Pouvez-vous nous rappeler les grandes lignes de votre carrière ? 

Alors, je suis passé pro en 1991 dans l’équipe Helvetia-La-Suisse, très connue à l’époque car il y avait des français comme Gilles Delion et Jean-Claude Leclercq, et j’ai terminé en 2004 après 14 ans de carrière et après avoir été dans 7 équipes différentes. En 2004, j’ai fini ma carrière chez Quick-Step aux côtés notamment de Richard Virenque. C’était très gratifiant pour moi de pouvoir finir ma carrière dans l’une des plus grosses formations cyclistes sur le plan international.

Globalement, j’ai eu la chance de côtoyer de très belles formations, entre Helvetia, ONCE avec Manuel Saiz pendant deux années très enrichissantes, ensuite il y a eu la période Festina où on a connu de très grands moments aux côtés de Bruno Roussel de ’95 à ’98, les trois années suivantes j’étais chez Saeco avec Mario Cipollini. De 2002 à 2003, j’étais dans l’équipe Alessio, moins connue mais qui avait toujours l’habitude d’avoir un bon programme et enfin j’ai terminé chez Quick-Step.

Au niveau de mes victoires, je pense que les plus significatives sont les deux victoires au Critérium du Dauphiné Libéré en ’93 et ’94. C’est un petit Tour de France quelque part donc il faut avoir toutes les caractéristiques d’un coureur complet. En 1998, j’ai remporté le Tour de Romandie dans ma région et le Grand Prix du Midi dans la même année. Sur le Tour de France, j’ai remporté une étape, deux 4ème places au classement général. Sur le Tour d’Espagne, j’ai également était 2ème et 3ème du classement général.

On parlait de l’année 2004 où vous avez décidé d’arrêter votre carrière, l’aviez-vous anticipé ?

Oui, en effet, je dirais que j’ai eu la chance de la prévoir un peu puisque dans ma tête, l’âge idéal de retraite c’était 34-35 ans. Après si on a la détermination suffisante, on peut aller au delà, si en revanche on commence à être cassé par son sport et par ce métier assez difficile il faut dire, là il faut savoir dire Stop.

Je savais que 2004 serait ma dernière année mais je ne vous cache pas que je ne savais pas du tout ce que j’allais faire ! Si j’avais fait un dernier Tour de France de meilleure qualité, j’aurais peut-être pu continuer mais on s’était concerté avec Richard et il souhaitait aussi arrêter à cette même période.

Début 2004, sachant que c’était ma dernière saison, j’ai pu profiter pleinement d’un départ sur Paris-Nice ou sur le Tirreno par exemple. J’ai fait ma dernière course sur le Tour du Lazio, c’était très symbolique pour moi car c’est sur cette course qu’en 1990 j’avais été stagiaire. La boucle était bouclée.

Il a fallu se replonger dans la vie de tous les jours. J’avais plusieurs contacts. Je suis parti un peu par hasard chez Craft avec mon ancien manager Marc Biver, qui est d’ailleurs toujours un peu dans le cyclisme avec BMC. A l’époque, c’est lui qui avait repris l’implantation de la marque Craft en Suisse et il m’a proposé de m’occuper de toute la partie commerciale en France. Cela a démarré comme ça.

Y a t-il eu d’autres idées de reconversion qui vous ont traversé l’esprit, type directeur sportif ?

Je dirais oui et non à la fois. Difficile de renoncer à un milieu duquel on est passionné mais j’avais aussi envie de vivre comme monsieur et madame tout le monde, en profitant d’une vie de famille, avec moins de sacrifices, en se déconnectant un peu de ce milieu. Le vélo est resté au placard plusieurs années, ce qui m’a permis de faire pleins de choses et de rencontrer pleins de nouvelles personnes. Mon but était vraiment de me stabiliser et de trouver une vraie reconversion dans la vie active.

C’est difficile de sortir de carrière si on y a jamais vraiment réfléchi. J’avais des possibilités dans les assurances mais je ne le sentais pas trop. Craft a un lien avec le cyclisme mais aussi avec le monde de la course à pieds donc cela me permettait de garder un lien avec le milieu sportif. Cela fait 13 ans que je fais ce métier maintenant, certes j’ai eu des sollicitations pour rentrer dans des directions sportives qui m’ont fait réfléchir mais je me suis dit que c’était risqué de briser cet équilibre pour une expérience de 2 ou 3 ans où soudain, tout peut s’arrêter.

