Christophe, à la fin de votre carrière en 2005, quelles pistes de reconversion s’offraient à vous ?
J’avais déjà réfléchi au sujet. Je voulais initialement monter un magasin de vélos. C’était ma première idée mais après avoir étudié le projet je me suis rendu compte des difficultés qui se présageaient, avec la concurrence d’Internet notamment. J’avais en outre tellement donné dans le vélo que j’en étais un peu saturé. J’ai alors abandonné ce projet pour faire carrément autre chose. J’ai monté une entreprise de services à la personne. J’ai développé mon entreprise mais je ne m’y épanouissais pas finalement. Le vélo me manquait, alors j’ai décidé d’y revenir.

Sous quelle forme ?
J’ai d’abord profité d’opportunités qui m’ont permis de travailler dans différents magasins de cycles. En parallèle, j’ai passé mon Brevet d’Etat dans une promotion qui réunissait Frédéric Guesdon, Stéphane Goubert, Hervé Duclos-Lassalle… Depuis, je travaille dans l’encadrement de l’AC Lyon Vaise et je réalise depuis trois ans du coaching sportif avec WTS à l’attention des coursiers et des cyclosportifs. Je fais de l’entraînement à distance. J’interviens en outre ponctuellement dans des stages.

Quels types d’athlètes ont recours à vos programmes d’entraînement à distance ?
Il y a des sportifs que je suis à l’année, d’autres qui ont un objectif ponctuel comme faire l’Etape du Tour ou la Haute Route et qui prennent conscience, trois mois avant, qu’ils sont un peu justes, ce pourquoi j’interviens dans le cadre d’un entraînement plus structuré. Le nombre d’athlètes que j’entraîne varie selon les saisons. L’hiver, j’ai six ou sept sportifs. L’été, avec les cyclosportifs, je peux en gérer quinze à vingt. Je travaille beaucoup par email et par téléphone avec ceux qui évoluent à l’autre bout de la France. Ceux qui sont dans ma région, souvent je les rencontre et je vais rouler de temps en temps avec eux. La relation est plus proche quand nous sommes voisins, mais nous trouvons toujours des solutions pour pouvoir les faire progresser et atteindre leurs objectifs.

Vous devez encadrer des athlètes de tous niveaux, comment fonctionnez-vous ?
Je propose un suivi personnalisé. Je fais d’abord le point avec le sportif, le temps qu’il a à consacrer à l’entraînement, ses contraintes familiales et professionnelles, son passé athlétique, son objectif. A partir de là j’essaie d’optimiser au mieux son entraînement. Certains ne peuvent s’entraîner qu’une fois sur route, une fois sur home-trainer dans la semaine. Je vais donc essayer de trouver les exercices qui leur permettront de progresser malgré tout. Humainement, c’est intéressant. On embarque dans la même galère pour aller ensemble vers l’objectif. Ça crée des liens.

Vous avez côtoyé le très haut niveau pendant huit ans. N’est-il pas difficile de transmettre son savoir à des coureurs de niveau inférieur ?
C’était ma crainte au début, c’est vrai. Mais j’encadre des jeunes dont l’objectif est de passer professionnel. Etant moi-même passé par là, ça m’est plus facile de les conseiller. C’est un cheminement que je connais. Le monde des cyclosportifs me paraissait un peu plus difficile, mais le fait d’avoir coupé un certain temps après ma carrière m’a aidé. Maintenant que j’ai repris, je ne suis ni plus ni moins qu’un cyclosportif. Finalement c’est ce monde-là que je côtoie le plus aujourd’hui. J’ai appris à connaître le milieu, à le voir fonctionner, et à m’adapter pour pouvoir désormais gérer tous les niveaux.

Vous intéressiez-vous déjà aux techniques de l’entraînement du temps de votre carrière ?
Ça m’a toujours intéressé, oui. A mon époque, à la fin des années 90 et au début des années 2000, nous n’étions qu’aux balbutiements de ce qu’on propose aujourd’hui. Les méthodes d’entraînement étaient assez empiriques. Mais en tant que coureur, j’étais déjà dans cette démarche qui consistait à trouver des solutions pour améliorer mon entraînement. J’étais à l’écoute et je me documentais beaucoup. J’avais une sensibilité pour le sujet. Après, bien sûr, j’ai dû me former. J’ai appris beaucoup, des choses que je fais faire aux sportifs que je ne faisais pas moi-même quand j’étais pro. C’est ce qui est intéressant avec ce domaine : il évolue vite, il faut se tenir informé.

