Il est celui dont on entend souvent la voix dans les médias, ce nom que l’on place régulièrement avant les guillemets des citations, cet homme qui consacre l’essentiel de ses propos à commenter les performances des autres et à décrire leurs traits de caractères. Pourtant, il n’a pas sa carte de presse. Il n’est ni journaliste ni consultant. En ce mardi 29 octobre 2019, nous vous présentons une nouvelle catégorie de l’amont à travers l’un de ses acteurs majeurs : le directeur sportif, fonction formidablement exemplifiée par la personne de Julien Jurdie. Véritable porte-parole de la formation AG2R La Mondiale pour le monde médiatique, leader d’hommes aux côtés de Romain Bardet pour ses coureurs, le stéphanois s’est progressivement affirmé dans le paysage du sport cycliste français, jusqu’à y devenir incontournable. Portrait.Julien Jurdie lors d'un briefing d'avant course, sous l'oeil de Vincent LavenuJulien Jurdie lors d’un briefing d’avant course, sous l’oeil de Vincent Lavenu | © AG2R La Mondiale

Son Parcours :

Si nous connaissons surtout Julien Jurdie le directeur sportif, il y eut tout d’abord Julien Jurdie le coureur. En effet, le natif de Saint-Etienne a longtemps passé ses journées à bicyclette avant de la suivre plus confortablement dans sa voiture en compétition. Pourtant ces longues années occupées à broyer ses pédales ne lui ont jamais permis de passer le seuil du monde professionnel. Faute de chance ou de talent, Julien Jurdie n’a jamais pu rivaliser avec les grands de son sport, ni même les côtoyer au sein du même peloton. Il était cet homme qui allumait sa télévision l’après-midi après l’entraînement matinal, et se contentait de rêver devant les exploits des Indurain, Jalabert, Pantani et consorts de les rejoindre un jour, sans vraiment y croire. Cependant, s’il n’avait pas les armes suffisantes pour accéder à la sphère professionnelle, il apparaissait comme un bon amateur dans son sport, signant à quelques reprises des résultats marquants. Inscrit dans sa jeunesse aux clubs locaux de Saint-Chamond et Pélussin, Julien Jurdie est en effet parvenu à gravir progressivement les échelons des différentes catégories françaises. D’abord en division nationale 2 sous les couleurs du CR4C Roanne en 1995, sa troisième place en DN1 sur le circuit des quatre cantons lui a attiré les doux regards du VC-Lyon-Vaulx-En-Velin, autre club majeur de la région Rhône-Alpes, lui permettant d’évoluer continuellement au sein de la catégorie amateure suprême de 1996 à 1999. Il s’y illustra en remportant notamment le Grand Prix de Vence en 1999. Mais si le club fondé en 1973 lui a offert de belles années en tant que coureur, il lui a surtout permis de franchir le passage de la selle de son vélo au siège de la voiture de Directeur Sportif. Faute de pouvoir briller par lui-même, il décida de mettre sa fine lecture de la course et son intelligence au service des autres. Le succès, qu’il avait si longtemps attendu en vain lorsqu’il était coureur, vint alors.

Après quatre ans de bons et loyaux services au sein du VCV, Julien Jurdie se retrouve propulsé dans le monde professionnel en 2004 en signant un contrat avec la formation française RAGT Semences (anciennement Jean Delatour). Il retrouve alors sous ses ordres le quadruple champion de France de contre-la-montre, Eddy Seigneur, Sébastien Minard ou encore Hubert Dupont. Il participe également au Tour de France cette année-là, sans grands coups d’éclats toutefois.

Finalement, c’est en 2006 que sa carrière prend une toute autre dimension, avec sa signature au sein de l’équipe Pro-Tour AG2R Prévoyance. Il y gravit alors progressivement les échelons, dans une prise d’ampleur parallèle à celle de l’équipe. L’arrivée et l’ascension de Romain Bardet y détient d’ailleurs un rôle fondamental. Très proche de son jeune leader, Julien Jurdie aide alors le brivadois à s’affirmer parmi les meilleurs de son sport, l’emmenant jusqu’à la seconde place du Tour de France 2016, deux ans après celle de Jean-Christophe Péraud. Le point d’orgue de la jeune carrière de l’auvergnat, mais aussi celui de celle du stéphanois.

 

Son statut aujourd’hui :

Présent aux côtés de son leader dans les moments d’extase purs comme dans les instants d’immense détresse, de l’incroyable victoire à l’altiport de Peyragudes en 2016 à la terrible défaillance du Tourmalet en 2019, Julien Jurdie connaît mieux que personne les mots justes à prononcer à l’oreille du brivadois. Ange protecteur médiatique, n’hésitant pas à répondre aux sollicitations de la presse pour épargner le meilleur grimpeur du dernier Tour de France, le stéphanois s’efforce de placer continuellement de veiller à conserver le cocon mis en place autour de son leader.

Également stratège hors-pair, ce fervent supporter de l’AS Saint-Etienne est la tête pensante des rébellions des guérilleros des terres et ciels contre l’hégémonie Sky, comme lors de l’étape du Puy en Velay sur la Grande Boucle 2017, ou lors du sensationnel exploit de Romain Bardet sur la montée de Saint-Gervais-Mont-Blanc en 2016, au terme de laquelle celui-ci s’était emparé de la seconde place du classement général.

Finalement, Julien Jurdie est cet homme qui sait se montrer disponible pour ses coureurs comme pour la presse, jamais avare de conseils ou de commentaires, brillant dans ses propos par son intelligence et sa connaissance de la course. Avec Vincent Lavenu et le reste du staff d’AG2R La Mondiale, il a emmené la formation basée à Chambéry jusqu’au podium du Tour de France et jusqu’aux sommets du cyclisme français. Si Romain Bardet est aujourd’hui mondialement célèbre parmi les suiveurs pour ses exploits sur la Grande Boucle, il ne faut jamais oublier qu’il avait toujours dans ces instants de grâce cette voix de confiance qui le stimulait incessamment dans l’oreillette, celle de Julien Jurdie.

Par Jean-Guillaume Langrognet