Si la notion de politique est trop souvent utilisée à des fins uniquement stato-nationales, il s’agit de rappeler que celle-ci englobe en réalité un ensemble d’affaires diverses et variées outrepassant amplement ce cadre. Car dans notre monde moderne et complexe, tout ou presque est politique, à commencer par le cyclisme. Des pistes cyclables au développement de l’assistance électrique, de la promotion du vélo chez les jeunes à la gestion des sportifs de haut-niveau, tout est question d’opinions et de convictions. Alors, dans cet état français du cyclisme, paradis fait d’émotions et de sensations, il existe également une direction bureaucratique, à la tête de laquelle une personne est appelée à échéance régulière à s’imposer par les urnes. Alors, si la France est proclamée comme République indivisible, l’état du vélo tricolore est quant à lui un régime fédéral. Et un homme le sait particulièrement bien. A l’initiative d’un regroupement d’antennes locales afin de faire de l’union une force, il est aujourd’hui parvenu au sommet de la hiérarchie, là où il ne s’agit plus de composer avec les différentes entités à l’échelle d’une région, mais d’un pays entier. Porteur d’un projet de retour vers l’excellence olympique et de renfort de l’attractivité de la bicyclette au sein de l’hexagone, il détient aujourd’hui un témoin transmis par David Lappartient, désormais occupé à des activités de gouvernance mondiale. Ce mardi, voici donc le portrait de l’homme fort de la Fédération Française de Cyclisme, celui de son président, Michel Callot.Michel Callot, actuel président de la FFCMichel Callot, actuel président de la FFC | © Roulons Tous Ensemble 

Son Parcours :

Le vélo, Michel Callot y est venu par la route. Rapidement happé par les joies de la discipline, le bressois parcourt durant sa jeunesse les routes vallonées de l’Ain, en quête de ce plaisir unique mêlant vitesse, force et paysages. Gravissant les échelons des catégories de niveau un à un, il se prend peu à peu au jeu, croyant à ses chances de toucher de ses propres doigts le graal du passage au sein du monde professionnel. Or, si le chemin s’avère finalement obstrué par ses limites physiques, il parvient toutefois à frôler son rêve d’enfance. Licencié au club local du VC Vaulx-en-Velin, il court en effet de nombreuses années en première division amateur, antichambre de l’élite. Notamment troisième d’un championnat 1994 de Dauphiné-Savoie remporté par Patrice Halgand, futur vainqueur d’étape sur le Tour, il s’illustre régulièrement par ses performances de haut-niveau sans jamais atteindre la lumière des projecteurs de détection.

Ses espoirs brisés, il n’est pas pour autant démoralisé. Reprenant aussitôt ses études pour devenir titulaire d’un diplôme universitaire de technologie en gestion des entreprises et des administrations puis ressortir par la grande porte de l’Institut d’Administration des Entreprises de Grenoble, il s’oriente dans un premier temps vers des activités de comptabilité. Par la suite, il intègre l’IPAC d’Annemasse pour y devenir chef de projet de développement à partir de 1995, avant d’en prendre la direction en 2005.

Surtout, c’est à partir de cette année-là, celle de l’ultime victoire de Lance Armstrong sur le Tour de France ou du premier doublé Tour des Flandres – Paris-Roubaix de Tom Boonen, que l’investissement de Michel Callot dans le cyclisme va changer de forme. Si le burgien continue de chevaucher de temps à autres sa bicyclette pour le plaisir, il s’engage également dans la création et la présidence du comité Rhône-Alpes de la Fédération Française de Cyclisme. Du statut de coureur, il passe ainsi à celui d’acteur politique, œuvrant pour le développement et la floraison du vélo en région lyonnaise. D’année en année, il se forge une place d’un homme renommé et respecté au sein des institutions cyclistes locales et nationales, si bien qu’il décide de briguer la présidence de la FFC en s’opposant aux candidatures de David Lappartient et Cyrille Guimard. En dépit du soutien notable de l’UNCP, le principal syndicat des coureurs, il échoue dans son entreprise, souffrant d’un déficit d’une centaine de voix face au maire de Sarzeau.

