“Encore du mal à mettre des mots sur les évènements d’hier, la détresse de ces visages et des corps meurtris suite à cette chute”, indiquait Romain Bardet lundi dans un message sur ses réseaux sociaux. Toujours sur ses réseaux sociaux, Bardet en appelait à la responsabilité de chaque coureur : “La responsabilité que l’on a quand nous prenons des risques pour se faire une place à l’avant du peloton peut être lourde de conséquences pour les 100 gars qui se trouvent derrière nous.”

Romain Bardet, ému après la chute sur Liège-Bastogne-Liège.Romain Bardet, ému après la chute sur Liège-Bastogne-Liège. | © Capture d’écran RMC Sports

L’Auvergnat, traumatisé par cette chute, était aux premières loges lorsque les premiers coureurs sont allés au sol. “C’est vraiment des scènes qu’on ne veut pas voir dans le vélo. Il y avait des mecs partout par terre, c’était plus une course. C’est tombé juste devant moi, deux mecs qui se sont accrochés. Quand on tombe à 80 kmh, personne ne s’arrête… La dernière fois que j’ai eu cette sensation c’était sur le Tour de France (2015, ndlr) quand William Bonnet était tombé, c’était la même scène”, indiquait Romain Bardet, très ému, après la course.

Ces chutes qui ont marqué le peloton

Cette terrible chute survenue à 60 kilomètres de l’arrivée de Liège-Bastogne-Liège est loin d’être une exception. Ces dernières années, de nombreuses chutes massives ont marqué les esprits dans le peloton.

1ère étape du Tour de France 1994

Laurent Jalabert, en sang, après sa chute.Laurent Jalabert, en sang, après sa chute. | © AFP

Pour la première étape de ce Tour de France 1994, le peloton arrive à Armentières pour un sprint massif. À moins de 100 mètres de l’arrivée, Nelissen percute un policier qui prend une photo. L’Hollandais entraîne dans sa chute Laurent Jalabert qui percute à son tour le policier et un panneau publicitaire. Bilan de cette terrible chute : le policier souffre d’un enfoncement du thorax, fracture aux incisives et lésions à la mâchoire pour Jalabert et traumatisme crânien pour Nelissen.

3ème étape du Tour de France 2015

La chute massive lors de la 3ème étape du Tour de France 2015.La chute massive lors de la 3ème étape du Tour de France 2015. | © ERIC GAILLARD/REUTERS

C’est l’une des plus grosses chutes qu’a connu le Tour de France ces dernières années. À 60 km de l’arrivée de la troisième étape, William Bonnet tombe et entraîne avec lui des dizaines de coureurs à terre et à pleine vitesse. Le coureur de la FDJ sera celui le plus touché avec une fracture d’une vertèbre cervicale et un traumatisme crânien. 

1ère étape du Tour de Pologne 2020

La chute impressionnante lors de la première étape du Tour de Pologne 2020.La chute impressionnante lors de la première étape du Tour de Pologne 2020. | © Getty Images

Lors de la première étape du Tour de Pologne 2020, Fabio Jakobsen est envoyé dans les barrières par son compatriote Dylan Groenewegen lors d’un sprint massif. Le pronostic vital de Jakobsen est un temps engagé après cette lourde chute. Finalement, après de longs mois de convalescences, Jakobsen effectuait son grand retour à la compétition sur le Tour de Turquie 2021, 8 mois après avoir frôlé la mort.

Un accompagnement psychologique primordial pour les coureurs

Pour accompagner les coureurs et leur permettre de mieux faire face à ces chutes qui marquent les esprits, certaines équipes font appel à des spécialistes. Armelle Favre est psychologue du sport et suit des cyclistes professionnels depuis plusieurs années. Interrogée par Vélo 101, elle insiste sur l’importance de la prise en charge des coureurs. “Il faut débriefer toute blessure ou chute le plus tôt possible pour mettre des mots dessus et pouvoir passer à autre chose. On ne va pas seulement mettre des mots mais aussi travailler le cognitif, tout ce qui est pensée et commandement pour retrouver de la confiance, les automatismes et les réflexes. Et ce n’est pas forcément simple, c’est un vrai travail. Quand les coureurs chutent violemment, il y a des stigmates ”, indique Armelle Favre.

Armelle Favre se bat quotidiennement pour que le mental des cyclistes soit reconnu comme un élément clé de leur performance. Elle poursuit : “J’aurais presque tendance à dire, bizarrement, que les filles sont peut-être plus accompagnées que les garçons. Et ça c’est un tort, parce qu’on voit bien qu’il y a des choses à travailler également chez les hommes. Ça devrait être plus répandu et moins tabou, c’est dommage. Le mental ça reste quelque chose de pas encore assez admis, avec beaucoup de stéréotypes.”

Par Benjamin Blériot