Tout au long du Tour de France, des personnalités du cyclisme reviennent avec nous sur une édition qui les a marquées, un moment fort qu’elles ont vécu de près ou de loin.

Claire, depuis quand occupez-vous la fonction d’ardoisière sur le Tour ?
Je suis sur le Tour de France depuis 2010, c’est donc mon septième Tour de France cette année. Je suis arrivée sur le Tour parce que j’étais cycliste depuis mes 12 ans. Puis, j’ai levé le pied mais j’ai voulu rester dans l’environnement du vélo. De façon naturelle, on pense au Tour de France mais je n’arrivais pas à faire ma place dans la caravane ou en tant qu’hôtesse. A l’occasion d’une visite de Christian Prudhomme pour une conférence à Vannes, j’ai été à sa rencontre et je lui ai présenté ma candidature avec curriculum vitae et lettre de motivation en lui demandant son soutien vis-à-vis de mes difficultés à rentrer sur le Tour de France.

Quels sont vos premiers souvenirs de Tour de France ?
Mon tout premier souvenir date d’il y a très longtemps. J’étais trop petite pour me rappeler la date mais j’avais loupé une journée d’école pour aller voir le Tour. J’étais sur une arrivée à Vannes avec un sprint. Je ne sais même plus qui avait gagné mais j’ai souvenir d’avoir attendu des heures. J’avais eu une casquette Coca-Cola distribuée par la caravane. Mon deuxième souvenir c’est sur la côte de Cadoudal avec les mains PMU. J’étais à l’intérieur du dernier virage et, cette fois, j’avais vraiment pu apprécier. On y était à chaque fois en famille.

Quelle est l’édition qui vous a le plus marquée ?
Aucun Tour de France ne laisse indifférent mais je dirais 2013. J’ai vraiment apprécié ce centième Tour de France qui était spectaculaire sportivement. La plus belle étape que j’ai vécue était celle qui arrivait à Bagnères-de-Bigorre en 2013. Je n’avais pas vu la course passer. Ça n’arrêtait pas, il y avait toujours du mouvement et du suspense. C’est assez rare.

2013 c’est aussi le Grand Départ de Corse…
Oui, c’était un départ fabuleux. Et puis il y avait eu le bus d’Orica-GreenEdge (NDLR : le bus s’était coincé sous l’arche d’arrivée alors que les coureurs approchaient) qui était un événement tellement improbable. Je me souviens qu’on pensait à une arrivée aux 3 kilomètres. Mais moi qui étais en avance sur le peloton, j’avais vu qu’il y avait un virage à gauche et je me suis dit : « ce n’est pas possible, ils ne peuvent pas arriver là ! » Et finalement, ça s’est débloqué et tout s’est bien déroulé pour le plaisir de tout le monde. Après le super départ en Corse et Bagnères-de-Bigorre, il y a eu le contre-la-montre au Mont Saint Michel. Ce jour-là, j’étais évidemment spectatrice. Il y avait beaucoup de monde.

L’étape des Champs-Elysées est-elle quelque chose qui vous marque particulièrement ?
Même avant de faire le Tour, c’était une étape que j’appréciais moyennement. J’adore les Champs mais le défilé qui précède l’entrée sur l’avenue est très long. Ça représente 80 à 100 kilomètres où je n’ai rien à faire, où il n’y a pas de suspense. Je ne prends pas vraiment de plaisir avant les Champs. J’ai toujours des frissons en me disant que ce sont les derniers kilomètres du Tour. En 2013, l’étape partait de Versailles donc tout était beau cette fois. Tout était beau sur le Tour de France 2013. On a découvert Nairo Quintana cette année-là notamment la veille de l’arrivée finale au Semnoz. Je me souviens de son visage qui avait l’air de débarquer quand Christian Prudhomme et Bernard Hinault le félicitaient. Il était tout heureux.

Quels sont les aspects que vous aimez particulièrement dans votre fonction ?
De façon générale, ce qui me plaît beaucoup c’est de voir les coureurs mettre en place leur stratégie. C’est quelque chose de rare. Ça ne m’arrive pas souvent et tant mieux car on prend d’autant plus de plaisir. Quand je vois une équipe discuter pour mettre en place une stratégie avant de l’exécuter quelques instants plus tard, je me dis que j’ai vraiment une place privilégiée. J’aime aussi beaucoup lorsqu’un grand coureur intègre l’échappée, comme Jens Voigt pouvait le faire. J’adore aussi les contre-attaques car je vois rarement une échappée se former.

En moyenne, combien de fois montrez-vous l’écart aux coureurs sur une étape ?
Sur l’étape du Ventoux par exemple, il y avait 18 minutes d’écart entre le peloton et les échappés. Je ne pouvais leur donner les écarts que toutes les 45-50 minutes car il fallait attendre le peloton puis remonter jusqu’en tête de course. Par contre, quand il n’y a que 3 minutes d’écart, je n’arrête pas ! L’étape rêvée est celle où dans les derniers kilomètres on ne sait pas qui va gagner.

Avez-vous l’occasion de nouer le dialogue lorsqu’un coureur est seul ?
C’est en fonction du coureur. Je n’initie jamais le dialogue, c’est le coureur qui le fait. C’est toujours très rapide parce qu’on ne peut pas rester à côté du coureur pour l’abriter. J’ai par exemple échangé quelques mots avec Armindo Fonseca entre Granville et Angers car il est lui aussi Breton.

Beaucoup de gens disent qu’avec les moyens modernes du vélo, deux postes sont aujourd’hui dénués de sens : le ravitaillement et l’Ardoisière. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que c’est un complément. Je vais forcément défendre mon poste. Sportivement parlant, je pense qu’il serait intéressant de supprimer l’oreillette. L’Ardoisière serait donc beaucoup plus utile. Lorsque les coureurs viennent de s’échapper, ils n’ont pas leurs voitures. Je pense que l’Ardoisière est un confort pour les coureurs. Ils jettent toujours un coup d’œil à l’ardoise donc il n’y a pas de doute.