les ascensions, même les plus drastiques. Pas étonnant, donc, d’assister à l’éclosion d’un nouveau et intraitable boulimique.

En outre, le cyclisme s’inscrit, à l’instar de nombreuses autres disciplines sportives, dans une ère de mutation des valeurs. Un changement de cycle immuable s’opère et Miguel Indurain s’avère être le lien naturel et par conséquent le garant du passage entre deux générations de coursiers. La décennie précédente où se sont entredéchirés les Fignon, LeMond, Roche et autre Delgado se trouve à la croisée des chemins et leur motivation, quoique toujours intacte et réelle, ne parvient guère voire plus à suppléer le poids des ans et l’érosion physiologique des luttes d’antan. Pour sa part, la génération en devenir et la « classe biberon », qui s’agglutine au portillon de la gloire, est par trop immature pour espérer convoler en justes noces. Pour toutes les raisons évoquées précédemment, légitimes, arbitraires ou pas mais bien réelles, néanmoins, l’enfant de Villava s’est retrouvé sur le toit de l’Olympe, sans pour autant l’avoir, ne serait-ce qu’un seul instant, subodoré ni prémédité. En revanche, l’Espagnol a su plus que tout autre s’investir prestement et s’immoler en patron du peloton sans usurper le moins du monde ce rôle ingrat mais au contraire taillé à sa mesure. Le leader des Banesto a indéniablement, mais aussi bien involontairement, profité au mieux de la conjoncture avantageuse. D’autre part, José-Miguel Echevarri, en fin tacticien et psychologue qu’il demeure, et son entourage ont de surcroît eu l’intelligence et l’opportunité de tout miser sur les qualités intrinsèques de leur immense champion, à savoir une puissance phénoménale doublée d’un stoïcisme à toute épreuve. De ses cinq Tours victorieux, l’édition 93 est assurément celle que le Roi Miguel a la moins bien appréhendée et maîtrisée. La présence d’un Tony Rominger n’y est certainement pas étrangère, et sans le manque obsessionnel d’ambition de l’horloger helvète, il n’est pas certain que le Grand se soit retrouvé, un jour, au panthéon des quintuples lauréats de la Grande Boucle. Pourtant, l’Histoire ne retiendra que cet état de fait.

D’ailleurs, au départ du Puy du Fou, qui aurait misé un penny sur les chances d’un garçon ayant embrassé la carrière pro à 26 ans et qui, lors de ses rares apparitions sur la Grande Boucle, ne s’est pas vraiment révélé un foudre de guerre, loin s’en faut ? Pourtant, le Suisse possède un potentiel énorme et ses champs d’action, l’Italie et l’Espagne plus principalement, ne sauraient nous faire oublier que le natif de Vejle, au Danemark, a étoffé en catimini un palmarès des plus impressionnants. Catalogué coureur d’épreuve d’une semaine, il s’est en effet offert tous les classiques du calendrier tels Paris-Nice, le Tour de Romandie, le Tour de Catalogne, le Tour du Pays-Basque, Tirreno-Adriatico entres autres. A ce régime draconien, l’Ordinateur s’est peu à peu familiarisé aux courses atypiques. Ainsi, les classiques lui firent la cour et il ne tarda pas à les épouser comme le Tour de Lombardie, à deux reprises par exemple. Friand des Ardennaises, Tony Rominger ne dut qu’à une poisse rare et des plus récalcitrantes de ne pas figurer au palmarès de la Doyenne. Jusqu’au-boutiste invétéré, il s’appliquera en outre à démontrer que ses qualités de rouleur s’avéraient être exceptionnelles. Un Grand Prix des Nations survolés avec autorité ainsi que des chronos et des prologues chipés ici ou là lors de ses campagnes européennes amènent le Suisse à dresser le constat suivant : il semble à présent devenu apte a rivaliser avec les ténors dans l’optique d’une présence au départ d’épreuves de trois semaines. En général, l’Horloger cible à merveille ses objectifs et rares sont les fois où il ne les honore pas. C’est ainsi que deux Vueltas plus tard remportées avec maîtrise et panache, Tony Rominger s’aligne au départ de la Grande Boucle 1993 dans l’espoir d’accrocher le podium.

