Toutes les deux semaines, notre spécialiste répond aux questions que vous vous posez. Entraînement, santé, suivi, préparation… Vous pouvez poser toutes vos questions sur le forum Entraînement/Santé ou par email à infos@velotraining.net. Cette semaine, nous ouvrons un dossier spécial sur les dents de sagesse.

Chacun sait l’importance de l’hygiène buccodentaire et de la prévention pour le sportif d’endurance. La fréquence d’ingestion de sucre entre les repas est le facteur prédisposant au développement de la carie. Une visite biannuelle chez le dentiste doit éviter les problèmes pendant la période de compétition. Piotr Ugrumov, aujourd’hui retraité des pelotons et 2ème du Tour de France 1994, doit encore avoir en mémoire sa journée de repos à Lourdes, qu’il avait passée en partie chez le dentiste pour soigner un abcès dentaire. Le lendemain, lors de l’étape pyrénéenne de Luz-Ardiden, il arrivait à bout de forces avec cinq minutes de retard sur Miguel Indurain.

En 2010, Mark Cavendish a dû repousser sans cesse la date de sa rentrée sportive à cause de l’extraction d’une dent de sagesse pendant ses vacances au Paraguay. La plaie s’est infectée, ce qui l’a contraint à retarder sa préparation. Le Cav’ se présentait à Milan-San Remo sans réel repère. Distancé dans les capi, il ne pouvait disputer le sprint avec les Freire, Petacchi et autre Boonen.

Depuis fin juillet, Andy Schleck s’est quelque peu fait oublier. La faute à des problèmes de dents de sagesse. En effet, la dernière semaine du Tour de France, il a rencontré quelques soucis avec ses dents. Il a cru que ça allait s’arranger avec le temps. Au contraire, cela a empiré et ça s’est infecté. Il a enchaîné les rendez-vous chez le dentiste, cumulé les antibiotiques pour finalement se les faire enlever. Souhaitons-lui, maintenant qu’il est devenu sage, de gagner enfin le Tour de France.

Se rendre chez son dentiste en cours de saison pour soigner une lésion carieuse débutante n’a pas de réelle incidence sur les performances d’un athlète de haut niveau. Il n’en va pas de même de la symptomatologie exprimée par des dents de sagesse en cours d’évolution. La troisième molaire est la dernière dent à apparaître sur l’arcade entre 17 et 25 ans. La mise en place de cette dent peut se faire de façon asymptomatique mais en pratique on observe que son évolution est parfois douloureuse et dans quelques cas accompagnée d’infections comme la péricoronarite avec des complications kystiques.

On distingue la péricoronarite aigüe congestive qui est physiologique et qui survient lors de toute irruption dentaire. Elle se présente sous la forme d’une muqueuse rouge œdématiée, recouvrant une partie plus ou moins importante de la couronne de la dent. Il existe une douleur spontanée rétro molaire, une gêne à la mastication. La pression est douloureuse et peut faire s’écouler une sérosité louche et du sang. L’évolution de cette péricoronarite est variable : spontanément ou sous l’influence du traitement, elle peut régresser et disparaître en quelques semaines avec des récidives, bien souvent multiples, dont la fréquence augmente avec le temps. Elle peut également se transformer à tout moment en forme suppurée. Les douleurs sont plus intenses et entraînent une insomnie. Elle s’irradie vers le pharynx, l’amygdale, l’oreille ou la gouttière jugulo-carotidienne. Une dysphagie ainsi qu’une gêne à la mastication apparaissent, associées à un trismus modéré, lequel témoigne de la diffusion de l’infection vers les régions postérieures. En effet, la muqueuse est rouge ainsi que le pilier antérieur de l’amygdale et la pression douloureuse du capuchon fait sourdre une petite quantité de pus. L’évolution est identique à la précédente : soit vers la régression totale, beaucoup plus rare que dans la première forme, soit vers la forme chronique émaillée de multiples récidives, point de départ possible de complications infectieuses beaucoup plus graves comme les bactériémies ou les exceptionnelles septicémies.

La péricoronarite chronique se constitue progressivement suite à la forme suppurée souvent négligée. C’est un véritable abcès sous muqueuse avec une suppuration constante. Les douleurs sont moins importantes mais deviennent une gêne locale plus ou moins irradiante. Il existe souvent une fétidité de l’haleine, une gingivite traînante ou même des troubles digestifs par déglutition de pus, voir des pharyngites ou angines pouvant prendre des allures phlegmoneuses. Enfin les complications kystiques proviennent de l’infection chronique du sac péricornaire. Cela s’observe sous forme d’une image radio claire aux contours nets. Ce kyste s’insère autour du collet de la dent et peut prendre les apparences pseudo tumorale, avec résorption radiculaire et/ou déplacement des dents adjacentes.

