Sylvain, tu réalises un retour remarqué dans les pelotons amateurs après une suspension de dix-huit mois. Quelles émotions t’ont procuré tes retrouvailles avec la compétition ?
J’ai remis mon premier dossard sur un cyclo-cross au mois de décembre. Ça a été fort en émotion. J’ai passé la ligne d’arrivée en larmes. Ça mettait enfin un terme à dix-huit mois de bagne. Et puis il y a eu ma victoire au Bédat le 1er mars. Le « Championnat du Monde des Auvergnats », avec un gros plateau. Il y a eu une forte symbolique. Et des larmes ont coulé là aussi. Toute cette traversée du désert est enfin derrière, désormais seules de belles choses vont arriver.

Et côté sensations ?
A ma reprise au Tour de l’Ardèche Méridionale, j’ai eu une fringale au bout de 100 bornes… J’avais perdu l’habitude de manger sur un vélo ! Or en course, si tu ne manges pas, tu ne finis pas ! J’ai corrigé cela le deuxième jour. J’étais avec Nico Denz, qui va gagner, dans le groupe de contre, mais j’ai crevé à 15 kilomètres de l’arrivée et n’ai pas pu me battre pour la victoire. J’ai enchaîné avec les Boucles du Haut Var. Ça restait pour moi des courses de préparation. Il m’a fallu retrouver des automatismes avant de pouvoir pensé à jouer ma carte.

Ce que tu as fait en doublant Tour des Communes de la Vallée du Bédat et Châteauroux-Limoges. T’attendais-tu à un tel retour gagnant ?
Une victoire, c’est vraiment l’objectif que je m’étais fixé au Bédat. Dimanche à Châteauroux-Limoges, ça a davantage été un concours de circonstances. La course s’est déroulée en ma faveur et au final je gagne sans en avoir fait un objectif.

Qu’est-ce qui a fait la différence à l’occasion de ces deux épreuves ?
Mon expérience et mon placement probablement. Je suis toujours à l’avant, à l’affût de la moindre attaque susceptible de faire la différence dans un final. Au Tour des Communes de la Vallée du Bédat, j’avais la chance d’avoir deux équipiers devant et de ne pas avoir à rouler. Une fois rentré sur eux, me sachant pas trop mal physiquement, j’ai pu jouer ma carte. C’est en étant offensif qu’on peut faire la différence. A Châteauroux-Limoges, j’ai tout fait pour créer l’échappée. Sur une arrivée en faux-plat montant sur 500 mètres, comme c’était le cas, je me sais capable de faire la différence.

Finalement, il ne t’a pas fallu bien longtemps avant de retrouver des automatismes…
Le vélo, ça ne se perd pas ! Il m’a fallu deux, trois semaines pour retrouver les automatismes. Pas forcément au niveau du placement dans le peloton, car d’entrée de jeu j’ai été placé à l’avant et j’ai rarement loupé la bonne échappée, mais en termes d’hydratation et d’alimentation sur le vélo. Ce sont des réflexes que j’avais totalement perdus. Aujourd’hui j’ai encore un peu de travail à accomplir pour retrouver une condition optimale d’ici à mon premier objectif, le Circuit de Saône-et-Loire du 23 au 26 avril.

Comment as-tu traversé ces dix-huit mois de suspension ?
Ça n’a pas été monotone ! J’ai fait 55000 bornes en deux ans. Je me suis ouvert à d’autres disciplines : le trail, le VTT… Ça m’a permis de faire du sport de manière différente. Cette ouverture d’esprit à d’autres disciplines sportives a été très intéressante. En termes d’entraînement, les approches n’ont rien à voir. Ça m’est aujourd’hui très utile sur le vélo. A côté de cela, j’ai monté une société de consulting. Je travaille pour différentes marques au niveau de la communication et du marketing. Je n’ai donc pas eu le temps de cogiter et de pleurer sur mon sort.

C’est dans ta mentalité ?
J’ai toujours été comme ça, oui. Quand mon contrat avec Ag2r La Mondiale a été rompu, je n’avais plus de travail mais il n’était pas question de rester chez moi à attendre que le temps passe. Il fallait aller de l’avant, bosser et s’occuper l’esprit.

Durant cette période, qu’est-ce qui a entretenu ta motivation à t’entraîner ?
Je ne pouvais pas arrêter le vélo sur une chose aussi négative. Je me suis dit : « c’est toi qui décideras du jour où tu arrêteras le vélo, personne ne te l’imposera ». C’est ce qui m’a boosté. Et puis évidemment ma famille, mes amis, ont été là pour m’encourager. On a fait des sorties ensemble, un stage dans les Alpes pour monter des cols… Tout ça m’a permis de garder la motivation. Et aujourd’hui je mesure comme ça m’a servi.

Ton nom, malheureusement, est ressorti dans l’actualité après le contrôle positif à l’EPO de ton ancien coéquipier Lloyd Mondory, ce pourquoi tu as adressé une lettre ouverte à la presse afin de clarifier les choses. C’était important de le faire ?
Je me suis battu pour démontrer que je n’ai commis qu’une négligence, ce qui a été reconnu par les instances (NDLR : Sylvain Georges a été contrôlé positif à l’heptaminol après l’absorption d’une gélule de Ginkor Fort, un produit en vente libre dans toutes les pharmacies destiné à soulager ses jambes). J’ai été sanctionné en tant que tel, et non pas en tant que tricheur. Ça me gêne d’être considéré comme un « cas de dopage ». C’est pourquoi j’ai tenu à prendre la parole : il faut faire la part des choses entre ceux qui trichent délibérément et un contrôle positif à une molécule présente dans un produit en vente libre en pharmacie.

Les gens ont-ils tendance à faire l’amalgame ?
Honnêtement, quand je vois le soutien qu’on m’apporte sur les réseaux sociaux ou sur les courses, il n’y a pas du tout d’amalgame. Je voulais juste repréciser les choses aux médias afin qu’ils ne le fassent pas. Certes, j’ai été déclaré positif à un stimulant, mais que j’ai ingéré après avoir pris par négligence un médicament en vente libre. Aujourd’hui je veux qu’on parle de mon retour après dix-huit mois passés dans mon coin, sans que personne ne demande de mes nouvelles. Je reviens plus motivé que jamais, avec des résultats, c’est certainement plus intéressant de parler de ça que des cas Houanard et Mondory.

Tu te dis plus motivé. Peut-on aussi dire plus épanoui ?
Tout à fait, tant cérébralement qu’humainement et physiquement. C’est un mal pour un bien. De chaque épreuve difficile il faut tirer du positif, aller de l’avant, se servir de cela pour rebondir et essayer d’aller le plus loin possible.

A 30 ans, nourris-tu l’espoir de faire un retour chez les pros ?
Bien sûr. J’aurais pu signer dans une équipe pro cette saison mais j’avais à cœur de remercier Nicolas Roux de son soutien. Je fais mon retour en 2015 chez les amateurs, ce qui va me permettre de reprendre des repères et de prouver que dix-huit mois sans compétition ne m’ont pas empêché de retrouver un très bon niveau. Aujourd’hui j’ai envie de prendre du plaisir. Je me sens bien au Team Pro Immo Nicolas Roux. On verra ensuite ce que donnera 2016. Forcément, dans un coin de ma tête, j’espère bien retrouver une belle équipe et reprendre les roues du peloton professionnel.

Propos recueillis le 18 mars 2015.