Nicolas, quel est votre premier souvenir du Tour de France ?
Mon premier souvenir du Tour de France c’est Bernard Hinault sur les Champs-Elysées. Je ne sais même plus en quelle année, mais il gagne le Tour. Cela paraissait logique à l’époque, mais nous avons vu que ce ne l’était plus depuis puisqu’un Français n’a toujours pas gagné. J’étais chez moi, à la maison, devant la télé avec mes parents. Je n’étais pas encore passionné, je découvrais le vélo et la passion est venue plus tard, avec Richard Virenque, mais le premier souvenir c’est Hinault.

La première flamme était donc Richard Virenque ?
Oui, je ne ratais pas une étape, je vibrais derrière ses exploits. Quand il fait 2ème derrière Ullrich en 1997 j’étais à fond derrière lui. Après, l’affaire Festina est arrivée et cela a gâché un peu le plaisir mais pour moi un Tour sans Virenque ce n’était pas un Tour. C’était mon idole quand j’étais adolescent.

En fonction des générations, les premiers souvenirs sont différents. Par exemple, vous n’avez pas de souvenirs de Tours de France à la radio ?
Si, je me souviens de Jean-René Godart, que j’ai rejoint par la suite à France TV. Il était sur Europe 1, il enflammait les attaques et faisait vibrer à la radio. Sur la route des vacances, c’était ce souvenir là, sa voix. Mais les plus importants viennent de la télé.

Est-ce Bernard Hinault qui vous a marqué sur la période de votre enfance ?
Non, j’ai toujours trouvé Bernard Hinault un peu dur. J’aimais bien Lemond, je l’adorais, et cela se confirme maintenant. Son accent américain, son charme et sa classe me faisaient beaucoup l’aimer. Je ne dis pas que j’étais pour Greg Lemond et contre Bernard Hinault mais ce coureur là avait quelque chose. C’est lui qui m’a marqué et quand je parle avec lui maintenant c’est génial. Lemond avait un truc en plus.

Est-ce le vélo qui vous a marqué dès le départ ou le sport en général ?
Quand j’étais gamin j’étais fan de foot, du FC Nantes car mon père était nantais. Puis petit à petit, à l’adolescence, je me suis mis à faire du vélo et du triathlon et je suis devenu un fou de vélo.

Avez-vous intégré directement le service des sports de France TV en cyclisme ou êtes-vous passé par d’autres sports ?
Non, j’ai eu la chance tout de suite après l’école de journalisme de rentrer au service des sports de France TV, à Stade 2, avec Christian Prudhomme. Ensuite, je suis allé dans d’autres rédactions pendant deux ou trois ans mais ce n’était pas par le vélo. J’étais dans les sports outdoor comme le triathlon, le trail, les raids, et après je me suis spécialisé dans le vélo. Puis je ne l’ai plus lâché.

Comment avez-vous fait votre place au milieu de journalistes installés comme Jean-René Godart ou Gérard Holtz ?
Ce n’est pas facile de se faire une place dans le service des sports. Mais par rapport à ça, il n’y avait pas beaucoup de gens qui faisaient des reportages de vélo, et j’ai été utilisé sur deux choses. D’abord sur les affaires de dopage puis sur les reportages avec les coureurs et visiblement cela a été apprécié. J’ai fait ma place petit à petit grâce à cela, parce que j’en voulais et que je me débrouillais peut-être pas trop mal, mais j’ai fait ma place sur les reportages. Puis je suis rentré dans le direct.

Que préférez-vous entre le direct et les reportages ?
J’aime bien faire les deux. J’adore les reportages, pour moi voir les coureurs et raconter des histoires c’est la base de mon métier. Mais en étant dans le direct il y a de l’excitation, de l’adrénaline. Et encore cette année je ne suis pas dans le direct, je fais des interviews avant et après la course, je ne suis plus sur la moto comme avant. Faire les deux, c’est un grand écart mais j’aime bien me dire que l’on peut faire les deux.

Commenter en direct, c’est un peu comme les coureurs en course, il n’y a pas le droit à l’erreur.
Non il n’y a pas le droit à l’erreur, surtout sur France TV, où il y a des millions de téléspectateurs. On le voit avec des critiques qu’il y a eu sur nos commentateurs. La moindre erreur est amplifiée alors que sur les autres chaînes ça l’est beaucoup moins. Mais c’est le jeu, la reconnaissance est beaucoup plus importante, nous savons que cela fait partie du jeu et il faut faire avec.

Lisez-vous les forums et les commentaires qui sont faits sur vous ?
Oui, j’y vais. Un peu moins qu’avant mais j’y vais et je les lis. Il y a de tout, pour moi en général c’était plutôt sympa mais certaines fois il y a des critiques, justifiées ou non. En vieillissant il faut l’accepter parce que de toute façon nous ne pouvons pas faire l’unanimité, ce n’est pas possible en tant que commentateur.

