Jérôme, comment es-tu venu au cyclisme ?
Grâce à mon père en 1997. Il était coureur 1ère et 2ème catégorie au CR4C dans les années 80. Venant d’une famille de sportifs, et après avoir fait du basket et de l’équitation, j’ai voulu découvrir le cyclisme. J’ai commencé à l’EC Charlieu jusqu’en Junior 1, puis ensuite je suis allé à Cours-la-Ville Cyclisme pour mes années de Junior 2 et Espoir 1. Et en 2006 j’ai intégré le CR4C Roanne.

Tu as fini 14ème du Tour du Gévaudan et premier amateur en septembre. Quel bilan tires-tu de cette confrontation avec les pros sur des circuits montagneux ?
Le Tour du Gévaudan était mon dernier objectif de la saison 2012. Depuis plusieurs saisons je fais de bons résultats sur les courses par étapes. Je savais que le parcours de cette épreuve me convenait mieux que des courses plates. Je voulais me montrer et prouver, aux autres et à moi-même, que j’étais capable de réaliser un résultat avec les pros. Je voulais faire quelque chose de mieux, sur une étape ou au général, mais c’est comme ça. De toute façon je ne suis jamais satisfait de moi !

Tu as terminé 8ème de la dernière étape. Que ressent-on lorsqu’on bataille à l’avant avec les pros ?
J’étais un peu déçu de ne pas avoir suivi les meilleurs le premier jour, donc j’étais motivé pour le dimanche. Ensuite, une fois que j’étais échappé, je ne me suis pas posé de questions. Il fallait prendre un maximum d’avance sur le peloton. Dans l’échappée il y avait pas mal de coureurs avec qui je courais en amateur ces dernières années donc c’était sympa.

Cette saison, tu as fait preuve de régularité sur de belles épreuves amateurs, notamment victorieux du Tour du Piémont Pyrénéen. Tu as franchi un palier physique et pris de l’assurance ?
Je pense que physiquement j’étais un peu mieux que les années passées mais sans pour autant avoir changé quelque chose dans mon entraînement. Si on regarde mes résultats passés, j’ai fait pas mal de Tops 10. Cette année j’ai plus gagné peut-être parce que j’ai pris confiance en moi et en mes capacités. Benoît Luminet me dit souvent d’être plus méchant sur le vélo et de prendre davantage confiance en moi. J’ai beaucoup appris en courant avec lui ces dernières années et je le remercie.

L’arrêt de Benoît Luminet t’a propulsé chef de file du CR4C Roanne, un des meilleurs clubs français. Comment s’est déroulée ta saison avec ces nouvelles responsabilités ?
J’avais un peu plus de responsabilités mais il y avait avec moi François Lamiraud et Renaud Pioline, qui ont aussi apporté beaucoup de leur expérience. J’ai essayé de faire passer mon expérience des courses aux plus jeunes, de les aider en course et bien sûr de faire un maximum de résultats pour le club. Un peu ce que faisait Benoît mais à mon niveau.

Tu désires toujours passer pro or tu as souligné certaines remarques des équipes professionnelles quant à ton âge et à ta maturité physique tardive… Explique-nous !
Quand on court à ce niveau, on espère passer pro. On m’a dit par le passé que je ne gagnais pas assez de courses. En 2010 j’ai réalisé une bonne saison avec entre autres ma victoire au Tour du Nivernais Morvan. En 2011, j’ai réalisé une saison un peu moins riche en victoires mais avec de nombreux Tops 10. Certaines équipes pros m’ont fait comprendre que je ne correspondais pas à leur profil de coureurs. Cette année j’ai dix victoires dans un peu tous les registres. Et là on me dit qu’à 26 ans je suis un peu vieux. Donc j’ai du mal à comprendre. Je pense que le système pro est assez particulier, je ne suis pas le seul coureur de cet âge à rester sur la sellette. Il y a des coureurs comme Arthur Vichot, Thibaut Pinot, Arnaud Démare, Warren Barguil, qui ont un gros potentiel et qui chez les pros marchent tout de suite. Et puis il y a des coureurs qui ont une maturité physique plus tardive mais pour eux c’est plus difficile de passer pro.

Ne penses-tu pas que faire une carrière en tant que leader chez les amateurs est plus intéressant et moins aléatoire ?
Je critique un peu le système mais il est vrai qu’avec la crise il devient de plus en plus difficile de trouver l’argent pour les équipes. L’arrêt d’équipes pros entraîne des coureurs sur le marché et je pense que pour les équipes il est plus simple de faire signer un coureur expérimenté qui connaît les courses plutôt qu’un néo-pro à qui on doit tout apprendre. Dans mon cas, je ne vois pas de problème à faire une carrière amateur. Je prends du plaisir à faire le programme de courses et apporter mon expérience aux plus jeunes. Mais j’aurais voulu faire au moins un an chez les pros pour voir si j’avais le niveau et pour mon expérience personnel.

En cette intersaison, de nombreuses mutations sont annoncées au sein du CR4C avec le départ de coureurs expérimentés et l’intégration en DN1 de jeunes issus des rangs Juniors. C’est un changement de générations, une nouvelle politique sportive ?
Je pense que ce choix découle de la politique de la fédération française qui, depuis plusieurs saisons, mène une politique contre les anciens coureurs. Le meilleur exemple, ce sont les Coupes de France, qui n’autorisent que deux coureurs de plus de 26 ans par équipe. Le cyclisme est un des seuls sport à être sectaire sur l’âge. Ensuite l’intégration des deux jeunes Juniors est une bonne chose pour le club qui peut ainsi penser à l’avenir. Je pense qu’il faut des jeunes mais aussi des « vieux » qui peuvent aider les jeunes à progresser grâce à leur expérience. N’ayant plus d’oreillette, certains jeunes coureurs ont besoin d’être guidés en course. Pour ma part, j’ai vraiment progressé aux côtés de Benoît Luminet, Loïc Herbreteau ou Guillaume Lejeune.

Niveau entraînement, bénéficies-tu du suivi d’un entraîneur ?
Non je n’ai pas d’entraîneur, je planifie moi-même mes entraînements. On va dire que je m’entraîne plus aux sensations. Au fil des années j’ai appris à me connaître, à savoir ce que je devais faire pour être performant. En début de saison je me sers du capteur de puissance que le CR4C Roanne met à disposition des coureurs. Ensuite je le laisse aux plus jeunes qui eux fonctionnent avec Vincent Garin et avec le capteur de puissance.

As-tu des nouvelles de ton jeune équipier David Menut après sa sévère chute à l’entraînement ?
David est tombé au printemps mais il s’est bien remis de ses blessures. Il a déjà repris les cyclo-cross et a déjà levé les bras. Il a fait une bonne saison sur route et s’il récupère bien cette saison je pense qu’elle lui sera bénéfique pour sa saison de cross.

Passer pro, c’est un rêve de gamin que tu essaies de concrétiser ?
Bien sûr que de passer pro est un rêve de gamin et que je me donne les moyens de le réaliser mais ce n’est pas une fin en soi. Si je ne passe pas pro je ne dirai pas « j’ai raté ma vie ». Je pense que je passe de très bons moments en amateur. Il y a des choses plus graves dans la vie.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Trauchessec le 10 octobre 2012.