Pour affronter la haute montagne avec un peu plus de sérénité, Bradley Wiggins (Team Sky) avait misé gros sur la première des trois semaines du Tour d’Italie. Obsédé par les épreuves chronométrées, celle par équipes sur l’île d’Ischia dimanche dernier, celle en solitaire demain vers Saltara, le rouleur londonien s’était mis en tête d’amasser le plus gros magot possible, à partir duquel il aurait alors géré son pécule en montagne. Parce que c’est bien connu, même en Angleterre, gouverner c’est prévoir. Ce que n’avait en revanche pas anticipé le champion anglais, c’est que le chrono de Saltara lui offrirait une occasion de se racheter plus que d’y établir des différences marquantes. Car le mauvais sort, une fois encore, s’est acharné sur Wiggins. S’il s’en était relativement bien tiré jusqu’alors (17 secondes concédées mardi), il a perdu gros aujourd’hui.

Poursuivant sa remontée de la botte, le peloton franchit une étape de plus entre San Salvo et Pescara (177 km). Le voilà dans les Abruzzes, sur le terrain de jeu de Tirreno-Adriatico, là où se concentrent les côtes vertigineuses qui torturent les coureurs et enflamment les tifosi. Tranchant avec l’étape d’hier, les routes planes s’effacent au profit d’un parcours en dents de scie présentent 2600 mètres de dénivelé. C’est un jour béni pour une échappée, celle que forment après 29 kilomètres Adam Hansen (Lotto-Belisol), Pim Lightart (Vacansoleil-DCM), Emanuele Sella (Androni Giocattoli), Dominique Rollin (FDJ), Ioannis Tamouridis (Euskaltel-Euskadi) et Maarten Tjallingii (Blanco). Des six, l’unique représentant italien qu’est Emanuele Sella est le mieux classé au général, à 6’52 » de Luca Paolini (Team Katusha), qui s’est mis en tête de préserver son maillot rose en affrontant cette rude étape sur le modèle d’une grande classique.

L’échappée reste ainsi sous le contrôle du peloton jusqu’à ce qu’elle n’implose d’usure dans le final d’une étape harassante. Sur les routes aux pourcentages disproportionnés qui traversent Chieti, à 32 kilomètres du but, Emanuele Sella et Adam Hansen se dégagent. Le peloton, déjà, a refait la majeure partie de son retard, mais c’est du ciel que l’échappée va trouver son salut. Les conditions climatiques se détériorent soudainement, et voilà la pluie qui reprend place en cette année 2013 franchement pourrie côté météo. Sur une chaussée rendue extrêmement glissante, Emanuele Sella tâte de l’asphalte une première fois. Prévenu, le peloton prend ses précautions. Il décide à cet instant d’aborder cette portion avec prudence, quitte à redonner du champ aux deux de tête, invités à se disputer la victoire d’étape vers Pescara.

Bradley Wiggins s’affaisse brusquement, l’orgueil du champion est touché.

Le peloton a beau avoir adopté la retenue sur les routes fuyantes des Abruzzes, la sagesse n’exclut pas la maladresse. Une succession de gadins, bien souvent l’œuvre de quelques-uns, anime les 20 derniers kilomètres. C’est un ballet artistique auquel on assiste. Des glissades à la chaîne auxquelles participe notamment Arnold Jeannesson (FDJ), la meilleure chance de réussite française dans cette édition du Giro, sans conséquence heureusement. Vincenzo Nibali (Astana) aussi va faire les frais d’un dérapage après avoir défié non sans aplomb l’audace de ses adversaires dans une descente détrempée à 10 kilomètres de l’arrivée. C’est que le Sicilien a senti certains de ses rivaux mal à l’aise sur ce terrain incontrôlable, à commencer par Bradley Wiggins, surpris par une accélération de quelques cadors dans la côte de Santa Maria de Criptis à 19 kilomètres de l’arrivée. S’il tente son va-tout, la chance aussi manque à Nibali.

Et elle manque cruellement à Bradley Wiggins cette semaine. Distancé dans la dernière côte du jour, celle de San Silvestro, à 7 kilomètres de l’arrivée, le leader des Sky s’affaisse brusquement dans la partie descendante. Cette fois, l’orgueil du champion est touché. Et il semble bien tenté de débrancher. Wiggins reprend sa route craintif, les doigts cramponnés aux freins, le bas du cuissard flottant sur sa cuisse gauche. La pluie qui lui gifle le visage ne suffit pas à sortir le Britannique de sa torpeur. Ce sont ses équipiers qui s’en chargeront, reprenant les choses en main dans les 5 derniers kilomètres pour limiter les dégâts à Pescara, que Bradley Wiggins rejoint avec 1’24 » de retard sur le peloton des favoris. En tant que tel, rien n’est perdu, mais la stratégie de départ du Londonien va devoir être entièrement remise en cause.

