Professionnel de 1994 à 2003, vainqueur d’une étape du Tour de France au lac de Madine en 1996, Cyril Saugrain est aujourd’hui responsable du développement des partenariats techniques chez b’Twin. Un vendredi sur deux, il nous livre son analyse à travers cette chronique.

Cyril, si vous aviez dû établir un scénario pour l’étape d’aujourd’hui entre Tours et Saint-Amand-Montrond, l’auriez-vous imaginé comme celui-là ?
Je ne sais pas si je l’aurais écrit comme ça mais toujours est-il que j’aurais regardé automatiquement le sens du vent. C’était forcément une journée avec des bordures possibles mais ça démontre encore une fois que ce sont les coureurs qui font la course. On aurait très bien pu avoir les mêmes Omega Pharma-Quick Step faire un tempo en tête de peloton derrière l’échappée du jour et ne pas du tout profiter des circonstances et du vent de côté qui a été permanent toute la journée. On peut dire que tactiquement le scénario qu’ils ont joué est parfaitement joué.

Avez-vous été surpris par la tactique des Sky ?
J’ai surtout été surpris qu’ils ne soient pas en tête de course autour de leur leader car le vent sur les 20 derniers kilomètres en direction de Saint-Amand-Montrond était exactement le même qu’au moment où les Omega Pharma-Quick Step ont créé la bordure une centaine de kilomètres plus tôt, quand ils ont vissé. Je dirais que les Saxo-Tinkoff ont parfaitement joué le coup. Ils ont su exactement utiliser les circonstances de course, ce que n’a pas fait par exemple un coureur comme André Greipel, qui est passé par la fenêtre avec toute son équipe.

On va aborder la troisième semaine, pensez-vous que l’équipe Sky soit moins forte que celle de 2012 et que ses forces s’amenuisent au fur et à mesure de la course ?
C’est certain qu’elle est moins forte que l’an dernier. Elle l’est moins depuis le départ du Tour, on l’a vu, notamment avec les chutes de Geraint Thomas puis de Ian Stannard. En ce qui concerne Kiryienka, qui avait l’habitude de tirer de grands bouts droits, on a vu qu’il était moins costaud et il s’est retrouvé hors délai dimanche dernier. Incontestablement l’équipe est plus faible, mais surtout selon moi elle manque d’homogénéité. Je dirais que l’équipe est faible alors que Chris Froome est certainement le coureur le plus fort de ce Tour de France. La seule étape où ils nous ont contredits, c’est sur la première étape de montagne samedi dernier, où il n’y avait que deux cols. Mais dès le lendemain la réalité est revenue, qui plus est avec la malchance qui a touché Peter Kennaugh, qui est tombé.

Pensez-vous que la perte d’Edvald Boasson-Hagen hier soit une sorte de touche finale à ce scénario ?
Bien plus que la perte de Boasson-Hagen, forcément déplorable, je dirais que le maillon faible de cette équipe, c’est son unité. Chris Froome semble le plus fort mais il faudrait une équipe bien plus homogène autour de lui, qui soit à même de l’entourer dans les moments difficiles comme aujourd’hui. Cette faiblesse étant reconnue, les adversaires de Froome vont devoir en profiter. Et ce dès demain.

Dans l’étape du Ventoux dimanche, le vent dans la vallée du Rhône risque-t-il de jouer un rôle important ?
Selon moi pas du tout car soit le vent est de dos et auquel cas on va avoir une moyenne hallucinante, soit il est de face mais en aucun cas on n’aura de vent de côté propice aux bordures comme sur l’étape d’aujourd’hui. On aura vraisemblablement une échappée qui partira de loin. La question est : est-ce qu’elle accouchera du vainqueur ou pas.

Vous sentez beaucoup plus l’étape Saint-Pourçain-sur-Sioule-Lyon créatrice de danger ?
Oui. Elle va être très dangereuse. Les Movistar ont perdu le Tour aujourd’hui. Il leur faut sauver leur Tour de France et leur honneur. Qui plus est, je vois bien des seconds couteaux essayer de se replacer. On va avoir une fin de Tour très animée, à commencer par cette dernière étape de plat avant la dernière semaine de haute montagne. Les Sky vont devoir laisser partir des coups. Et des coureurs, y compris bien placés au général qui souhaitent se replacer, vont pouvoir en profiter.

Après deux semaines de course, peut-on parler de déception française ?
Je ne dirais pas déception, même si c’est vrai qu’on attendait beaucoup et qu’à ce jour il n’y a aucune victoire d’étape. Malgré tout les satisfactions sont nombreuses. On a vu Romain Bardet à l’attaque. Jean-Christophe Péraud est dans le Top 10 aujourd’hui et ne devrait pas décrocher en troisième semaine. Jérémy Roy a fait 8ème du contre-la-montre du Mont-Saint-Michel. Les Français vivent un Tour très difficile, c’est vrai, c’est une année compliquée pour eux, mais tout le monde prend de l’expérience et n’oublions pas Sylvain Chavanel et Jérôme Pineau qui entourent remarquablement Mark Cavendish et l’équipe Omega Pharma-Quick Step. Je suis malgré tout surpris et déçu pour Thomas Voeckler.

S’agissant des Europcar, ne pensez-vous pas justement que la recherche d’un repreneur par Jean-René Bernaudeau ait amené Pierre Rolland à courir le maillot à pois alors qu’il visait le général au départ du Tour ?
C’est vrai et je pense que Jean-René Bernaudeau avait d’autres coureurs pour faire ce qu’a fait Pierre Rolland, c’est-à-dire des rallyes, pas forcément de gros raids, et en particulier aller chercher le maillot à pois. C’est pour le moins compliqué, assez difficile à lire comme tactique. Maintenant qu’il a pris du retard au général, le maillot à pois est un véritable objectif pour Pierre Rolland. Même s’il va encore y avoir de la bagarre, je pense qu’on le verra en position favorable en troisième semaine et qu’il pourra ramener ce maillot à Paris.