Le Puy du Fou est un théâtre rêvé pour permettre au Roi Miguel de démontrer aux indécrottables septiques son implacable mainmise sur les épreuves chronométrées. Miguel Indurain se livre alors devant un parterre de Chouans et autres Ventres à Choux, à un récital du plus bel effet que seuls les grands Campeone de sa trempe sont aptes à improviser de la sorte. Sur sept bornes, le Navarrais a atomisé partenaires et adversaires et s’est ingénié, une fois de plus, à botter le train à tous les présomptueux présents et futurs par trop bardés d’ambitieuses illusions. Les spécialistes tels le Suisse Alex Zülle et le Français Thierry Marie sont relégués à la portion congrue à respectivement 8 et 13 secondes de l’Espagnol. Seuls l’Italien Gianni Bugno à 11 secondes et à un degré moindre Tony Rominger, à 14 secondes, parviennent à honorer plus ou moins leur contrat moral. Les trois premières étapes suivantes, conduisant le peloton dans le Nord via la Bretagne et la Normandie, ressemblent à s’y méprendre à un véritable et extraordinaire florilège de routiers-sprinters. Toute la palette des finisseurs les plus huppés de la planète cyclisme rivalise d’audace et de virtuosité. De Mario Cipollini aux Sables d’Olonne à Djamolidine Abdoujaparov à Dinard, en passant par Wilfried Nelissen à Vannes, toute la crème des funambules de l’impossible, des casses-cou invétérés, font le spectacle aux ravissements certains de Vendéens et Bretons émerveillés et sous le charme. Le contre-la-montre par équipes entre Dinard et Avranches, long de plus de 80 kilomètres, arrive à point nommé pour, par le jeu des bonifications, auréoler de jonquilles le bouillant et facétieux Roi Lion. Jusqu’au Lac de Madine, lieu du premier chrono décisif, la course sourira aux audacieux attaquants. Les velléités offensives des Jesper Skibby, Johan Bruyneel, Bjarne Riis et Lance Armstrong seront récompensées à leurs justes valeurs par une victoire d’étape amplement méritée. Le paletot de leader s’offrant, par la même occasion, un nouveau locataire en la personne du futur Lion des Flandres, le Belge Johan Museeuw.

A Madine, comme à Luxembourg l’année précédente, Miguel Indurain écrabouillera la concurrence de manière incroyable. Bien en ligne, emmenant un braquet de dinosaure, le résidant de Villava avale les bornes à la manière d’un piranha au sortir d’un carême. Bugno, Breukink et Rominger sont rejetés au-delà des deux minutes. Les autres, tous les autres, dont Zülle, encaissent un débours dépassant les trois minutes, terrifiant ! Au général, Indurain a fait le ménage de printemps. Si le Néerlandais Erik Breukink tente encore de faire illusion en s’accrochant à 1’35 » de l’Espagnol, les autres favoris déclarés tels Bugno et Zülle, coureurs cyclothymiques, sont désormais à respectivement un plus de 2’30 » et un peu plus de 4 minutes. Quant à Tony Rominger, il se retrouve désormais à des années-lumière de l’idole ibère, près de 7 minutes.