Ce foyer infectieux chronique que représente les péricoronarites peut être à l’origine d’infections à distance au niveau ophtalmique (uvéites), rénal (glomérulonéphrite), cardiaque (endocardite). Il peut être également à l’origine de tendinites. Enfin il existe une relation entre l’infection du tractus respiratoire et accident d’évolution de la troisième molaire. Des études ont montré le caractère concomitant des épisodes infectieux, l’un des deux pouvant précéder l’autre.

Face à ce tableau clinique on comprendra que ces symptômes peuvent perturber le cours d’une saison sportive. Se pose alors l’indication d’extraction prophylactique des dents de sagesse chez les jeunes sportifs. A la lumière de ces éléments un chirurgien-dentiste posera ou non l’indication de l’extraction des dents de sagesse bien évidemment avant que la période des compétitions ne soit démarrée. L’extraction des dents de sagesse est un acte chirurgical qui peut se réaliser dans le cabinet dentaire d’un chirurgien-dentiste sous anesthésie locale ou sous anesthésie générale en milieu hospitalier.

A chaque fois que l’extraction de dent de sagesses est réalisée, un traitement médicamenteux est donné. Au premier rang, on trouve les antibiotiques qui seront prescrits pendant une semaine en général. Pour lutter contre l’inflammation c’est-à-dire le gonflement des tissus qui s’observent suite à tout acte chirurgical on utilisera des anti-inflammatoires. Soit des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) qui peuvent être utilisés sans risque de contrôle positif chez le sportif.

On peut également utiliser les anti-inflammatoires dits stéroïdiens (AIS). Il faut faire attention car l’Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD) interdit l’usage des glucocorticoïdes lorsqu’ils sont administrés par voie orale intraveineuse, intramusculaire ou rectale. Or l’usage de ces médicaments est largement utilisé lors d’extraction de dents de sagesse pour lutter contre l’œdème postopératoire. Le sportif conservera l’ordonnance réalisée par le prescripteur et observera au minimum une période de quinze jours avant de reprendre les compétitions après l’arrêt du traitement pour éviter tout contrôle positif.

Bien entendu, les médicaments pour lutter contre la douleur seront prescrits largement en fonction des besoins du patient. Pas de risques de contrôles positifs avec les antalgiques de palier 1 et 2, comme le dextrométhorphane, dextropropoxypène, dihydrocodéine, diphénoxylate, éthylmorphine, pholocodine, propoxyphène, tramadol. Attention toutefois à la codéine, qui est mal métabolisée par certains individus. Une concentration de morphine supérieure de 1 ug/l d’urine est considérée comme un résultat positif en l’absence de codéine. Temgesic, Durogesic, Moscontin, Lamaline et Dolosal sont utilisés parfois en cas d’algie rebelle. Ces médicaments figurent sur la liste des produits interdits et recherchés en compétition. La cinétique d’élimination du médicament conditionne la reprise de la compétition.

Les suites opératoires de l’avulsion des dents de sagesse s’accompagnent d’un œdème qui augmente jusqu’au troisième jour et qui rétrocède avec le traitement au bout d’une semaine. Dans quelques cas, trois ou quatre semaines après l’intervention, une cellulite post extractionnelle peut être observée et s’exprime par une tuméfaction au niveau de la joue. Elle rétrocède rapidement avec antibiothérapie.

Face aux enjeux d’une saison sportive, tout chirurgien-dentiste doit évaluer avec attention l’intérêt de conserver ou de garder les dents de sagesse de son patient. Les baisses de performances chez les jeunes sportifs sont fréquemment observées à cause de l’évolution des dents de sagesse. C’est un foyer infectieux latent qui perturbe le métabolisme de l’athlète. Même si des traitements médicaux peuvent ponctuellement régler le problème, sa gestion définitive passe souvent par l’avulsion. L’extraction des dents de sagesse est un acte chirurgical qui nécessite une convalescence de deux à trois semaines avant la reprise de compétition. La gestion de ce problème en période hivernale évite les déconvenues lorsque la saison bat son plein.

Richard Virenque, parmi les meilleurs du Tour de France en 1994, se serait sûrement passé de l’extraction d’une dent de sagesse peu de temps avant le départ de la Grande Boucle. Cela lui fit perdre trois semaines dans sa préparation. – Dr Frédéric Denis

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