Cette année il y a eu des changements pour France TV et le Tour de France, Alexandre Pasteur a pris la place de Thierry Adam et les étapes sont toutes retransmises en intégralité. Qu’est ce que cela a changé pour vous ?
Oui, l’arrivée d’Alexandre Pasteur a changé des choses mais de toute façon je ne voulais plus être sur la moto. J’avais émis le souhait de passer à autre chose. La moto est un poste magnifique mais cela faisait 7 ans que je le faisais et j’avais envie de renouveler un petit peu le genre. Thierry Adam est retourné sur ce poste, il y a eu un jeu de chaises musicales, mais finalement ce n’est pas l’arrivée d’Alexandre Pasteur qui a changé des choses. Pour le direct intégral, cela change mais finalement ce n’est qu’une heure de plus par jour. Dans l’organisation, cela ne change pas énormément. J’ai commenté une journée, c’est un peu plus long mais nous savons faire. Nous savons meubler quand il ne se passe rien, nous savons animer et Alexandre le fait très bien. Et quand il y a la bagarre pendant une heure en début d’étape, c’est passionnant de voir ça. Mais je laisserai mon patron le débriefer après le Tour.

Pensez-vous que tactiquement cela a changé certaines choses, comme les échappées publicitaires ?
Non je ne pense pas, l’an dernier c’était exactement la même chose. Nous voyions les mêmes scénarios. Alors on appelle ça échappée publicitaire ou pas, les Wanty Groupe Gobert ont été invités, ils veulent rendre la pareille et c’est normal. Les Fortuneo l’ont encore fait cette année. Je ne pense pas que cela change quelque chose, parce que sinon nous aurions vu les coureurs batailler pendant longtemps sur les étapes de plaine et cela n’a pas été le cas. Je pense que cela ne change pas l’attitude des coureurs.

Quel est votre avis par rapport aux oreillettes et leur utilisation actuelle ?
J’ai toujours trouvé que c’était un faux débat. Je pense qu’il faut vivre avec son temps, l’oreillette fait partie de la course pour la sécurité. Pour la tactique, je pense aussi que les coureurs ont un libre arbitre. Il faut qu’ils soient intelligents pour à un moment décider ce qu’ils doivent faire ou pas. L’an dernier, Bardet a enlevé son oreillette et il a fait la révolution. Alors oui, les courses sont plus débridées sans, mais je pense que cela n’enlève pas forcément l’instinct et que cela ne change pas grand chose à la course.

On parle toujours du rapport entre le sport et la télévision, la télévision qui influerait trop sur le sport, quel est votre sentiment par rapport à ça ?
C’est normal, France TV est partenaire privilégié avec ASO donc c’est normal qu’il y ait des discussions entre eux sur des questions d’organisation. De toute façon, c’est ASO qui décide, ce n’est pas France TV, il faut être bien clair là-dessus. Il y a des discussions mais c’est comme ça dans tous les sports. Je pense que France TV est consulté et pour l’instant il n’y a pas d’arrivées à 20h, ou alors rarement. Il y a un dialogue, mais ce n’est pas France TV qui fait la pluie et le beau temps, bien au contraire. ASO décide les choses. Il faut vivre avec son temps avec un principe fort, c’est qu’il faut respecter les coureurs et leur récupération. Je pense que c’est ce qu’on fait à France TV.

On parle certaines fois de dictature de l’audience, quel est votre vécu par rapport à cela ?
Oui et non. Oui, l’audience est importante, mais le discours que l’on nous tient c’est d’abord de faire de la qualité, d’être les meilleurs possibles et après l’audience suit ou pas. Cette année, les audiences sont absolument impressionnantes donc nous sommes ravis.

Beaucoup de personnes regardent le Tour de France pour les paysages et pas pour la course, quel est votre avis sur ce sujet ?
C’est notre rôle à France TV, et c’est peut-être ce qui nous différencie d’Eurosport, qui fait également un travail remarquable. Mais c’est ce que nous avons avec Franck Ferrand cette année ou avant avec Eric Fottorino et Jean-Paul Ollivier. Montrer les paysages, le patrimoine et cela fait partie de notre ADN. Alors oui, moi j’ai la culture de la course et je pense qu’elle doit passer au premier plan. Mais je crois qu’avec Alexandre Pasteur ils ont trouvé le juste équilibre pour le faire. J’ai commenté une journée, la course passe toujours au premier plan et Franck Ferrand est à chaque fois passionnant. Mais oui certaines personnes regardent aussi pour ça. Nous sommes une télé généraliste et quand il y a six ou sept millions de personnes, il y a toutes les générations et nous sommes dans cette optique là. Cela n’empêche que nous pouvons toujours parler de physiologie, de tactique, nous pouvons parler aux spécialistes de façon généraliste.