Aujourd’hui c’est mardi. Et jusqu’au 30 juin prochain, il va falloir prendre cette habitude : qui dit mardi dit famille de l’amont, avec les organisateurs et les sponsors. Et qui dit famille de l’amont dit évidemment « les 101 qui font le cyclisme français ».

Et de rien tel pour y faire référence que de revenir aux origines de notre civilisation, en Antiquité, en peignant ici le portrait d’un véritable gaulois. Un chef d’une petite tribu bretonne qui résiste encore et encore à l’envahisseur. Armé de son courage et de sa détermination, il s’échine chaque année à maintenir son épreuve au sein de la catégorie reine du cyclisme mondial, le World Tour. Luttant pour l’obtention des droits télévisuels, se démenant pour garantir une lutte antidopage optimale, se décarcassant pour offrir aux spectateurs et téléspectateurs la plus belle course possible, il fait aujourd’hui figure de marginal dans le monde du cyclisme international, où se font désormais prédominantes les grandes sociétés d’organisation, les épreuves associées à de grandes régions dynamiques de la planète ou encore les compétitions à l’autre bout du monde.

C’est cette belle histoire, celle d’un petit organisateur alignant au fil des années sa course sur un calendrier rassemblant les courses les plus prestigieuses, que nous nous apprêtons à raconter.

 

La Bretagne Classic, cette partie émergée d’un iceberg représentant le travail herculéen de son organisateur, Jean-Yves Tranvaux, dénote effectivement dans le paysage du circuit mondial du cyclisme. Pourtant, c’est bien grâce à son maintien dans cette division d’élite qu’est le World Tour que la compétition bretonne réussit à attirer chaque été sur les routes bretonnes des grands noms de ce sport. Et à ce titre, Jean-Yves Tranvaux fait bien figure de précurseur. En effet, c’était déjà lui qui en 2004, à la tête de ce qui s’appelait encore le Grand Prix de Plouay, avait fait des pieds et des mains pour inscrire son épreuve dans le Wolrd Tour naissant, obligeant de ce fait les 18 meilleures formations mondiales à aligner systématiquement une équipe au départ. Un véritable coup de génie, digne d’un exceptionnel visionnaire, qui distingue réellement le plateau de la Bretagne Classic avec ceux des autres épreuves indépendantes françaises. L’exemple d’un Paris-Tours voyant chaque année la qualité de sa feuille de départ se réduire, victime de l’irrésistible concurrence des autres épreuves internationales, en est d’ailleurs la preuve irréfutable.

 

De plus, le palmarès de la course bretonne est à l’image du niveau de ses participants. Depuis l’apparition du World Tour, les rues de Plouay ont vu lever les bras des coureurs dotés d’immenses talents, tels Vincenzo Nibali, Edvald Boassen Hagen ou encore Elia Viviani. En outre, la diversité des nationalités figurant sur le podium depuis dix ans illustre à merveille la réussite de l’alignement de l’épreuve sur le mouvement de mondialisation du cyclisme.

En parallèle de ces succès sportifs, Jean-Yves Tranvaux n’a cessé de moderniser sa course, l’adaptant systématiquement aux normes toujours plus drastiques des institutions internationales, tout en lui offrant un visage plus télévisuel. La grande révolution eu lieu en 2015, lors d’un symbolique changement de patronyme, le Grand Prix de Plouay devenant la Bretagne Classic. Voulant ainsi représenter la transition de la renommée d’une petite ville essoufflée à une région resplendissante, l’organisateur en a profité pour modifier également la formule de course. Exit le circuit vieillissant, In une traversée de 240 kilomètres de la Bretagne, à travers ses monts et ses routes tortueuses, ses forêts et ses villages typiques, pour finalement déboucher sur un final en beauté dans les côtes jouxtant la ligne d’arrivée. Une journée nerveuse et usante se concluant par un final musclé, où les meilleurs doivent se distinguer naturellement. L’ajout de ribines dignes du Tro-Bro Léon lors des éditions suivantes a encore réhaussé cette difficulté. Et la cerise sur le gâteau : un changement constant de tracé au fil des éditions, permettant de casser la routine et d’éviter la création d’un scénario écrit à l’avance. Enfin, l’épreuve masculine se voit accompagnée d’un Grand Prix de Plouay féminin, rassemblant l’élite mondiale de la catégorie, le tout s’inscrivant dans un week-end de grandes festivités avec de multiples épreuves annexes.

Pourtant cette belle histoire d’une course grandissant au fil des entreprises de modernisation de son organisateur a bien failli prendre fin en février dernier, lors de l’annonce de l’arrêt de sa diffusion par France Télévision. Le choc est d’une violence inouïe pour Jean-Yves Tranvaux. Tant d’efforts, tant de travail pour satisfaire les exigences des institutions, des partenaires et des médias, pour voir finalement sa course être retirée du calendrier par une décision unilatérale prise dans le service des sports de la télévision publique française. L’affaire est remontée haut, très haut, jusque dans le bureau du ministre des Affaires Etrangères et Président de la Région Bretagne, Jean-Yves Le Drian. Un petit coup de fil à la direction des sports du groupe France Télévision, accompagné d’un soutien ferme du président de l’UCI, David Lappartient, et de Michel Callot, président de la FFC, et tout est arrangé. Un nouveau contrat est signé, prolongeant l’accord de diffusion jusqu’en 2020. « J’ai chialé tous les jours » confiera rétrospectivement Jean-Yves Tranvaux à Ouest France.

 

La Bretagne Classic, on l’aime ou on ne l’aime pas. On peut parfois lui trouver un certain ennui, un parcours manquant d’intérêt ou encore un plateau trop faible comparé à celui de la Vuelta ayant lieu concurremment. Mais on ne peut pas dénigrer le travail fantastique de son organisateur, Jean-Yves Tranvaux, seul homme en France à parvenir à maintenir son épreuve en World Tour aux côtés de celles organisées par ASO (Amaury Sport Organisation, organisant notamment le Tour de France ou Paris-Roubaix). Incontestablement, il fait le cyclisme français, et participe à son rayonnement international. On souhaite à ce petit gaulois de résister encore longtemps à l’envahisseur de la mondialisation du cyclisme. 

Pour aller plus loin : les précédents articles des 101 qui font le cyclisme français :
Julien Pinot : https://www.velo101.com/pros/article/les-101-qui-font-le-cyclisme-francais-julien-pinot–21627
S
téphane Solinski, directeur général de Sports 2000 : https://www.velo101.com/magazine/article/les-101-qui-font-stephane-solinski-sport-2000–21634

Par Jean-Guillaume Langrognet