Patrice, rappelez-nous les grandes lignes de votre carrière ?
Je suis passé professionnel en 1995 chez Festina. J’ai donc passé quatorze ans chez les pros. Je suis resté chez Festina jusqu’en 2000, pour intégrer ensuite l’équipe Jean Delatour jusqu’en 2003, et finir au Crédit Agricole jusqu’en 2008, l’année de la disparition de l’équipe. J’ai quand même eu une opportunité de continuer dans le milieu professionnel mais je manquais de motivation. Ma plus grande victoire reste celle obtenue sur le Tour de France 2002 entre Bazas et Pau. J’ai aussi gagné une étape sur le Critérium du Dauphiné en 2002, une sur le Critérium International en 2001, une étape des Quatre Jours de Dunkerque, deux Tours du Limousin (2000 et 2002) et le Regio-Tour (2001). Vingt-sept victoires au total dont la Coupe de France en 2000.

En dépit des propositions que vous avez reçues en 2008 pour continuer votre carrière vous avez donc décidé de raccrocher. Pourquoi ?
J’aurais pu continuer, c’est vrai. En premier lieu, le salaire proposé n’était pas à la hauteur de mes attentes. De plus, cette année-là, la formation Gerolsteiner arrêtait également et il y avait par conséquent beaucoup de coureurs sur le marché. Et puis, je manquais de motivation. Cela faisait déjà deux ans que je pensais à ma reconversion. L’hiver suivant l’arrêt de ma carrière, j’ai passé mon Brevet d’Etat afin de devenir directeur sportif et pour encadrer des jeunes. Malheureusement il y a beaucoup trop de demandes pour trop peu de places. Au final j’ai décidé de promouvoir ma propre marque créée en 2007 (Halgand Sports) alors que j’étais encore coureur cycliste.

Beaucoup d’anciens professionnels affirment qu’ils ont souvent la tête dans le guidon et donc peu de temps pour s’occuper de leur reconversion. Ce n’était pas votre cas ?
Non, dès 2006 je me suis posé la question du domaine dans lequel je souhaitais travailler après ma carrière. Effectivement quand on est dans le milieu on a très peu de temps pour y penser. Je voulais vraiment devenir directeur sportif, j’aime ça, j’ai le sens de la course, j’aime diriger. J’ai fait quelques demandes au sein d’équipes professionnelles mais rien n’a abouti. Mais comme je ne suis pas du genre à attendre que ça se passe, j’ai ouvert mon magasin de vêtements en rapport avec ma marque et depuis 2014 un magasin de vélo.

Votre notoriété vous a-t-elle ouvert des portes ou facilité certaines démarches ?
Je n’ai pas eu besoin de solliciter les banques pour un prêt puisque ma carrière de coureur professionnel m’avait permis de placer un peu d’argent de côté. Pour tout ce qui est personnalisation pour les clubs, c’est vrai que j’ai pu me servir de mon image, de mon nom pour véhiculer ma marque. Comme j’encadrais les jeunes en région Rhône-Alpes, j’ai pu contacter les dirigeants des clubs. J’ai aussi été président de la commission de cyclo-cross en 2010-2011 donc effectivement cela aide.

Même si vous avez arrêté votre carrière il y a presque dix ans ?
Oui c’est un plus. Il y a des gens qui viennent spécialement pour me voir. De plus, je suis quand même au magasin six jours sur sept donc les gens me rencontrent réellement. Ils peuvent me rencontrer également grâce aux cyclosportives même si je cours de moins en moins depuis deux ans. Esprit de compétition oblige, je tape toujours dedans et à vrai dire je n’ai plus vraiment la condition physique adéquate. Donc oui le nom apporte quelque chose au magasin. J’ai un mécanicien qui collabore avec moi. Lui roule principalement en VTT et moi sur route. On se complète.

Quels sont les produits que vous commercialisez avec votre marque Halgand Sports?
Je commercialise des produits de qualité, principalement en lycra et d’origine italienne. Je souhaitais vraiment faire du qualitatif à des prix abordables. Par exemple pour un cuissard, les clients payeront entre 60€ et 100€ maximum contre le double dans d’autres magasins spécialisés. Il faut savoir également que je vends en direct. Il n’ y a pas d’intermédiaire. C’est pour cela que les prix sont très abordables.

Vous ne vous appuyez pas sur un réseau de revendeurs parce que cela vous compliquerait la tâche ?
Oui, principalement à cause du stock. C’est de plus en plus dur de faire des prix de commande en magasin. On est très très prudents au niveau des stocks. De plus avec Internet les prix sont bradés au maximum et la concurrence est rude. Je suis plus pour la personnalisation en ce qui concerne le textile. Je fais quand même deux ou trois collections de temps en temps pour mon magasin et pour vendre en direct.

Vous n’avez jamais eu l’envie de mener votre après-carrière dans les médias ?
Je suis au contact des médias mais indirectement, grâce notamment à mon travail en collaboration avec Vélo Magazine pour les tests de vélo. En 2009, 2010 et 2011, j’ai fait le Tour de France avec le journal l’Equipe en tant que chauffeur. C’est surtout le temps qui me manque. J’ai fait trois Tours de France et ensuite j’ai arrêté. Maintenant, j’ai le magasin. Je ne peux pas me permettre de tout lâcher en plein mois de juillet.

Auriez-vous aimé bénéficier de formations durant votre carrière pour songer à votre reconversion ?
Aujourd’hui nous sommes de plus en plus prudents quant à la reconversion. Il y a beaucoup d’exemples de jeunes coureurs qui continuent leurs études tout en étant coureur professionnel. C’est vraiment très bien d’allier études et compétition, chose qui n’était pas vraiment possible au début de ma carrière. Une carrière peut être très courte. Malheureusement dans le sport que ce soit en vélo ou autre, une mauvaise chute, une blessure grave et la carrière s’arrête. De plus, les contrats sont éphémères, ils sont d’un ou deux ans maximum. Il faut toujours penser à sa reconversion.

Si vous étiez coureur aujourd’hui, vous seriez-vous senti à l’aise avec les sollicitations plus nombreuses et autres réseaux sociaux ?
Je suis une personne assez timide, réservée, ce qui m’a éloigné de la presse alors que je pense avoir été dans le Top 3 des meilleurs coureurs français en 2000, 2001, 2002 et même 2003 derrière Laurent Jalabert et Richard Virenque. Je ne me suis jamais mis en avant, et, avec le recul, j’aurais aimé me valoriser un petit peu plus et jouer un petit peu de cela.