J’ai quand même gardé un lien avec le cyclisme régional avec des clubs formateurs de la région et depuis l’an dernier, j’organise un cyclo cross international C1.

On dit souvent que les valeurs du sport se retrouvent dans les valeurs de l’entreprise. Retrouvez-vous certaines similitudes entres les valeurs d’une équipe comme celle de Bruno Roussel et celles de l’équipe Craft dans laquelle vous œuvrez actuellement ?

Oui, je pense qu’il y a beaucoup de similitudes, finalement, c’est la même chose ! Il y a des objectifs à atteindre, il y a une hiérarchie à respecter, il y a aussi bien des leaders que des porteurs d’eau. Il faut de tout pour composer une équipe et pour composer une société. Ce qui est difficile, c’est d’arriver à installer un véritable esprit d’équipe qui conduit à de bons résultats et à des performances. De nombreux parallèles sont possibles entre le fonctionnement d’une équipe cycliste et celui d’une entreprise. Le sportif de haut niveau acquiert ces compétences tout au long de sa carrière ce qui peut lui permettre d’être quelqu’un de redoutable dans la vie de tous les jours.

Désormais, on parle de textiles intelligents qui peuvent aller aussi bien de -15 degrés à +40 degrés. Pensez-vous pouvoir apporter encore une contribution efficace à Craft sachant que les jeunes générations de cyclistes sont différentes de la vôtre ?

C’est vrai que ces dernières années, il y a eu une énorme évolution dans les matériaux utilisés et dans les technologies textiles: des tissus très proches du corps pour épouser au mieux les mouvements, des matériaux plus respirants et performants… Je donne mon point de vue et mon retour sur les produits en tant qu’ancien cycliste de haut niveau, mais savoir à quel point mon point de vue va être pris en compte, c’est difficile à dire …

A votre époque, quel était selon vous le principal défaut des textiles proposés par vos partenaires ?

Je dirais qu’à l’époque, les cuissards n’étaient pas aussi performants que maintenant. Désormais, ils sont souples et très confortables pour plusieurs heures. Au niveau des maillots, de gros progrès ont également été faits. Les nôtres étaient bien moins proches du corps et moins achevés. Désormais les empiècements de tissus sont faits au laser quand à notre époque ils étaient faits à la main. Toutes ces évolutions contribuent grandement au confort des cyclistes, comme la légèreté des matériaux, la respirabilité, l’étanchéité, l’isolation.

C’est la même chose pour les vélos ! On n’avait pas de changements électriques, on avait les câbles à l’extérieur des vélos et ils étaient deux kilos plus lourds. Il faut vivre et évoluer avec son temps.

Parmi les cyclistes que vous avez fréquenté, y a t-il des noms qui vous viennent à l’esprit lorsque l’on parle reconversion ?

On peut citer Richard Chassot, un cycliste moyen un peu moins connu,  mais qui a eu cette faculté à rebondir dans le business et à décrocher la tête de plusieurs organisations. Il a par exemple repris la direction du Tour de Romandie. Il est consultant pour la RTS (Radio Télévision Suisse). Il a développé sa boite qui s’appelle Chassot concept. Ca, pour moi, c’est un très bon exemple de reconversion.

On peut également citer Daniel Atienza qui a subi sa fin de carrière puisqu’il n’avait pas décidé d’arrêter. Il a fait carrière dans les assurances, maintenant il a un team à gérer.

Si on regarde des gars comme Richard Virenque, lui il peut plus facilement surfer sur la vague médiatique avec sa notoriété, multiplier les casquettes et en avoir un retour très intéressant.

A l’heure actuelle, les cyclistes surfent justement sur la vague médiatique grâce aux réseaux sociaux, autant de possibilités mais autant de dangers que vous n’avez pas connu. Auriez-vous aimé être cycliste professionnel en 2017 ?

Les Digital Medias font partie à part entière de l’évolution de notre société et on ne peut plus se passer de Facebook, Twitter ou Instagram. C’est un nouveau mode de communication par lequel on peut partager une information très rapidement. Il faut se méfier car parfois on peut publier sur le coup de l’émotion et regretter par la suite. Il faut être vigilant quand on a une image à défendre et qu’on est salarié, tout peut aller très vite. C’est devenu comme une drogue un peu. Quand on voit des groupes de jeunes à table ensemble mais tous sur leur Smartphone, il n’y a plus de communication réelle. Le côté négatif de tout ça c’est que les moments de partage et d’échange sont un peu oubliés.

 

                                                                                                                                      Mathilde Duriez, velo101