Cet article est la suite de celui qui avait été publié ici : 

https://www.velo101.com/magazine/article/reapprendre-a-etre-efficace-avec-une-bonne-technique-de-pedalage–22289

Les croyances évoquées plus haut sont d’ailleurs encore largement répandues dans le milieu cycliste : pour beaucoup, la vélocité est la base du travail, ce qui est vrai, et l’unique thème de travail durant l’hiver. Cette dernière affirmation est un raccourci trop rapide. En effet, contrairement aux idées reçues, il est possible (et même nécessaire) de programmer un travail de la force très tôt au sein de la planification annuelle, c’est à dire à la reprise ou même dès à présent (en fin de saison). Pourquoi ? Comment ? Voyons s’il faut passer l’automne et l’hiver en force…

En plein effort sur une cyclosportiveEn plein effort sur une cyclosportive | © Team Vercors

 

Les deux composantes de la puissance

C’est tellement logique que l’on aurait tendance à l’oublier : quel que soit le braquet employé, la vitesse que vous allez atteindre c’est à dire la puissance que vous allez développer dépend à la fois de votre cadence de pédalage (nombre de coups de pédale à la minute) et de la force que vous insufflez à la pédale. Du développement utilisé dépendra le résultat du produit force x vélocité. Développer davantage de puissance est une recherche perpétuelle chez tous les cyclistes. Or pour y parvenir il faudra absolument progresser dans les deux domaines : il ne sert à rien de tourner les jambes à 110 rpm si vous ne pouvez le faire que sur le 39×19. A contrario, si vous emmenez un 50×19 mais que vous ne dépassez pas 55 rpm, cela n’est pas plus efficace. Le meilleur résultat (rendement énergétique) est bien souvent obtenu à une cadence de pédalage comprise entre 80 et 100 rpm. A un braquet certes différent pour chacun, mais toujours intermédiaire entre « tout à gauche » et « tout à droite ». D’où l’utilité de développer la vélocité ET la force, et ce dès octobre ou novembre, aux prémices de la préparation hivernale.

Vous entendez sans doute régulièrement l’expression « manquer de puissance » qui traduit en réalité « manquer de force » : c’est sans aucun doute consécutif au développement exclusif de la vélocité durant l’hiver

La vélocité à la base

On ne peut retirer cette vérité aux tenants de la vélocité : c’est la base du travail. L’expression « pédaler carré » désigne les cyclistes emmenant des braquets importants mais à une faible cadence de pédalage, et dans un style « saccadé ». La vélocité va être particulièrement privilégiée lors de l’échauffement et du retour au calme. Améliorer cette première composante de la puissance va en outre optimiser votre coordination : c’est en travaillant à une cadence de pédalage importante que le cerveau mémorise le geste efficace. Comment progresser ? Simplement, en limitant vos braquets durant les deux semaines consécutives à la coupure, en maintenant une fréquence cardiaque assez faible (60-70%). Par vent favorable et/ou dans les faux plats descendants, vous vous efforcerez d’augmenter votre cadence de pédalage.

Précisons que sur les 2ères semaines après la reprise il ne faut ni faire de la force ni de la « vraie » vélocité (>100 rpm) car la bonne coordination musculaire n’est pas encore présente. Il faut donc utiliser une cadence « moyenne », vers 80 rpm.

Durant toute la période hivernale, c’est-à-dire une fois que votre préparation aura débuté pour de bon, vous pourrez travailler votre vélocité grâce à deux types de séance :

–           une séance « thématique » uniquement axée sur la vélocité

–           une séance mixte alliant force et vélocité

 

Des séances ciblées sur 40 km pour se faire plaisir plus tard sur des sorties plus longuesDes séances ciblées sur 40 km pour se faire plaisir plus tard sur des sorties plus longues | © Team Vercors

– La séance thématique :

Il s’agira de faire varier votre cadence de pédalage pour surprendre vos groupes musculaires inférieurs qui s’adapteront en améliorant coordination, vitesse d’exécution et explosivité. Vous recruterez en outre des fibres rapides qui seront par la suite sollicitées dans la période de pré compétition (février à avril) lors des séances plus intensives.

Par exemple, sur une séance de 2h :

20’ d’échauffement, en augmentant progressivement votre fréquence cardiaque jusqu’à 70/75%

1h30 de corps de séance en variant les cadences de pédalage :

95/90/100/90/105/90/110/90/115/90/110/90/105/90/100/90/95/90

Les chiffres désignent le nombre de tours par minute. Chaque séquence de travail dure cinq minutes. On va chercher à augmenter progressivement la cadence de pédalage, en transférant ensuite les acquis à une cadence censée être optimale (90 rpm).

10’ de retour au calme

Après deux séances, vous pourrez compliquer la tâche :

100/90/105/90/110/90/115/90/120/90/115/90/110/90/105/90/100/90

Ces séances vous permettront de mieux vous connaître, et de déterminer quelle est votre cadence optimale. L’inconvénient, c’est qu’elles nécessitent la possession d’un capteur de cadence.

Néanmoins, ces outils sont aujourd’hui bon marché, simple d’utilisation et très fiables.

 

– La séance mixte :

L’avantage de cette séance mixte, c’est qu’elle mêle force et vélocité. Le travail est donc plus efficace.

Sur une séance de 1h30 à 2h, après échauffement, et avant retour au calme (ces séquences sont toujours, quel que soit le thème de travail, entreprises en vélocité) vous allez passer de tout à droite, en hyperforce, 40/45 rpm à tout à gauche (ou presque selon les circonstances et le relief), en hypervélocité, 100/110 rpm. Progressivement vous allez donc diminuer votre braquet et augmenter votre cadence (tourner les jambes de plus en plus vite).