Néanmoins, il ne serait pas honnête d’omettre de reconnaître la poisse insidieuse et perverse qui poursuit l’Helvète depuis le début des hostilités. En fonction du chrono par équipes, le Suisse alémanique, précautionneux jusqu’aux bouts des cale-pieds, s’était montré pour une fois grand bâtisseur devant l’éternel en architecturant sa formation de façon cohérente et rationnelle. Pour cela, il s’était adjoint les faveurs de deux grands rouleurs invétérés, Arsenio Gonzales et surtout Abraham Olano, rouleur de grand talent en herbe. Or, ces deux jokers, victimes de chutes fatales aux prémisses de l’épreuve, Tony Rominger et ses Clas se virent contraints d’aborder ce chrono en infériorité numérique. En outre, déjà lourdement handicapés, les sept rescapés se retrouvèrent rapidement à cinq unités après le lâchage à la régulière de Frederico Echave et de Iñaki Gaston. Enfin, et comme si cela ne suffisait pas, Tony Rominger fut pénalisé d’une minute supplémentaire pour une improbable car imaginaire poussette offerte grâcieusement à l’un de ses lieutenants récalcitrants. S’élançant de Madine, des profondeurs du classement général, au moment même où un orage apocalyptique déversait sa colère et son trop plein d’énergie, le vainqueur de la Vuelta limitera les dégâts de manière inespérée malgré, comble du comble, un perçage fort inopportun. Tous les favoris ayant évolué sous un soleil revenu, sur un macadam redevenu de surcroît praticable, on est en droit d’imaginer quelle aurait été la performance que le Suisse était en droit d’attendre et de réaliser dans ces conditions optimales. L’addition de tous ces avatars interpellera suiveurs et inconditionnels de tous poils sur la physionomie futur de l’épreuve, n’en doutons pas.

Cette avalanche malencontreuse de malheurs, ajoutée aux 7 minutes concédées, n’atténueront pas le moins du monde la philosophie légendaire de Tony Rominger et les propos qu’il s’était empressés de tenir au départ de Vendée : « je vise une place parmi les trois premiers à Paris et seulement cela ! Pour ce qui est du Maillot Jaune, on verra ça l’an prochain ! » Cette profession de foi sibylline laisse augurer une association implicite mais effective avec Miguel Indurain. Venant de son plus sérieux rival, l’Espagnol était aux anges. De concert, les deux hommes assurent un tempo soutenu lors de l’ascension du Galibier et le lendemain sur la route d’Isola 2000. Les conséquences de cette entente contre-nature sont cauchemardesques pour les adversaires du duo infernal. Une hécatombe des plus mémorables s’ensuit. Lors de ces deux coups de force, Tony Rominger s’était permis le luxe de décramponner son illustre compagnon de virée dans les derniers hectomètres pour s’octroyer le succès d’étape. A l’arrière, seuls trois coureurs, le Polonais Zenon Jaskula, le Colombien Alvaro Meija et le Danois Bjarne Riis, avaient réussi à se hisser au niveau de la paire hispano-suisse sans y abandonner trop de plumes.

Au soir d’Isola 2000, seuls quatre coureurs restent en course pour le podium final. Miguel Indurain apparaît intouchable et renforce encore sa position en tête de ce Tour 93, plus de trois minutes devant Meija, un peu plus de quatre minutes sur Jaskula, les deux révélations de l’épreuve, et près de six minutes sur Rominger. Tous les autres, dont Riis, Zülle, Chiappucci, Breukink, Delgado et autre Bugno, sont au-delà des dix minutes et donc définitivement hors course. Cette traversée des Alpes a produit un effet dévastateur sur le peloton. La voiture-balai a multiplié plus que de coutume les arrêts au stand pour faire le plein. La liste des victimes est impressionnante, autant par le nombre que par les noms qui y figurent. Laurent Fignon, Marco Lietti, Jean-Cyril Robin, Mario Cipollini, Wilfried Nelissen et Johan Capiot, bientôt imités par Laurent Jalabert et Erik Breukink, feront partie de la charrette des condamnés. Le malheur des uns fait le bonheur des autres, c’est bien connu, et le bâchage prématuré de Super Mario, de Nelissen et de Capiot amène désormais le Bouledogue aux cuisses de Rhino, Djamolidine Abdoujaparov, à envisager sérieusement la possibilité qui lui est offerte de parader en Vert sur les Champs-Elysées. Ce serait une première pour un représentant de l’Ouzbekistan.

