C’était à l’époque où les organisateurs de Grands Tours se cherchaient de nouveaux mythes. Depuis un siècle, le cyclisme tournait sur les mêmes difficultés, devenues légendaires et donc incontournables, et on hésitait à partir à la recherche de nouveautés comme le faisaient avec brio les pionniers. C’était à l’aube du XXIème siècle. Les Espagnols, dans leur désir de reconnaissance, avaient déniché l’Angliru en 1999. Les Italiens, dans cette surenchère dictée par le spectacle, avaient détrôné l’épouvantail des Asturies en découvrant le Monte Zoncolan en 2003. En deux éditions (il fut ensuite emprunté en 2006), le Monte Zoncolan a acquis ses lettres de noblesse. Et une réputation : celle de col le plus dur d’Europe. 10,1 kilomètres spectaculaires à 11,9 % avec des portions redoutables avoisinant les 22 %. Un monstre.

La grande entrée dans les Dolomites doit passer par là. Avant une pause aussi méritée qu’attendue, les coureurs doivent conclure la deuxième semaine de course par une étape présentée comme l’une des plus difficiles de ce Tour d’Italie. Elle relie Mestre au Monte Zoncolan (222 km) et comprend trois autres difficultés dans les 90 derniers kilomètres. Plus qu’hier encore, on va enfin savoir qui a les aptitudes à remporter la course rose. Celui qui domptera le Monte Zoncolan a toutes les chances de peser la semaine prochaine dans les étapes de montagne à répétition. Et dans cette course au Maillot Rose qui se précise, les sprinteurs n’ont plus leur place. On ne leur aura donné la parole qu’à de trop rares occasions durant ce Giro. Les uns après les autres, ils quittent une épreuve dont ils ne pourront plus rien tirer d’ici à l’arrivée finale dimanche prochain à Vérone. Le spectre du Monte Zoncolan les a découragés avant l’heure.

Il n’effraie pas en revanche les Français Guillaume Le Floch (Bbox Bouygues Telecom), Jérôme Pineau (Quick Step) et Ludovic Turpin (Ag2r La Mondiale), qui s’échappent dès le 18ème kilomètre en compagnie de Francesco Reda (Quick Step), Jackson Rodriguez (Androni Giocattoli) et Nico Sijmens (Cofidis). Ces six attaquants vont précéder le peloton le plus clair de la journée, portant leur avance à 14’40 » au mieux et franchissant chacun des obstacles devant avant de buter logiquement dans l’ascension finale du Monte Zoncolan. Derrière, toute la journée, ce sont à nouveau les Liquigas-Doimo qui auront assumé le poids de la course, forçant l’allure à la moindre occasion, histoire de constater les limites de certains des favoris. Des limites qui vont ensuite apparaître au grand jour dans l’interminable escalade du Monte Zoncolan.

Seul en tête, Ivan Basso est porté par une foule phénoménale dans le final de l’ascension.

S’il y en a un qui doit rattraper du temps aujourd’hui, c’est bien Ivan Basso (Liquigas-Doimo). La plupart des favoris le précèdent au classement général et le grimpeur lombard doit se découvrir s’il veut rétablir l’équilibre. Cette fois, il ne pourra pas s’appuyer sur Vincenzo Nibali, émoussé par ses prouesses de la veille et qui s’efface à 7 kilomètres de l’arrivée, sur une accélération de ses compères du Monte Grappa. A l’exception de Nibali, on retrouve donc en tête les mêmes Cadel Evans (BMC Racing Team), Michele Scarponi (Androni Giocattoli) et donc Ivan Basso ! Derrière, la rudesse de la pente sème les concurrents ici et là. Mais les meilleurs ressortent du lot. Damiano Cunego (Lampre-Farnese Vini), Alexandre Vinokourov (Astana) et Carlos Sastre (Cervélo TestTeam) sont esseulés dans leur poursuite du trio de tête. Ils font partie des meilleurs mais ne peuvent lutter contre un écart qui s’accroît au fil de la montée.

Ivan Basso tient son destin entre les mains. Prenant alors ses responsabilités, il impose son rythme au groupe de tête et fait céder Michele Scarponi à 6 kilomètres du but. Cadel Evans s’accroche mais il doit fréquemment se relancer en danseuse pour tâcher de survivre dans la roue de Basso. Les deux adversaires grimpent dans deux styles diamétralement opposés. Ivan Basso assis, les mains en haut du cintre et le buste relevé. Cadel Evans affaissé sur un guidon qu’il tient par les cocottes, en danseuse, un coup à droite, un coup à gauche. A l’évidence, le maintien en tête de course de Cadel Evans ne tient plus qu’à un fil. Et à 3700 mètres d’un sommet qui paraît inatteignable, un relais appuyé d’Ivan Basso finit par faire craquer le champion du monde. Le grimpeur italien dicte sa loi et s’envole vers une sensationnelle victoire au Zoncolan.