Hormis l’affaiblissement évident de Bradley Wiggins, lâché à la pédale, victime d’une glissade puis sur le point de renoncer dans la tête, le classement général ne subit pas de modification parmi les favoris. On y voit seulement plus clair après l’écartement de Luca Paolini, qui cède son maillot rose à l’Espagnol Beñat Intxausti (Movistar Team) avant le contre-la-montre. Si Paolini n’aura pas tenu bon, Adam Hansen l’aura fait en revanche. Dans la côte de Santa Maria de Criptis à 20 kilomètres de l’arrivée, l’Australien échappé depuis le kilomètre 29 abandonne Emanuele Sella. Il devient à cet instant le dernier rescapé de l’échappée matinale. Fort de l’avantage concédé par le peloton dans la traversée hasardeuse de Chieti, le coureur de Lotto-Belisol parvient à gérer la distance qui le sépare du plus beau jour de sa vie de coureur. A Pescara, c’est lui qui sort victorieux d’une étape à la dramaturgie très épique. Made in Giro.

Demain samedi, les spécialistes du contre-la-montre devront se refaire entre Gabicce Mare et Saltara (54,8 km).

Classement 7ème étape :

1. Adam Hansen (AUS, Lotto-Belisol) les 177 km en 4h35’49 » (38,5 km/h)
2. Enrico Battaglin (ITA, Bardiani Valvole-CSF Inox) à 1’07 »
3. Danilo Di Luca (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) m.t.
4. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) m.t.
5. Damiano Caruso (ITA, Cannondale) m.t.
6. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) m.t.
7. Stefano Pirazzi (ITA, Bardiani Valvole-CSF Inox) m.t.
8. Arnold Jeannesson (FRA, FDJ) m.t.
9. Pieter Weening (PBS, Orica-GreenEdge) m.t.
10. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Sharp) m.t.

Classement général :

1. Beñat Intxausti (ESP, Movistar Team) en 28h30’04 »
2. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) à 5 sec.
3. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Sharp) à 8 sec.
4. Damiano Caruso (ITA, Cannondale) à 10 sec.
5. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) à 13 sec.
6. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 16 sec.
7. Robert Gesink (PBS, Blanco) à 17 sec.
8. Ivan Santaromita (ITA, BMC Racing Team) à 19 sec.
9. Pieter Weening (PBS, Orica-GreenEdge) à 29 sec.
10. Robert Kiserlovski (CRO, RadioShack-Leopard) à 34 sec.

Classement par points :

1. Mark Cavendish (GBR, Omega Pharma-Quick Step) 58 pt
2. Elia Viviani (ITA, Cannondale) 52 pt
3. Enrico Battaglin (ITA, Bardiani Valvole-CSF Inox) 45 pt
4. Adam Hansen (AUS, Lotto-Belisol) 41 pt
5. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 40 pt
6. Luca Paolini (ITA, Team Katusha) 35 pt
7. Nacer Bouhanni (FRA, FDJ) 31 pt
8. John Degenkolb (ALL, Argos-Shimano) 30 pt
9. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Sharp) 30 pt
10. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) 29 pt

Classement de la montagne :

1. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) 14 pt
2. Emanuele Sella (ITA, Androni Giocattoli) 13 pt
3. Stefano Pirazzi (ITA, Bardiani Valvole-CSF Inox) 12 pt
4. Adam Hansen (AUS, Lotto-Belisol) 12 pt
5. Willem Wauters (BEL, Vacansoleil-DCM) 9 t
6. Robinson Chalapud (COL, Colombia) 9 pt
7. Danilo Di Luca (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) 5 pt
8. Manuele Boarao (ITA, Team Saxo-Tinkoff) 5 pt
9. Cameron Wurf (AUS, Cannondale) 3 pt
10. Pim Lightart (PBS, Vacansoleil-DCM) 3 pt

Classement des jeunes :

1. Rafal Majka (POL, Team Saxo-Tinkoff) en 28h31’12 »
2. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) à 7 sec.
3. Wilco Kelderman (PBS, Blanco) à 47 sec.
4. Fabio Aru (ITA, Astana) à 1’05 »
5. Enrico Battaglin (ITA, Bardiani Valvole-CSF Inox) à 1’21 »
6. Diego Rosa (ITA, Androni Giocattoli) à 2’41 »
7. Darwin Atapuma (COL, Colombia) à 2’49 »
8. Francesco-Manuel Bongiorno (ITA, Bardiani Valvole-CSF Inox) à 8’53 »
9. Stefano Locatelli (ITA, Bardiani Valvole-CSF Inox) à 8’59 »
10. Jarlinson Pantano (COL, Colombia) à 10’16 »

Classement par équipes :

1. Team Katusha (RUS) en 84h47’54 »
2. Blanco (PBS) à 19 sec.
3. Astana (KAZ) à 23 sec.
4. BMC Racing Team (USA) à 1’04 »
5. Lampre-Merida (ITA) à 1’24 »
6. Vini Fantini-Selle Italia (ITA) à 2’49 »
7. Team Sky (GBR) à 2’51 »
8. Bardiani Valvole-CSF Inox (ITA) à 3’52 »
9. Androni Giocattoli (ITA) à 4’34 »
10. Movistar Team (ESP) à 4’59 »