Cyril, la saison est en phase de reprise avec des courses qui se disputent sous les tropiques. Reprendre au soleil est-il gage d’une bonne préparation et donc d’une bonne saison  ?
Oui, en tout cas, cela permet au coureur d’évoluer dans des conditions climatiques optimales. Il est toujours préférable d’accumuler des kilomètres dans de bonnes conditions. D’abord pour ne pas user l’organisme, mais aussi pour bien le faire travailler au niveau musculaire ou cardio. Quand on est sous des températures extrêmement froides, les muscles ne réagissent pas de la même façon. On n’a pas les mêmes sensations. Le fait de pouvoir débuter la saison dans de bonnes conditions climatiques est donc important. Cela permet au coureur de faire des kilomètres sans craindre une situation désagréable, la chute, le froid, la pluie. En revanche, ce n’est pas parce que vous débutez sous la pluie que vous ferez une mauvaise saison. Mais il est toujours préférable de débuter la saison sous le soleil et les températures clémentes, que vous soyez coureur de classiques ou de Grands Tours.

Les grosses chaleurs en Australie actuellement peuvent-elles poser problème pour les participants au Tour Down Under ?
Je ne pense pas que cela ait des effets négatifs. En revanche, la forte chaleur à cette époque de l’année est plus difficilement supportable pour le coureur. Il est dans une phase de reprise de la compétition. Il va être dans des intensités qu’il n’a peut-être pas eu encore l’occasion de produire. La répétition des efforts en course fait que la chaleur n’est pas non plus idéale. Le coureur craint déjà la forte chaleur au mois de juillet sur le Tour alors quand il n’est pas dans une condition optimale, ça complique encore la donne. A prendre en compte aussi en début de saison la différence de préparation et donc le niveau des coureurs en lien avec les programmes à venir. Alors au mois de janvier, quand l’organisme européen est plutôt dans une phase de reprise de la compétition, que le corps a encore un ou deux kilos en trop, cette forte chaleur n’aide pas. Sept ou huit degrés de moins en ce moment en Australie, ce serait peut-être l’idéal. Attention aux coups de soleil et aux coups de chaud. Le moteur chauffe vite à cette époque !

En février, le Tour d’Oman a déjà fait sa place. Avec l’apparition du Tour de Dubai en plus du Tour du Qatar, cette épreuve peut-elle devenir un premier objectif pour les coureurs de Grand Tour ?
Les courses de début de saison deviennent de plus en plus importantes au calendrier. Je me souviens avoir fait les premières éditions du Tour Down Under. On était encore dans une phase de foncier. Aujourd’hui, j’ai l’impression que le niveau a encore augmenté. Les équipes sont plus conséquentes, jusqu’à trente coureurs, et elles peuvent jouer sur trois fronts. Certains coureurs sont prêts pour faire le Tour Down Under, ce qui n’était pas autant le cas quand je courais. Dans le programme de certaines équipes, cela devient un objectif. Pour revenir sur le Tour d’Oman, avec des arrivées qui creusent des écarts naturellement, certains leaders y trouvent leur confort. Ils peuvent rester au sein du peloton pendant certaines étapes et essayer de faire la différence sur des arrivées difficiles sans avoir à faire de gros efforts. Cela leur permet de peaufiner leur condition physique tout en étant aux avant-postes de cette course. Cela deviendra des courses importantes pour les grands leaders. Ils auront de plus en plus d’intérêt à y venir.

Le plateau du Tour de San Luis s’étoffe d’année en année alors qu’il est en concurrence avec le Tour Down Under. Peut-on imaginer les deux épreuves attirer deux types de public ?
Les équipes décident des programmes et elles trouvent un intérêt à aller sur ces courses. Pour les conditions climatiques, pour le profil de la course, mais peut-être aussi pour des raisons économiques. Les sponsors de ces équipes souhaitent peut-être communiquer dans ces pays. Ces courses ne peuvent exister qu’à une époque où le programme européen est encore light et où la communication est encore plus légère. Il est plus simple pour ces courses-là d’émerger à cette période de l’année. Une fois que la saison est commencée en Europe, il est beaucoup plus compliqué d’aller en Argentine ou dans le Golfe. En février le programme n’est pas encore surchargé. Deux fronts, c’est largement supportable pour les équipes et les coureurs qui ont besoin de courir. Je ne me fais aucun souci pour ces courses-là, mais j’ai plus de craintes pour le plateau des courses en France.

Il est vrai que le contexte est de plus en plus concurrentiel. Comment les épreuves françaises peuvent-elles se distinguer ?
Cela va être de plus en plus dur. Les courses du début de saison comme l’Étoile de Bessèges ou le Tour Med ont toujours eu du mal à boucler leur budget. L’organisation est compliquée. Malheureusement, la météo est encore régulièrement relativement froide. Vous avez plus de chance de rouler sous le soleil à Oman ou en Australie. Il faut que les grands leaders trouvent un contexte favorable. Aujourd’hui, ils ont du mal à se positionner sur des courses comme le Tour Med qui était la course phare au début des années 90. À cette époque tout le monde y venait. Aujourd’hui, il me semble que ce ne soit plus le cas.

Peut-on imaginer que les grands coureurs ne disputent leur première course en Europe que dans le courant du mois de mars ?
Il va falloir appréhender cette situation. Tout le monde sait que le cyclisme s’internationalise. Nous étions sur un cyclisme européen il y a encore quinze ans. Puis sont arrivés des coureurs étrangers dans les équipes, notamment venus des pays anglophones. Les pays de ces coureurs-là ont eu envie de développer le cyclisme chez eux. Oui le cyclisme européen doit se soucier de cela. Mais c’est également une bonne chose pour le cyclisme car certaines courses sont créées. Ce sont des courses qui sont à chaque fois bien organisées et on sent qu’il y a une réelle volonté de faire quelque chose de bien et de nouveau. À l’inverse, il est de plus en plus compliqué d’organiser des courses en France. Pour récupérer toutes les autorisations, on sent que l’organisateur fait parfois face à de nombreuses difficultés. On se doit de le prendre en compte.

Que doivent donc faire ces épreuves ?
Aujourd’hui en Europe, nous travaillons énormément sur du ville à ville qui monopolise énormément de personnes. Évoluer sur des circuits pour plus de visibilité pour le spectateur mais en conservant notre patrimoine ne ramènerait-il pas plus de monde ? Ce sont des réflexions que le cyclisme européen et français doit avoir pour rester attractif. Mais pour revenir au sujet initial, on pourra mettre tout l’argent que l’on veut, sur la côte méditerranéenne en janvier et en février, il ne fera jamais aussi beau qu’à Dubai ou qu’en Australie.