Gilles, vous avez mis un terme à votre carrière après Paris-Tours en octobre 2001. Quel souvenir en gardez-vous ?
Ça ne reste pas un souvenir particulier car ce jour-là j’étais loin d’imaginer qu’il s’agirait de ma dernière course. Je n’étais pas dans l’optique d’arrêter ma carrière. Mais les choses ont fait que je n’ai pas retrouvé d’équipe. J’ai eu des échanges assez houleux avec Vincent Lavenu à l’époque. J’avais gagné A Travers le Morbihan et j’étais encore loin de penser, à 33 ans, que j’allais arrêter. J’étais parti pour faire encore deux ans au minimum. Mais j’ai été mis devant le fait accompli, ce qui n’a pas été facile.

La transition vers une nouvelle vie a été brutale. Comment l’avez-vous encaissée ?
Je n’ai pas eu le choix. J’ai pris cela en pleine face mais à un moment donné il faut avancer et rebondir. Ça a été compliqué durant une période. Je ne savais pas ce que j’allais faire, je ne savais pas surtout ce que j’avais envie de faire. Pour moi le vélo a toujours été un sport, une passion, néanmoins c’était devenu un métier. Quand tu as fait ça pratiquement toute ta vie et que ça s’arrête, tu t’interroges sur le métier qui te procurera le même plaisir et la même envie. Passé cette période délicate, j’ai suivi une formation, passé mon Brevet d’Etat, et suis rentré chez ASO comme pilote VIP.

Un poste qu’ASO réserve aux anciens pros…
En effet, chez ASO la règle est de prendre d’anciens coureurs pour piloter les motos ou les voitures. Ça permet de garder un pied dans le milieu, de nouer des contacts, d’avoir une opportunité dans divers domaines. J’ai commencé comme ça. Puis Christian Prudhomme est arrivé pour succéder à Jean-Marie Leblanc. Il avait besoin d’un pilote pour le conduire en course et on a fait appel à moi. C’est parti comme ça sur Paris-Roubaix 2004 puis les autres courses d’ASO. J’ai fait ça comme vacataire pendant quelques temps. Avec le Brevet d’Etat en poche, j’avais prévenu que si une opportunité se présentait dans une équipe, je n’hésiterais pas à faire le choix d’un avenir professionnel un peu plus stable. De là ASO m’a fait une proposition pour intégrer la société en tant que permanent en juin 2005.

Vous avez alors rejoint le service Compétition de Jean-François Pescheux, désormais dirigé par Thierry Gouvenou, en quoi consiste son rôle ?
Nous nous occupons, avec Thierry Gouvenou, mais aussi Jean-Michel Monnin, François Lemarchand, Franck Perque et Cédric Coutouly, du tracé des parcours de toutes les courses organisées par Amaury Sport Organisation. Nous sommes également chargés des relations avec les fédérations internationales et nationales, et les équipes.

Vous êtes ainsi à l’origine du tracé et du repérage de certaines étapes du Tour de France. Comment vous organisez-vous au sein du service Compétition ?
En parallèle du Tour, nous avons tous une épreuve dont nous nous occupons de A à Z. Suivant les disponibilités de chacun, nous nous répartissons alors le travail sur les vingt-et-une étapes du Tour de France. Nous réalisons les reconnaissances des étapes du Tour de France en septembre de l’année d’avant. Nous nous occupons en moyenne de trois à quatre étapes chacun.

Concrètement, comment cela se passe sur le terrain ?
Christian Prudhomme est l’architecte du Tour. C’est lui qui désigne les villes de départ et d’arrivée. C’est lui qui sait ce qu’il veut faire, comment il veut organiser les choses, là où il veut être au bout d’une semaine, dans quel massif montagneux il veut aller. Il donne la tendance, livre les étapes à Thierry Gouvenou. Ensuite, il nous appartient de tracer les étapes selon le cahier des charges qui nous est fixé. Nous faisons une estimation kilométrique sur carte, au bureau, puis nous partons sur le terrain en binôme avec un collègue du commissariat général, qui est responsable des déclarations administratives en préfecture. Sur le terrain, nous repérons ce qu’on peut faire ou non. Il arrive qu’on choisisse sur la carte de passer par tel endroit et que sur le terrain on s’aperçoive que la route est trop étroite ou qu’il y a trop d’aménagements. Il faut alors faire un crochet.

Vous est-il arrivé de trouver sur le terrain une difficulté qui vous avait échappée sur la carte ?
Oui, et c’est le côté super sympa et intéressant du boulot. Sur l’étape qui arrivait à Chamrousse l’an passé, le col de Palaquit était une nouveauté qui n’avait été encore jamais escaladée sur nos courses. Je sais qu’il avait été emprunté par le Critérium du Dauphiné Libéré par le passé, découvert par l’équipe de Thierry Cazeneuve. Je suis assez content d’être passé par là et de l’avoir proposé sur le Tour de France. Ce col, au bureau, n’interpellait personne. Mais quand nous y sommes passés le jour J avec le Tour, pas mal de monde a été surpris.

Ces reconnaissances se font exclusivement en voiture. Il n’y a même pas un vélo dans le coffre ?
Non ! Heureusement pour nous sans quoi il nous faudrait plus que le mois de septembre pour effectuer nos reconnaissances. Nous avons quand même un délai très court, sachant que le tracé doit être finalisé à la date de la présentation du Tour dans la deuxième quinzaine d’octobre. Ce jour-là, tous les parcours partent en préfecture. Toutes les étapes doivent être faites.

Néanmoins vous continuez à rouler aujourd’hui ?
Oui, bien sûr. J’ai toujours baigné dans le vélo, ça reste une passion. J’en fais c’est vrai beaucoup moins qu’à une certaine époque. Je choisis les jours où je vais rouler. Les conditions météos me dirigent dans mes sorties de vélo. S’il pleut, je n’y vais pas du tout. Et puis avec les courses dont on a la charge, nous avons aussi un planning chargé et pas mal de week-ends occupés. Mais quand je peux j’y vais. Ça reste ma passion.

De votre carrière, que reste-t-il dans les yeux des gens ?
On me parle souvent de mes deux titres de champion de France du contre-la-montre. Je n’ai pas gagné beaucoup de courses non plus, je n’ai pas un gros palmarès. Le peu que j’ai, ça me suffit. J’aurais signé pour ces victoires au début de ma carrière. J’en suis content et assez fier. Je suis notamment très fier d’avoir gagné le Tour Down Under en 2000, ce qui me vaut souvent d’être présenté par Christian Prudhomme comme le seul vainqueur français de cette épreuve.