La vélocité, qui sera privilégiée à la reprise, ne sera bientôt plus le seul thème de travail : le développement de la force va très rapidement venir varier vos semaines.

 

Passer en force pour gagner en puissance

Si la vélocité est la base du travail hivernal, elle n’est qu’une partie de la formule définissant la puissance. Sans un travail de force vous ne développerez pas la puissance développée (en watts) et vous ne progresserez pas.

Très simplement, vous pouvez aborder ce thème de travail en douceur, avec une alternance force/vélocité : 5’ petit plateau à 100 rpm, 5’ en force à 50/60 rpm, et ce durant 1h. Passer ensuite à des séquences de 10’/10’, puis 15’/15’.

Plus simple encore, lors d’une sortie ventée, pensez à « passer la plaque » quand vous luttez contre le vent.

Au sein de séances collectives où il est souvent plus difficile d’entreprendre un travail spécifique, pensez à prendre vos relais en utilisant un surbraquet, toujours à 50/60 rpm, et remettez le petit plateau quand vous repassez dans les roues.

Ces quelques indications devraient vous permettre de progresser sans toutefois devoir vous astreindre à un entraînement codifié. Pourtant, les séances thématiques et mixtes expliquées ci-dessus se déclinent également sous le facteur « force ». 

EF001© Team Vercors

 

– La séance thématique :

Là encore il s’agit de faire varier votre cadence de pédalage pour tendre vers les extrêmes. Nous vous invitons à travailler sur des parcours vallonnés (mais sans véritable côte ni descente accentuée ou sinueuse qui vous obligerait à vous arrêter de pédaler durant quelques instants), sans quoi le travail en force ne sera pas efficace.

Par exemple, sur une séance de 2h

20’ d’échauffement, en augmentant progressivement votre fréquence cardiaque jusqu’à 70/75%

1h30 de corps de séance en variant les cadences de pédalage

85/90/80/90/75/90/70/90/65/90/60/90/55/90/50/90/45/90

Chaque séquence dure 5’ : petit à petit vous allez devoir emmener de plus en plus de braquet, mais à une cadence inférieure. La puissance, et la fréquence cardiaque restent relativement stables, même si cette dernière a tendance à diminuer lorsque la cadence diminue. C’est uniquement sur le facteur force que l’on joue.

10’ de retour au calme

Pour complexifier le travail, vous pouvez aller encore plus loin en modifiant le corps de séance comme suit :

80/90/75/90/70/90/65/90/60/90/55/90/50/90/45/90/40/90

Allié à un travail de vélocité, mais aussi à des séances plus intensives, vous pourrez ainsi, à terme, emmener un plus gros braquet pour une même cadence de pédalage optimale, qui est souvent proche de 90 rpm. Les progrès seront donc évidents.

 

Ne perdez pas de vue que le travail de force seul n’est pas sans conséquences : musculairement il peut laisser des traces durant 2 à 4 jours. A l’inverse, après une séquence force/vélocité qui tend vers les extrêmes, le cycliste ressent généralement une excellente fluidité dans son coup de pédale en fin de sortie et sur les jours suivants. Mais pour cela, il doit être rompu à ce genre d’exercices… d’où l’intérêt de le pratiquer régulièrement. En d’autres termes, il faut de la progressivité et de la patience pour bien réaliser les gestes. Il sera donc nécessaire de ne pas se décourager sur les 1ères séances car c’est un travail uniquement basé sur la technique, mais en même temps celui se révèlera très payant pour l’amélioration de la condition physique.

Par ailleurs, travailler à faible cadence de pédalage peut provoquer une tension sur les tendons, et notamment le tendon rotulien. A la moindre alerte, repassez le petit plateau et rentrez souplement ! 

– La séance mixte :

Pour travailler en force, vous allez passer de tout à gauche, en hypervélocité, 100/110 rpm à tout à droite, en hyperforce, 40/45 rpm. Progressivement vous allez donc augmenter votre braquet et diminuer votre cadence (tourner les jambes de moins en moins vite).

En fin de cycle, vous pourrez à terme entreprendre des séances dites de « musculation naturelle » : il s’agit de tracer un parcours le plus vallonné possible, en passant toutes les côtes de la manière suivante : utilisez le plus gros braquet possible, assis sur la selle, sans se déhancher et sans tirer sur le guidon. Les meilleurs grimperont en posant simplement les doigts sur les cocottes de frein ou au fond du cintre pour n’avoir aucune prise.

 

S’il n’est pas associé à un travail de force le développement de la vélocité restera insuffisant pour améliorer la puissance. L’un et l’autre sont indissociables. Or vous avez pour la majorité relativement peu de temps à consacrer à l’entraînement en semaine. La musculation en salle reste donc pour beaucoup impossible.

Dès les prémices de la préparation hivernale, après une reprise d’une durée approximative de deux semaines, vous pourrez enchaîner des cycles de travail spécifiques : la meilleure manière est d’alterner les cycles à dominante force et les cycles à dominante vélocité. Dans un second temps, les séances mixtes prendront le relais pour optimiser le travail mis en place jusqu’à alors. Ne perdez jamais de vue que la grande majorité des séances proposées sont très faciles à mettre en place sur home trainer. En outre la séance est alors plus efficace car les conditions de vent et de pente n’influent pas sur l’exercice. De quoi égayer vos retrouvailles avec cet outil décrié mais ô combien efficace en cette période ! Enfin, songez que ces séances de force/vélocité seront à entreprendre durant toute la période foncière de manière à optimiser vos progrès. En période de pré-compétition et à fortiori de compétition, elles ne viendront qu’en rappel de temps à autre.

 

Par Olivier Dulaurent