Deux étapes transitaires seulement entre les Alpes et les Pyrénées permettront à l’Italien Fabio Roscioli de réaliser un raid impressionnant en direction de Marseille, à Olaf Ludwig de montrer sa vélocité devant Abdou à Montpellier, et au Français Pascal Lino de se rappeler au bon souvenir de la dernière édition, où il avait porté fièrement la tunique Jaune durant dix jours, en remportant en solitaire l’étape menant le peloton à Perpignan. Trois étapes, dont deux monstrueuses, attendent les rescapés déjà passablement éreintés. La première, Perpignan-Andorre, empruntera les cols de Jau, de Garabel, la côte de Puyvalador, du Puymorens, du Port d’Envalira, du Coll d’Ordino et arrivée au sommet à Andorra-Pal. La seconde, Andorre-Saint-Lary-Soulan, comprendra les escalades du Collado del Canto, du Puerto de la Bonaigua, du Portillon, de Peyresourde et la montée finale au Pla d’Adet, soit douze grimpettes pas vraiment aisées pour un peloton horriblement décimé, au bord de l’indigestion ascensionnelle. Lors de l’étape initiale, Richard Virenque, le jeune leader des Festina, puis Leonardo Sierra, le Vénézuélien volant de ZG-Mobili, tentent bien de prendre la poudre d’escampette, chacun leur tour, mais, hélas pour eux, sont repris inexorablement par le cinq majeur de ce Tour 93, à savoir Rominger de Clas, Riis d’Ariostea, Jaskula de GB-MG, Indurain de Banesto, Mejia de la Motorola plus un invité en la personne du Colombien Oliviero Rincon, de la formation Amaya. Le coureur de Duitama, après une tentative avortée lors de l’ascension gratinée du Puymorens, remettra le couvert dans la montée du col d’Ordino et s’en ira quérir les lauriers amplement mérités à l’issue d’un raid osé.

Le « club des cinq » passera la ligne près de deux minutes après le lauréat du jour. Pour l’anecdote, Tony, le sprinter des hautes cimes, réglera le sprint du groupe et ajoutera par la même occasion quelques pois rouges à sa tunique immaculée. Le lendemain, le Polonais Zenon Jaskula, véritable suceur de roue en la circonstance, profitera à merveille du travail colossal de Rominger pour le coiffer au poteau, privant par la même l’Horloger de Vejle, furax de réussir la passe de trois. L’ultime journée dans les Pyrénées franchira le légendaire Tourmalet et son alter ego Aubisque pour s’achever dans la vallée de Paloise. Après un baroud d’honneur de Rominger dans la montée du Tourmalet, où le Suisse fait exploser le Navarrais de sa roue, le peloton se reformera dans la descente et c’est « Il Diablo », Claudio Chiappucci de la Carrera en personne, qui, passant en tête au sommet de l’Aubisque, ira s’offrir sa victoire d’étape. Toutes les difficultés sont désormais derrière un peloton rasséréné et enthousiaste d’en avoir enfin terminé de cet interminable et fastidieux calvaire. Au soir de l’étape de Tarbes-Pau, le classement général n’a pas connu de bouleversements majeurs malgré le forcing effréné de l’Helvète Tony Rominger, au four et au moulin durant ces trois jours passés dans les Pyrénées. Sa débauche d’énergie n’a finalement pas été gratifiante et le constat est affligeant pour le meilleur escaladeur de l’édition en cours, 4ème à plus de cinq minutes de Miguel Indurain.

