L’an passé, Fabio Aru (UAE Team Emirates) était attendu en chouchou du public avec le Grand Départ de Sardaigne. Mais blessé, c’est la mort dans l’âme que l’ancien d’Astana a dû renoncer à prendre part au 100ème Giro. Performant quelques semaines plus tard sur le Tour de France, avec une victoire d’étape et quelques jours en jaune, Aru doit malgré tout faire ses preuves. L’attente commence à être longue depuis sa victoire sur la Vuelta 2015. Car depuis, le Sarde n’a pas obtenu de grands résultats exceptés ses performances sur la Grande Boucle et son titre de champion d’Italie. Son arrivée chez UAE Team Emirates s’effectue pour le moment en douceur. Si sa forme semble ascendante, en attestent ses places au Tour des Alpes, il manque encore à Aru une victoire pour pleinement rassurer. C’est donc sans certitudes mais avec de l’ambition qu’il débarque en Israël, avec des rêves de rose plein les yeux.

Sur le Giro 2017, Tom Dumoulin (Team Sunweb) avait surpris son monde en remportant la 100ème édition de la course rose. Largement au-dessus de ses adversaires dans les chronos et impressionnant de résistance en montagne, le Batave a décidé de défendre son titre vendredi prochain, alors que des rêves de Tour de France pouvaient s’offrir à lui. En un an, le papillon de Maastricht s’est envolé vers d’autres succès de prestige, comme le Binck Bank Tour et le championnat du monde contre-la-montre disputé en Norvège, où il s’était permis le luxe de rattraper un certain Chris Froome, un de ses principaux adversaires sur ce Tour d’Italie. Cependant, le Néerlandais n’arrive avec aucune référence cette saison. Seulement douze jours de course, dont un abandon sur Tirenno. Mais sa 15ème place sur Liège-Bastogne-Liège annonce un retour en forme, qui sera surtout à confirmer en haute-montagne, où les autres favoris ne devraient pas attendre les derniers jours pour l’attaquer.

Chris Froome (Team Sky), en pleine affaire salbutamol, sera de la partie en Israël. Silencieux sur le sujet, le Britannique participera à son troisième Giro, après une anonyme 36ème place en 2009 et une disqualification l’année suivante. Mais ça, c’était avant. Avant qu’il n’intègre l’équipe Sky et qu’il se découvre des talents de grimpeur et d’homme de trois semaines. S’il parvenait à ramener le maillot rose à Rome, Froome serait le premier depuis Bernard Hinault à remporter successivement les trois Grands Tours. Si, bien sûr, il conserve son titre acquis sur la dernière Vuelta. Cette saison, Froome a donc avancé son premier pic de forme et a adapté son programme en participant à une course par étapes par mois. La Ruta del Sol, Tirenno-Adriatico et le Tour des Alpes, ceci lui permettant de faire quelques stages en altitude. Il n’a pas encore levé les bras en 2018, et s’il était dans le coup dans le massif alpestre il y a deux semaines, Froome semble un cran en-dessous cette saison. Et la particularité du Giro n’est pas forcément à son avantage.

Miguel Angel Lopez (Astana) aime la montagne et les ascensions raides où du punch est nécessaire pour se hisser en tête au sommet. Cela tombe bien, ces situations vont se répéter sur ce 101ème Giro et le Colombien devrait être à son aise sur les pentes du Monte Zoncolan. Sur la Vuelta l’an dernier, il avait d’ailleurs décroché deux succès d’étapes en haute-montagne. Et à seulement 24 ans, Lopez semble encore progresser de course en course. Vainqueur sur le Tour d’Oman et le Tour des Alpes cette saison, c’est donc dans la peau d’un favori qu’il abordera son premier Tour d’Italie. Plus faible dans les chronos, il devra donc abuser d’attaques tranchantes pour décrocher Froome et Dumoulin, meilleurs rouleurs. La force de son équipe sera aussi un atout, avec des coureurs comme Lutsenko, Tangert, Luis Leon Sanchez ou Hirt à ses côtés, capables de dynamiter la course quand bon leur semble.

Quatrième l’an passé, Thibaut Pinot (Groupama-FDJ) revient une deuxième fois sur le Giro avec des envies de podium, et plus si affinité. Vainqueur en costaud du récent Tour des Alpes, le Franc-Comtois semble plus serein cette saison. Il va faire une course qu’il aime, où il se sent bien, loin de la folle pression du Tour. Et ça, le natif de Melisey, skieur de fond l’hiver et amateur de grands espaces, adore. Morabito, Preidler et Reinchebach auront la lourde tâche de l’aider le plus possible en montagne. Une victoire d’étape et une place parmi les trois premiers à Rome remplirait parfaitement son contrat. Mais Pinot peut et veut viser plus haut. Il a devancé Froome et Lopez sur l’ex Tour du Trentin, se sait plus fort que Dumoulin en montagne et donne toutes les garanties pour déposer Aru dès que la route se lève. Alors pourquoi ne pas rêver d’un successeur à Laurent Fignon, dernier vainqueur tricolore en 1989. – Adrien Godard