Si la défaite est actée, Michel Callot décide de viser la succession de l’actuel président de l’UCI à long terme. Continuellement investi au sein du bureau exécutif de la fédération nationale, il s’y impose progressivement par sa vision du vélo. Comme un symbole de l’enthousiasme que suscite sa cause, c’est à l’unanimité qu’il est élu président du Conseil Fédéral en 2015. Une sorte de période préparatoire avant de s’emparer des véritables rênes de l’institution.

En effet, David Lappartient appelé vers les hautes sphères de la gouvernance cycliste au niveau mondial, c’est en Michel Callot qu’il voit son plus sérieux successeur. Collègue, allié ou adversaire de longue date, il reconnait en l’aindinois un homme respectable et respecté. Par leurs désirs inassouvis de grandeur pour la bicyclette tricolore ainsi que leurs volontés de renforcer sa position aux différents stades institutionnels, les deux hommes se retrouvent sur la même longueur d’onde, en dépit de leurs désaccords méthodologiques. Elogieux l’un envers l’autre, c’est donc une véritable transmission de témoin qui s’opère dans les bureaux de Saint-Quentin-en-Yvelines le 11 mars 2017. Aucun adversaire n’osant lui barrer la route, c’est avec tout le mérite de faire consensus du statut de candidat unique que le bressois est hissé à la présidence par 97,5% des votants. Plus que jamais, cette élection-plébiscite donne alors l’impression d’une fédération et d’acteurs institutionnels « roulant tous ensemble ».
 

Son statut aujourd’hui :

Après deux ans de mandat, là où tous les espoirs quant à la personne élue ont d’ordinaire disparus, Michel Callot continue de satisfaire. S’inscrivant dans la lignée de son prédécesseur, il s’efforce continuellement de consolider la place du cyclisme français au sommet des institutions mondiales, perpétuant ainsi une part de sa suprématie traditionnelle. De plus, longtemps président d’un comité régional, le natif de Bourg-en-Bresse met au cœur de son projet la nécessité d’une meilleure collaboration entre les différentes strates de la pyramide formant la fédération nationale, des clubs au bureau exécutif. En ancrant davantage le vélo dans les territoires, il essaie également d’accroître l’attractivité de la bicyclette française aux yeux du public extérieur, combattant le déficit de médiatisation du cyclisme par rapport à des sports comme le football, le rugby ou le tennis. Toutefois, à ce sujet, son accession à la présidence concorde à une diminution de plus en plus prononcée du nombre de licenciés FFC, s’établissant même à 2,6% sur l’exercice 2018-2019. Alors causalité ou coïncidence ? S’il est encore compliqué d’y répondre, il convient cependant de noter que son joyau du comité du Rhône-Alpes fait quant à lui partie des deux seules régions en hausse, symbolisant éventuellement l’efficacité de sa politique de long-terme.

Quant à son bilan vis-à-vis du cyclisme féminin, il est indéniable que celui-ci connaît une médiatisation de plus en plus importante au fil des années, à commencer par les championnats de France, hommes et femmes y étant désormais placés au même niveau. Participant pleinement à la professionnalisation croissante de ce sport, Michel Callot concentre aussi une partie non négligeable de son action sur la communication ainsi que sur l’adaptation des clubs aux spécificités du sport féminin, afin de détacher peu à peu la Petite Reine de son image très masculine.

Mais surtout, le jugement de Michel Callot tombera à la fin du mois d’août, lors de la clôture des Jeux Olympiques de Tokyo. En effet, après l’épisode raté de 2016, l’équipe de France devra impérativement se racheter sur l’ensemble des disciplines, afin de continuer de faire rayonner la bicyclette tricolore à l’international. Et avec les choix forts de Christophe Manin à la Direction Technique Nationale et de Thomas Voeckler au poste de sélectionneur sur route, le bressois aura forcément une part de responsabilité dans les résultats…

Par Jean-Guillaume Langrognet