En outre, il est toujours précédé de Meija et Jaskula pour une place sur le podium, dont il s’était juré d’atteindre la deuxième marche. Mais le Suisse a de la ressource et de la suite dans les idées. Et les sobriquets, dont on l’affuble d’ordinaire malicieusement, démontreront qu’ils ne sont aucunement usurpés. En attendant, l’Ouzbekh Djamolidine Abdoujaparov a réussi, tant bien que mal, à hisser sa carcasse d’haltérophile par-delà les montagnes jusqu’à Pau, et ce n’est pas le moindre de ses exploits. Toujours aussi Vert, le sprinter de la Lampre-Polti va montrer à tous ses détracteurs qu’il était loin d’être un faire-valoir. Vainqueur à Bordeaux, il récidivera, et de quelle manière, sur les Champs-Elysées, pour une troisième levée historique. Pour le podium et les différents accessits restant en suspens, le long contre-la-montre de 48 bornes entre Brétigny-sur-Orge et Montlhéry peut tout aussi bien s’avérer homérique que cauchemardesque. Si la position confortable du Maillot Jaune n’est pas menacée, celles de Meija et Jaskula semblent plus sujettes à caution. En effet, une minute derrière eux, se trouve positionner un Grosminet avide de Titis, et si la fable engendre inexorablement un épilogue moralisateur, nul doute qu’ici deux innocents zoziaux prennent le risque de se faire bouffer tout crus.

Tony Rominger, de par sa morphologie tout d’abord, est une véritable machine à rouler. Le buste parallèle au cadre, le Suisse ne laisse aucune prise au vent, les jambes tombent comme de véritables bielles, s’en est hallucinant. Tout est inerte chez lui, en dehors des moulinets orchestrés de jambes de maître. Les longs bouts droits des plaines de l’Essonne, aux confins de la Beauce céréalières, sont absorbés avec furie mais souplesse, avec rage mais onctuosité. Cette impression de puissance liée à une harmonie quasi-parfaite, n’apparaît véritablement qu’au moment où l’Horloger s’apprête à reprendre le saute-ruisseau parti trois minutes avant son show. Et le bonhomme n’est pas un novice puisqu’il s’agit tout simplement de Bjarne Riis. Le terme, un peu prétentieux et galvaudé de moto prend tout son sens premier lorsque l’Helvète a enrhumé le Danois. A l’arrivée, la punition pour ses adversaires est à la hauteur des impressions visuelles. Malgré une crevaison dans les faubourgs de Montlhéry, où il lâchera 30 à 40 secondes, Tony Rominger distance le Roi Miguel en personne, le dépositaire incontesté de l’effort solitaire, de plus de 40 secondes. Quant à Meija et Jaskula, qui le précédaient le matin, ils sont rejetés à près de deux minutes pour le Polonais et à plus de trois minutes pour le Colombien. Enfin, le pauvre Bjarne Riis, après avoir été victime d’une bronchite ponctuelle au passage du train, il abandonnera deux minutes supplémentaires après avoir sans doute réalisé que c’était Rominger et non l’ardoisier sur sa moto qui l’avait doublé ainsi.

Il est dommageable et regrettable pour tous et pour l’épreuve, bien évidemment, que le Suisse n’ait pas eu l’ambition que ses qualités exceptionnelles avaient laissé entrevoir tout au long de cette Grande Boucle car jamais ô grand jamais, et ce malgré une troisième Vuelta et un Giro enlevés avec brio et insolence, il ne retrouvera l’opportunité de défier à nouveau le Grand, très grand Miguel Indurain. La malchance et des pépins en tous genres, à l’image la première partie de cette édition 1993, ayant jalonné toutes les tentatives futures du Suisse. Miguel Indurain, dont la force de caractère et la sérénité apparente ne sont plus a démontrer, a fait fi de l’adversité et des aléas de l’épreuve comme à l’accoutumée pour inscrire une troisième fois son nom au palmarès de la kermesse de juillet, rejoignant ainsi le Boulanger de Saint-Méen avant de se hisser au niveau de Maître Jacques, du Cannibale et du Blaireau deux années plus tard. Le charisme indéracinablement en berne et le panache étonnamment en veille, le Navarrais a tout de même montré des signes de lassitude lorsque Rominger s’est permis, à de très rares occasions toutefois, de le titiller lors des étapes de hautes altitudes. Pourtant, personne ne s’engouffrera dans la brèche laissée béante, par Rominger, avant longtemps.

Michel Crepel