Professionnel de 1994 à 2003, vainqueur d’une étape du Tour de France au lac de Madine en 1996, Cyril Saugrain est aujourd’hui responsable du développement des partenariats techniques chez b’Twin. Un vendredi sur deux, il nous livre son analyse à travers cette chronique. Suivez également Cyril Saugrain via Twitter : @cyril_saugrain.

Cyril, la saison 2014-2015 de cyclo-cross a-t-elle marqué l’avènement d’une nouvelle génération d’athlètes ?
Oui, clairement. Au niveau international, sans dire que ce soit la fin des anciens, cette nouvelle génération marque tout de suite son territoire. Wout Van Aert et Mathieu Van Der Poel ont marqué de leur empreinte les SuperPrestige et les Bpost Bank Trofee. Un peu comme l’avait fait, sans être aussi dominateur, Lars Van Der Haar lorsqu’il avait fait ses débuts avec les Elites alors qu’il était dans sa dernière année Espoir. C’est donc l’arrivée d’une nouvelle génération même si les autres ne sont pas morts. Ils restent encore présents. Il faut voir aussi comment ces jeunes vont évoluer dans le temps avec le poids d’une saison complète à ce niveau et la gestion du rôle de leader.

Entre Wout Van Aert et Mathieu Van Der Poel, qui vous fait la plus forte impression ?
Depuis quelque temps, on suivait Mathieu Van Der Poel avec beaucoup d’attention. C’est toujours le cas, mais cette année, Wout Van Aert a épaté par son sang froid et sa maîtrise. Il est au plus haut niveau dès sa première année avec les Elites. Il s’est imposé comme une figure emblématique du cyclo-cross. Je dirais même qu’il a pris le pas psychologique sur Mathieu Van Der Poel dont on connaît le pedigree et ses ressources. Il va réagir. Il a vu arriver Wout Van Aert alors qu’il y a deux ans, il dominait outrageusement sa catégorie depuis qu’il était Junior 1. Depuis l’an passé, le Belge est en train de prendre le leadership et l’a montré lors du Championnat du Monde Espoir l’an dernier. Je reste cependant épaté par ces deux coureurs pétris de qualités. Ils sont là pour un moment… Souvenez-vous tout de même de Sven Nys qui est sur le devant de la scène Elite depuis la saison 97-98 !

Wout Van Aert et Mathieu Van Der Poel participeront au Mondial avec les Elites et renoncent définitivement à leur statut d’Espoir. Est-ce une bonne chose ? 
Ils ont tout au long de l’année découvert le niveau Elite. Ils ont même fait mieux que le découvrir, ils l’ont marqué de leur empreinte. Je pense que c’est une bonne chose de leur avoir permis de se frotter au plus haut niveau de suite. Leur permettre de choisir la catégorie dans laquelle ils souhaitent rouler est aussi une bonne chose tout comme le fait de ne plus pouvoir revenir en arrière après le Mondial. Ce qui semble logique, car courir en Elite leur apporte beaucoup sur le plan physique. S’ils avaient fait une bonne partie de la saison en Elite et fait le Mondial en Espoir, cela aurait été un vrai désavantage pour les autres Espoirs. C’est dix minutes de course supplémentaire et on connaît toute l’importance de ces dix dernières minutes en cyclo-cross. Au final, l’horizon des deux prochaines saisons s’est éclairci pour les Espoirs… et vient s’obscurcir pour les Elites. Mais c’est la loi du sport.

On connaît également les aptitudes de Mathieu Van Der Poel sur la route. Est-il amené à s’y concentrer pendant que Wout Van Aert restera focalisé sur le cyclo-cross ?
Il ne faut pas oublier que Wout Van Aert a remporté le Tour de la Province de Liège chez les Espoirs avec deux étapes en prime ! Certes son palmarès sur route est moins riche que celui de Mathieu Van Der Poel, champion du monde Junior et 10ème chez les Espoirs à Ponferrada, mais les qualités sont là. Maintenant la question est de savoir ce qu’il veut faire. Au vu de leurs palmarès, on peut penser que Van Der Poel est plus polyvalent que Van Aert. Le Belge a un palmarès plus riche cette saison en cyclo-cross, mais n’est pas si vieux et c’est en 2012-2103 qu’il commence à éclore aux yeux du grand public et de la France. Le cyclo-cross est tellement réputé en Belgique qu’aujourd’hui, un coureur comme Wout Van Aert a toute légitimité à faire carrière en cyclo-cross et y gagner sa vie, chose qui n’existe pas ailleurs. C’est ce qui peut faire que Wout Van Aert se spécialisera. Il a un avenir tout tracé dans le cyclo-cross. À l’inverse, Mathieu Van Der Poel, à l’image de son père, peut être amené à faire les deux disciplines, mais on sait que c’est plus compliqué à gérer aujourd’hui. Le meilleur exemple, c’est peut-être Zdenek Stybar. Mathieu Van Der Poel décidera-t-il d’évoluer vers ce profil-là ? Lui seul le sait. Il a toutes les cartes en main. C’est un coureur désirable et désiré.

Que manque-t-il à la génération de trentenaires incarnée par Kevin Pauwels, Tom Meeusen ou Klaas Vantornout pour prendre l’ascendant ?
Il est vrai que cette année ils ont été dominés par les excellents Espoirs que sont Mathieu Van Der Poel et Wout Van Aert. Mais ils sont restés à leur niveau. Je pense que ce sont avant tout les autres qui, par leur jeunesse, leur explosivité, ont créé la différence. Mais ceux-là restent dans le Top 5 mondial. Finalement, celui qui a le plus décliné et qui a le plus subi la saison c’est Sven Nys.

Cette saison marque-t-elle son chant du cygne ?
Il a fait un bon début de saison et très rapidement, on l’a vu décrocher et se chercher. L’âge est là aussi. Il ne faut pas oublier qu’il a pratiquement vingt ans de plus que Mathieu Van Der Poel ! Ça joue surtout dans une discipline où l’explosivité est importante. Sven Nys arrive aussi sur la fin de sa carrière. L’an dernier il avait été énorme pendant toute la saison. Cette année, on a senti qu’il a eu du mal à mettre la machine dans le sens de la marche. Même s’il s’en sort correctement, ce n’est plus le Sven Nys que l’on a pu connaître, ce qui semble logique à 38 ans.