Dans les derniers kilomètres, Ivan Basso déchaîne la passion des tifosi. C’est une foule gigantesque qui a envahi le sommet (on parle de 150000 spectateurs). Et à la sortie des longs tunnels qui marquent le dernier kilomètre d’ascension, le grimpeur de la Liquigas est accueilli dans une furie démentielle, comme le sont les joueurs entrant dans un stade à la sortie des vestiaires. Le Monte Zoncolan vibre au rythme des coups de pédales d’Ivan Basso, qui entre dans la légende du col en s’adjugeant l’étape. Et les écarts creusés sont importants. En 3700 mètres, Cadel Evans a cédé 1’19 ». Michele Scarponi termine à 1’30 ». Suivent Damiano Cunego à 1’58 », Alexandre Vinokourov à 2’26 », Carlos Sastre à 2’44 », Vinceno Nibali à 3’07″… Et si David Arroyo (Caisse d’Epargne) s’accroche à son Maillot Rose, Ivan Basso effectue une vraie remontée au général. Le voilà désormais 3ème à 3’33 » et devant l’ensemble des favoris.

Demain lundi, c’est enfin le repos. Mardi, la course se poursuivra par le contre-la-montre en altitude du Plan de Corones (12,9 km).
Toutes les photos du Giro.

Classement 15ème étape :

1. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Doimo) les 222 km en 6h21’58 »
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 1’19 »
3. Michele Scarponi (ITA, Androni Giocattoli) à 1’30 »
4. Damiano Cunego (ITA, Lampre-Farnese Vini) à 1’58 »
5. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana) à 2’26 »
6. Carlos Sastre (ESP, Cervélo TestTeam) à 2’44 »
7. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Doimo) à 3’07 »
8. Marco Pinotti (ITA, Team HTC-Columbia) à 3’20 »
9. Daniel Martin (IRL, Garmin-Transitions) à 3’31 »
10  John Gadret (FRA, Ag2r La Mondiale) à 3’46 »
Classement complet

Classement général :

1. David Arroyo (ESP, Caisse d’Epargne) en 67h48’42 »
2. Richie Porte (AUS, Team Saxo Bank) à 2’35 »
3. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Doimo) à 3’33 »
4. Carlos Sastre (ESP, Cervélo TestTeam) à 4’21 »
5. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 4’43 »
6. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana) à 5’51 »
7. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Doimo) à 6’08 »
8. Michele Scarponi (ITA, Androni Giocattoli) à 6’34 »
9. Linus Gerdemann (ALL, Team Milram) à 7’12 »
10. Robert Kiserlovski (CRO, Liquigas-Doimo) à 8’13 »
Classement complet

Classement par points :

1. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 86 pt
2. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana) 83 pt
3. Jérôme Pineau (FRA, Quick Step) 74 pt
4. Filippo Pozzato (ITA, Team Katusha) 65 pt
5. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Doimo) 64 pt
6. Damiano Cunego (ITA, Lampre-Farnese Vini) 59 pt
7. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Doimo) 58 pt
8. Gregory Henderson (NZL, Team Sky) 55 pt
9. Michele Scarponi (ITA, Androni Giocattoli) 52 pt
10. Robert Forster (ALL, Team Milram) 47 pt

Classement de la montagne :

1. Matthew Lloyd (AUS, Omega Pharma-Lotto) 29 pt
2. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Doimo) 25 pt
3. Ludovic Turpin (FRA, Ag2r La Mondiale) 20 pt
4. Xavier Tondo (ESP, Cervelo TestTeam) 16 pt
5. Rubens Bertogliati (SUI, Androni Giocattoli) 16 pt
6. Michele Scarponi (ITA, Androni Giocattoli) 15 pt
7. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 15 pt
8. Chris-Anker Sörensen (DAN, Team Saxo Bank) 15 pt
9. Jan Bakelandts (BEL, Omega Pharma-Lotto) 10 pt
10. Jérôme Pineau (FRA, Quick Step) 10 pt

Classement des jeunes :

1. Richie Porte (AUS, Team Saxo Bank) en 67h51’17 »
2. Robert Kiserlovski (CRO, Liquigas-Doimo) à 5’38 »
3. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) à 12’00 »
4. Dario Cataldo (ITA, Quick Step) à 12’10 »
5. Valerio Agnoli (ITA, Liquigas-Doimo) à 21’07 »
6. Francis De Greef (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 21’58 »
7. Jan Bakelandts (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 33’55 »
8. Steven Kruijswijk (PBS, Rabobank) à 38’13 »
9. Rigoberto Uran (COL, Caisse d’Epargne) à 48’11 »
10. Branislau Samoilau (BLR, Quick Step) à 58’04 »

Classement par équipes :

1. Liquigas-Doimo (ITA) en 202h19’46 »
2. Rabobank (PBS) à 11’50 »
3. Omega Pharma-Lotto (BEL) à 27’07 »
4. Caisse d’Epargne (ESP) à 37’48 »
5. Team Saxo Bank (DAN) à 38’27 »
6. Ag2r La Mondiale (FRA) à 38’50 »
7. Team Katusha (RUS) à 44’10 »
8. Team Sky (GBR) à 54’50 »
9. Cervélo TestTeam (SUI) à 57’06 »
10. Androni Giocattoli (ITA) à 1h13’13 »