Vous évoquez des méthodes empiriques à votre époque. Ce n’est pourtant pas si vieux que cela…
Nous avions des entraîneurs mais nous n’avions pas le même suivi. Les moyens de communication, surtout, n’étaient pas les mêmes. On nous disait que faire sur quatre semaines puis nous étions livrés à nous-mêmes. On nous donnait quelques bases mais c’était à nous de prendre du recul et d’analyser ce que nous faisions. Aujourd’hui, même avec un cyclosportif, je peux me connecter sur Internet et voir ce qu’il a fait. Je reste impressionné par cette évolution depuis la fin de ma carrière. Le cyclisme s’est professionnalisé de façon incroyable ces dix dernières années.

Quel est l’outil nouveau qui vous épate le plus ?
Pour moi, c’est le capteur de puissance et l’utilisation qui en est faite. Aujourd’hui il est vraiment optimisé à l’entraînement. En course, on voit aussi les champions les yeux rivés sur leur capteur de puissance afin d’optimiser à 100 % leurs capacités. Après, on peut trouver cela un peu dommage pour le côté fou du vélo. Les courses sont un peu plus stéréotypées, mais ça fait partie de l’évolution du cyclisme.

Avec votre recul, comment analysez-vous l’entraînement qui était le vôtre il y a dix-quinze ans ?
L’entraînement, ça a toujours été mon point fort. Le mien, je m’en rends compte aujourd’hui, était loin d’être parfait, mais bien que j’aurais pu faire beaucoup mieux je faisais partie de ceux qui avaient un peu d’avance sur les autres dans ce domaine.

Dans ce monde de l’entraînement en perpétuelle évolution, comment restez-vous à la page ?
J’essaie de lire tout ce qui se dit sur Internet, d’être le plus ouvert possible. Par exemple j’ai un copain entraîneur à Taïwan, où des choses se développent. Nous échangeons sur Skype. Le cyclisme asiatique n’est pas encore un modèle mais ils ont néanmoins des choses intéressantes. J’essaie d’échanger avec d’autres entraîneurs. C’est aussi le principe de WTS, un réseau à travers lequel plusieurs sports sont représentés. Nous essayons de mettre des choses en commun, de voir ce qui est transposable d’une discipline à l’autre, d’évaluer les intérêts que ça représente. Ça nous permet d’aller de plus en plus loin et de rattraper le retard du vélo en la matière.

Avez-vous un modèle en matière d’entraînement ?
Je m’inspire beaucoup de Frédéric Grappe. Je n’ai jamais travaillé avec lui en tant que coureur mais c’est ce qui se rapprochait le plus de ce que je faisais. Je me suis beaucoup formé avec ses ouvrages. C’est ma base. Et j’essaie de piocher ou bien dans le réseau WTS, ou bien auprès de copains entraîneurs.

Votre passé de coureur vous donne-t-il du crédit auprès des sportifs que vous encadrez ?
J’ai l’impression que ça m’ouvre des portes, mais seul le résultat compte. Avoir été coureur ne suffit pas. Il faut que derrière je sois capable de proposer un entraînement adapté. Maintenant, ça me crédibilise forcément auprès des jeunes de l’AC Lyon Vaise, qui savent que j’ai fait le Tour de France. Quand je leur donne un conseil, ils vont l’écouter.

Le cyclosport est une discipline qui tend à se structurer avec la création de teams, des athlètes qui suivent des programmes d’entraînement. Qu’en pensez-vous ?
Les cyclosportifs ont un très bon niveau. Aujourd’hui, celui qui veut se faire plaisir sur une cyclo est obligé de passer par un entraînement assez structuré. Quelqu’un qui roulait assez régulièrement il y a dix ans pouvait se faire plaisir sur une cyclo sans travailler spécifiquement. Désormais les cyclos s’entraînent de manière qualitative.

Et vous, en quoi consiste désormais votre pratique du cyclisme ?
Je roule toujours avec l’AC Lyon Vaise. J’ai envie d’être sur le vélo avec eux, c’est plus facile pour donner des conseils et mieux sentir les choses. Je fais 7000/8000 kilomètres par an sur mon Focus. Je fais deux ou trois cyclos dans l’année, des épreuves de cœur comme la Bisou, dont j’ai été parrain par le passé, les 3 Cols par chez moi, mais toujours sans objectif sportif. Je roule souvent avec un copain, pour me faire plaisir, mais plus dans la démarche d’aller chercher un résultat.

Dans notre prochain épisode, découvrez quel spécialiste des prologues du Tour de France s’est destiné au jardinage après avoir mis un terme à sa carrière en 1996. Rendez-vous le jeudi 10 avril.