Anthony, pouvez-vous nous rappeler votre carrière de coureur ?
Je suis passé pro le 1er janvier 2002, à l’époque dans l’équipe Bonjour de Jean-René Bernaudeau, qui est devenu Brioches La Boulangère en 2003 et 2004, puis Bouygues Telecom de 2005 à 2008. Puis je suis parti à la Française des Jeux au 1er janvier 2009 et j’ai passé sept saisons dans cette équipe qui est devenue FDJ, sous la houlette de Marc Madiot. Je n’ai au final connu que ces deux équipes.

Quelles sont les grandes lignes de votre palmarès, on se souvient notamment de votre médaille de bronze aux Championnats du Monde ?
La plus grosse ligne est effectivement cette médaille aux Mondiaux de Madrid en 2005, le 25 septembre donc il y a onze ans ! J’avais d’ailleurs le dossard 101 ce jour-là. Après j’ai gagné la Flèche Brabançonne en 2009, j’ai aussi été vice-champion de France à St-Brieuc cette année-là. J’ai eu pas mal de places d’honneur sur les coupes de France, quelques victoires aussi sur les courses par étapes mais beaucoup sur le territoire français. J’ai participé à six Tours de France, tous terminés, le premier en 2003, celui du centenaire. Malheureusement pas de victoires d’étapes sur le Tour, c’est très compliqué d’y gagner. J’ai fais trois Tours d’Espagne mais pas de Tour d’Italie et j’ai également terminé 6ème de Milan-San Remo en 2008.

A partir de quel moment avez-vous commencé à penser à votre reconversion quand vous étiez coureur ?
J’ai commencé à penser à ma reconversion très tôt. Ce n’était pas tout à fait de la reconversion, c’était plutôt de se constituer un petit capital en vue de la fin de carrière. J’ai vu beaucoup de coureurs terminer leur carrière, être seuls et en difficulté financière car ils n’avaient pas préparé ou ils avaient des investissements qui n’étaient pas très bon. C’était une première phase d’épargne où il fallait sécuriser tous les actifs pour être un petit peu tranquille à la sortie, au cas où la carrière ne dure pas longtemps. J’ai eu la chance d’avoir une longue carrière, 14 saisons professionnelles. Du coup j’ai commencé à penser à la reconversion à peu près trois ans avant de terminer ma carrière. J’en avais parlé avec Marc Madiot avant ma dernière saison, il avait totalement compris. J’ai par contre toujours tenu à ne pas faire l’année de trop, je voulais toujours avoir un rôle dans l’équipe et continuer à faire gagner les mecs donc je pense que j’ai réussi à être à la hauteur jusqu’à ma dernière année.

Est-ce que la fondation FDJ, autour de laquelle gravite Carlos Da Cruz par exemple, est quelque chose auquel vous avez pensé ?
Non parce que la fondation c’est uniquement pour les jeunes qui sont encore dans une phase scolaire et de vélo amateur. Je n’avais pas du tout le profil pour rentrer dedans, j’étais en fin de carrière. Mais par contre j’ai bénéficié de l’ingénierie patrimoniale que maîtrise un consultant de l’UNCP (Union Nationale des Cyclistes Professionnel, présidée par Pascal Chanteur). Cela m’a permis de gagner un petit peu de temps dans la phase constitution de mon dossier. J’avais déjà choisi mon cursus et ils m’ont aidé dans les démarches administratives qui sont sérieuses, donc je les remercie pour ça. Ensuite j’ai trouvé des formations. J’avais déjà commencé en 2015, une prépa pour intégrer le certificat de conseiller en gestion de patrimoine, que j’ai obtenu en 2016. J’ai attaqué ma formation dès la fin de ma carrière en octobre 2015 jusqu’au mois d’août dernier.

Est-ce un diplôme qui vous permet d’être agent de sportif de haut niveau et agent de cycliste professionnel ?
Non pas du tout. Agent c’est vraiment un autre métier. Je suis conseiller en gestion de patrimoine. C’est apporter une réponse sur mesure et très globale à un client sur des problématiques patrimoniales comme la création d’épargne, la préparation de la retraite, la fiscalité, le développement de son patrimoine en investissant dans de l’immobilier, c’est très large. Je donne aussi des conseils juridiques. Il ne faut surtout pas faire l’amalgame avec le métier d’agent. Je vais travailler en partenariat avec les agents de coureurs, je vais leur proposer mes services, mais moi je ne suis pas du tout agent.

Vous avez commencé à développer votre activité, pouvez-vous nous donner des noms de coureurs avec qui vous collaborez ?
Je suis en phase de constitution de mon activité donc j’attends encore quelques autorisations réglementaires pour pouvoir exercer. La formation que j’ai eu est une formation diplômante, connue au registre national des certifications professionnelles. J’ai le statut de conseiller en investissement financier, courtier en assurance, courtier en financement, j’ai la carte de transactions immobilières donc d’agent immobilier. J’ai déjà pris des rendez-vous avec certains sportifs. Par contre j’ai une clause de confidentialité dans tous les rapports avec mes clients, qui m’interdit de communiquer qui est mon client et bien évidemment ce que je fais avec lui, et encore moins ce qu’il a sur ses comptes. C’est confidentiel, au même titre qu’une consultation chez le médecin.

Est-ce que cela intègre l’optimisation fiscale ?
Exactement. Il faut savoir que l’optimisation fiscale est légale, la fraude fiscale, elle, est répréhensible. On a donc le droit de choisir d’optimiser sa fiscalité, cela passe généralement par des investissements dans des entreprises, par des placements, mais c’est très encadré.

