Cyril, quels sont pour vous les transferts marquants du mercato au niveau international et français ?
Je pense à Sylvain Chavanel sur le plan français. On l’a toujours vu en très gros outsider sans qu’il ait un vrai statut de leader affirmé au sein de l’équipe Omega Pharma-Quick Step. Son rôle était avant tout de contrôler et durcir la course pour un coureur comme Tom Boonen, voire de profiter des opportunités, ce qu’il sait très bien faire. Désormais chez IAM Cycling je pense qu’on l’attend vraiment en tant que leader sur les classiques… A lui de supporter la pression. Pour lui, c’est un changement de statut assez important. Parmi les coureurs étrangers, le transfert de Rui Costa, signé par Lampre-Merida avant son titre de champion du monde, est un fait marquant. Quand on voit ce qu’il a pu faire cette saison, je pense que c’est l’un des transferts majeurs sur le plan international.

Ce sont des transferts qui vont peser sur le déroulement de la prochaine saison…
Oui, avec celui peut-être de Rigoberto Uran chez Omega Pharma-Quick Step. Il rejoint là l’équipe de Patrick Lefévère, qui suit de longue date ce coureur colombien… Rigoberto Uran a les qualités lui permettant de répondre présent sur des courses d’un jour mais aussi sur les Grands Tours. Il a admirablement suppléé Bradley Wiggins sur le Giro, qu’il termine en 2ème position ! Il rejoint donc l’équipe Omega Pharma-Quick Step afin de la représenter dans un secteur différent que celui dans lequel la formation belge a l’habitude d’évoluer. C’est aussi un transfert important qui va donner à Omega Pharma-Quick Step une existence différente dans les Grands Tours, sur lesquels elle était davantage présente avec un sprinteur ces derniers temps qu’avec quelqu’un capable de jouer le général.

Sur le plan collectif, quelle est l’équipe qui s’est selon vous la mieux renforcée ?
Je dirais Astana, en termes d’homogénéité d’équipe. Elle s’est renforcée de manière à jouer la gagne sur les Grands Tours et les courses les plus dures du calendrier. Les grimpeurs Franco Pellizotti, Michele Scarponi et Mikel Landa, et un super rouleur en la personne de Lieuwe Westra, ce sont des coureurs d’expérience qui viendront épauler leur leader Vincenzo Nibali dans la montagne. Pour moi c’est sans doute l’équipe qui s’est la mieux renforcée.

A supposer qu’Ag2r La Mondiale, FDJ.fr et le Team Europcar évolueront en WorldTour la saison prochaine, comment jugez-vous leur recrutement ?
Aucun grand nom ne les intègre, c’est un recrutement essentiellement franco-français destiné à se renforcer dans des domaines dans lesquels elles péchaient jusqu’alors… En tout cas c’est très clair chez Ag2r La Mondiale, qui avait une superbe équipe pour les Grands Tours mais péchait un peu sur les classiques, surtout flandriennes. Et là ils ont fait en sorte de rééquilibrer leur effectif en recrutant Sébastien Turgot et Damien Gaudin. Du coup, Europcar se déplume sans trop se déplumer, mais elle lâche tout de même deux coureurs qui la faisaient exister sur les classiques flandriennes. Toutefois les ressources de l’équipe de Bernaudeau sont multiples et son travail de formation lui permet de ne jamais être pris de court. La FDJ.fr, quant à elle, s’est attachée à recruter des jeunes avec deux néo-pros, Pierre-Henri Lecuisinier et Olivier Le Gac, deux grands espoirs du cyclisme français. On continue de préparer l’avenir et l’année 2013 a tout de même été un grand cru pour la FDJ.fr. On ne change pas une équipe qui gagne, sans oublier un coureur comme Sébastien Chavanel qui viendra épauler Nacer Bouhanni, à sa demande, dans les sprints. C’est un mercato sobre. Chacun a cherché à rééquilibrer son effectif, en s’appuyant sur les acquis et en consolidant ses points forts. Les équipes françaises travaillent avec des projets au long cours et ça commence à porter ses fruits… je suis confiant sur l’avenir de notre cyclisme.

Ça bouge aussi pas mal chez les Français à l’international : John Gadret chez Movistar, Tony Gallopin chez Lotto, Jonathan Hivert chez Belkin… Les Français sont-ils amenés à évoluer plus souvent à l’étranger dans un futur proche ?
Il n’y a que trois grosses équipes françaises, donc pas non plus de place pour tout le monde ! Je pense qu’il est aussi bon pour le cyclisme français d’être représenté ainsi dans des équipes étrangères. Quand on a des coureurs qui s’accommodent bien de l’étranger, c’est une bonne chose, c’est toujours enrichissant. C’est bien de découvrir ce qui se fait à l’étranger. Maintenant je ne pense pas que ce soit une obligation mais c’est une donne importante à prendre en compte par les jeunes coureurs. Je ne pense pas que ça devienne une tendance des années à venir, mais il est fort probable qu’il n’y ait à terme qu’une ou deux équipes françaises en WorldTour. Il est donc important que nos coureurs aient la capacité à s’expatrier. Les jeunes doivent à mon avis l’avoir en tête. Aujourd’hui ce que je note c’est que ce sont nos directeurs sportifs qui se sont expatriés… Et ce sont souvent les DS qui font venir les coureurs !

Les effectifs sont pratiquement tous bouclés, pourtant il reste nombre de coureurs, ceux d’Euskaltel-Euskadi notamment, à recaser. Samuel Sanchez et Igor Anton peuvent-ils encore trouver une équipe susceptible de répondre à leurs attentes ?
Ce sont de grands noms et des coureurs à points. Ils peuvent toujours intéresser du monde. Neuf équipes ont été officialisées dans le WorldTour pour 2014. Il reste encore neuf places en 1ère division et je pense que ces coureurs-là trouveront une place parmi ces neuf équipes en attente. Si ce n’est pas là, ils trouveront bien une équipe Continentale Pro qui cherchera à les enrôler pour les relancer vers une seconde partie de carrière. J’ai très peu d’inquiétude pour eux !