C’est un petit magasin au charme d’hier encastré dans une petite rue renfoncée de Carpentras. Un emplacement qui défie presque les lois du commerce et dont l’enseigne flanquée d’un numéro de téléphone à huit chiffres témoigne du lieu chargé d’histoire. Chez les Automne, on est marchands de cycles depuis près de soixante-dix ans et… trois générations. Lancés juste après la Guerre, le 3 mars 1946, les cycles Automne font partie des plus anciens magasins de cycles de France si l’on tient compte du fait qu’ils n’aient jamais changé ni d’adresse ni de nom ni de propriétaire !

« On m’a souvent raconté l’époque où s’est ouvert le magasin, évoque Michel Automne, qui a pris la succession de son père il y a quarante-trois ans. C’était une époque très difficile. De suite après la guerre on ne trouvait rien. Ce n’était pas seulement une question d’argent mais on ne trouvait pas de pneumatique. Mon père se déplaçait chez les grossistes sur Avignon, sur Marseille, pour trouver quelques pneus, quelques selles ou quelques pièces détachées et parvenir à dépanner ses clients. » Durant toutes ces années, Michel Automne a forcément vu défiler les concurrents et évoluer les circuits de distribution. Mais il a su préserver une clientèle fidèle pour pérenniser une boutique qui se porte bien et enregistre un chiffre d’affaires situé entre 250 et 500 000 euros.

Chaque année, ce sont environ 400 vélos qui sont vendus dans le petit magasin vauclusien. Michel Automne s’appuie sur quelques marques principales comme Lapierre et Orbea (tant sur route qu’en VTT) et Kuota. Sans orientation particulière entre un domaine ou l’autre. « Si je dois émettre un sentiment sur la plus grosse évolution du marché, je pense que l’arrivée du VTT est le plus gros boom que nous ayons connu dans les quarante dernières années car elle nous a amené une clientèle que nous n’avions pas, estime le propriétaire. Aujourd’hui nous vendons quasiment autant de vélos de route que de VTT. Nous en réparons également le même nombre à l’année. »

C’est que les cycles Automne disposent aussi d’un atelier dont Michel Automne ne cache pas l’importance. « Je ne conçois pas qu’on puisse vendre des vélos sans disposer d’un atelier, poursuit-il. L’atelier, c’est l’apprentissage de la mécanique du vélo, et on ne peut pas bien vendre un vélo si l’on n’en connaît pas les rouages. Pour conseiller un client suivant l’utilisation qu’il veut en faire, on est obligé d’avoir de fortes notions d’atelier. »

Fidèle à une belle tradition familiale, Michel Automne – et son fils Nicolas – a su s’adapter à l’air du temps sans pour autant envisager de repenser profondément son commerce. « Je souhaite rester un petit artisan afin de bien connaître les vélos et mes clients, pouvoir m’intéresser à eux. » Pas question pour autant de passer à côté d’un marché. En 2012, ce sont les ventes de Vélos à Assistance Electrique (VAE) qui ont connu la plus belle augmentation en France : +15 % pour franchir le seuil des 46 100 quantités vendues (dont 80% par des spécialistes). Michel Automne a suivi la mouvance. Avec un enthousiasme modéré. « Je suis un petit peu déçu car les ventes de VAE augmentent moins que ce que je pensais, compte tenu de ce qu’on entend à propos d’écologie et de la hausse du prix du carburant. Dans les grandes villes, il y a sans doute davantage de potentiel que dans nos campagnes. Néanmoins les ventes augmentent et progressent. »

Près de soixante-dix ans après sa création à Carpentras, le petit magasin pas comme les autres résiste encore et toujours aux envahisseurs. Au fil des ans, il a su garder sa place auprès des Grandes Surfaces Multisports mais doit aujourd’hui lutter contre la vente en ligne. « Cela fait plus de vingt ans que les grandes surfaces nous font concurrence, dit Michel Automne. Nous nous en sommes toujours sortis. En revanche Internet est un concurrent plus coriace. C’est un élément relativement nouveau et les ventes via Internet sont plus difficiles à maîtriser. Ça nous donne plus de fil à retordre. Le marché ne nous échappe pas vis-à-vis de nos clients fidèles, mais il est certain que ça n’arrangera pas les affaires des petits artisans dans le futur. »

A moins bien sûr que les petits artisans se mettent à la page… Web. Une option que n’écarte pas Michel Automne pour que sa boutique d’hier et d’aujourd’hui puisse être pérenne demain.