Quel est le retour des coureurs à l’heure actuelle et allez vous vous concentrez exclusivement sur les cyclistes ?
L’idée est vraiment de spécialiser mon activité chez le sportif de haut-niveau, qui a donc une rémunération liée à la pratique de son sport. Ce sera les cyclistes professionnels dans un premier temps mais je veux ensuite ouvrir aux sportifs au sens large car la problématique des sportifs est à peu près la même. Les contrats sont très courts, la fiscalité peut être très importante chez certains. L’idée est donc d’optimiser les investissements et les placements pour assurer derrière une pérennité du patrimoine pour qu’il puisse être concentré à 100 % dans ses activités.

Quel genre de cyclistes s’intéresse à votre discours, plutôt les plus âgés ?
Pour l’instant les premiers contacts que j’ai eu sont des coureurs déjà bien avancés dans leur carrière. Ils commencent à gagner pas mal d’argent, avoir des problématiques fiscales. L’idée est aussi de faire beaucoup de pédagogie avec les jeunes que je vais pouvoir rencontrer, en leur expliquant que c’est très important de bien équilibrer son patrimoine, de ne pas faire n’importe quoi, de bien gérer son épargne en cas de carrière très courte. Si l’on veut faire une formation par la suite il est bien de pouvoir la financer. Je pense que cela peut en enrichir certains. Le sport m’a apporté beaucoup, c’est une grosse partie de ma vie, donc j’ai aussi envie de rendre cela aux jeunes qui arrivent.

Tous les sportifs sont-ils autant sensibles à cette question là ?
J’ai beaucoup plus de contacts dans le vélo, mais ceux que j’ai avec d’autres sportifs me montrent qu’ils sont aussi très réceptifs sur ces problématiques là et qu’ils sont prêts aussi à se faire accompagner.

Êtes-vous le premier sportif de haut niveau à se positionner sur ce créneau là et quels sont vos concurrents ?
Dans le vélo, je n’ai jamais eu d’interlocuteur qui est venu me voir avec une offre globale et en utilisant le même langage que moi. Un sportif a ses préoccupations, il ne parle pas du tout financier. Je n’ai pas peur du tout de vulgariser une problématique pour que mon client comprenne que s’il se marie ça va être comme ça, ce sera ça ses droits, s’il y a un souci la prévoyance familiale se prépare comme ça ! Il y a quelques anciens sportifs qui sont spécialisés dans ce milieu là, notamment dans le rugby. Les problématiques des sportifs sont souvent gérées par les compagnies d’assurance, qui ne proposent que leurs produits. Moi je suis totalement indépendant et c’est moi qui choisit les produits que je vais estimer les meilleurs pour mon client.

En Belgique, les revenus des sportifs de haut niveau sont lissés dans le temps pour éviter d’être plombés fiscalement, que souhaiteriez-vous voir évoluer à ce sujet en France ?
Il est vrai que dans certains pays les sportifs ont fiscalement un statut différent. En France, la situation d’un sportif est la même que n’importe quel salarié. Oui, j’aimerais bien qu’il y ait des choses de faîtes sur le plan législatif. Je pense notamment à la pénibilité sur la retraite. On parle du compte de pénibilité pour les gens qui ont des métiers dits « pénibles », pourquoi le cycliste ne bénéficierait pas aussi d’un compte pénibilité spécifique ? J’ai passé quinze ans chez les pros, j’ai passé beaucoup d’heures sur mon vélo sous la pluie, sous la canicule. C’est un point qui pourrait demander réflexion. Une phase d’imposition me paraît assez complexe à mettre en place.

Est-ce que cette idée de reconversion vous est apparue tôt ou en avez-vous eu d’autres ?
Non, car quand j’étais dans ma carrière je ne pensais qu’à faire du vélo. Le cycliste dort vélo, mange vélo et a d’autres choses à faire que de s’occuper de sa reconversion. On s’en préoccupe vraiment plus sur la fin. Par contre j’ai toujours été curieux de savoir ce que les autres devenaient, ce qu’ils avaient fait comme reconversion, pour avoir ma propre opinion. Après, être consultant il y a plusieurs problèmes à ça. Il n’y a que peu de personnes qui peuvent vivre du fait d’être consultant. Laurent Jalabert doit avoir d’autres activités à côté, même si ses interventions sur France TV doivent lui apporter un salaire assez conséquent. Jacky Durand est à temps plein sur Eurosport. Cela sous entend qu’il faut avoir un sacré palmarès, une sacré notoriété mais aussi des contrats où l’on part régulièrement sur les courses, le week-end. Moi j’ai aussi envie de profiter de ma famille, donc je ne me voyais pas consultant.

Diriez-vous qu’au niveau de l’UNCP, lorsqu’un cycliste veut préparer sa reconversion, il y a de bonnes choses qui lui sont proposées ?
Oui clairement, j’ai vu le dispositif évoluer, il ne faut pas que les coureurs pensent que c’est de l’assistanat, loin de ça. C’est vraiment une aide sur le long terme quand la reconversion arrive. Ce sont des problématiques auxquelles nous ne sommes pas habitués, de la paperasse, gérer des dossiers. L’UNCP, ce n’est pas que de la reconversion, c’est aussi accompagner des coureurs lorsqu’il y a des incidents de course, c’est vraiment le syndicat des coureurs qui répond à une globalité de problématiques.

Pour conclure, comment les coureurs peuvent-ils vous contacter ?
Ma société s’appelle Gest Conseil et j’ai un compte twitter, @GestConseil.