Mens sana in corpore sano. Un esprit sain dans un corps sain. S’il est important pour tout club de former les jeunes au cyclisme en leur transmettant les bons réflexes sur le vélo, leur éducation scolaire est tout aussi cruciale pour plus que jamais respecter une autre maxime bien connue : avoir la tête et les jambes. Depuis 2009 pour les pionniers handballeurs, depuis mai 2012 pour les cyclistes, le lycée Condorcet de Saint-Quentin (Aisne) propose un projet unique en France, mais qui est voué à se développer. La région Picardie a été choisie pour être le laboratoire de ce programme CEE, Centre Etude Entraînement, qui permet « à des jeunes de mener en parallèle un parcours sportif et un parcours scolaire ambitieux. » C’est en tout cas par ces mots que le proviseur Giovanni Sorano résume la philosophie de ce programme.

La mise en place du projet a tout de l’accord gagnant-gagnant. Du côté du VCA Saint-Quentin, il a permis d’endiguer la fuite des talents. « Nous voyions partir énormément de jeunes vers les comités voisins, rappelle Didier Chatelin, directeur du centre de formation cyclisme. Il existait un CREPS sur Amiens qui a fermé et il y avait un vide à ce niveau-là. Suite à une discussion avec les professeurs de sport, j’ai ouvert la porte du lycée Condorcet. Il y a eu une bonne écoute de l’équipe éducative et on a pu mettre en place le projet. Établir cela dans le cadre de l’établissement était très important. Nous n’aurions pas pu créer une telle structure d’accueil sans l’appui du lycée Condorcet. Cela nous a permis de gagner cinq à six ans dans l’évolution du club. »

De son côté le lycée compte lui aussi sur ce programme et n’agit pas par pure philanthropie. « Nous voulions sortir de l’image négative que nous avions, reprend Giovanni Sorano. Nous étions classés en ZUP et avions l’image d’un lycée technique pas forcément positive. Le sport était notre deuxième axe de développement avec la multiplication d’échanges internationaux. Nous avons commencé par le handball puis le foot et le basket et à mon arrivée en remplacement de l’ancien proviseur, nous avons ouvert sur le cyclisme. »

Cela fait maintenant un an et demi que le VCA Saint-Quentin et le lycée Condorcet se sont alliés. Et les premiers bilans sont plutôt positifs. « Le cyclisme nous a apporté des élèves au profil différent. C’est-à-dire avec des éthiques sportives un peu plus poussées que ceux que l’on avait l’habitude d’accueillir pour le football ou le basket, explique le proviseur du lycée. Peut-être est-ce lié au cyclisme, mais on sent que ces jeunes sont bien inscrits dans leur parcours scolaire. Ils savent qu’ils ne vivront pas forcément de leur sport, de leur passion, même si on peut penser que certains deviendront professionnels. On sent qu’ils ont les pieds sur terre par rapport à cela. Cela nous a permis de changer notre image en accueillant un public nouveau. Il y a un retour sur investissement pour nous puisque l’on reçoit des jeunes venant d’autres régions que la Picardie, avec des élèves qui ont des résultats sportifs intéressants et qui portent le maillot du club et le logo du lycée. En parallèle, nous nous engageons à fournir les installations, en ouvrant l’internat, y compris le week-end et en mettant à disposition un local vélo, et des aménagements d’emploi du temps. »

C’est dans ces deux directions que l’établissement aide le développement des jeunes Picards. Le lycée aménage les plages horaires pour permettre aux cyclistes de s’entraîner. Le mercredi après-midi est libéré pour la grosse sortie de foncier de la semaine, tout comme le vendredi pour permettre aux élèves de rentrer chez eux ou d’enfourcher leur vélo pour une nouvelle sortie. Les fins d’après-midi du mardi et du jeudi sont elles aussi aménagées pour leur permettre de fréquenter la piste de Saint-Quentin avec un entraîneur de luxe en la personne de Francis Moreau.

L’ancien pistard est bien placé pour comprendre l’intérêt du projet puisque son fils Yoann en a lui-même profité, avant de rejoindre le CC Nogent-sur-Oise en 2014. Sous les couleurs du VCA Saint-Quentin, il a ainsi remporté le Mémorial Frank Vandenbroucke à Ploegsteert… un mercredi où il aurait dû assister à des cours de philosophie qui l’enchantent un peu moins. Cette victoire il n’aurait jamais pu la décrocher sans l’appui du lycée qui l’a autorisé à se rendre sur la compétition en le libérant de ses obligations scolaires. « J’ai fait mes deux années Juniors ici, explique le jeune homme. C’était surtout attractif pour l’aménagement des horaires. C’était aussi intéressant au niveau collectif. On se retrouve avec pas mal de cyclistes dans le même lycée. J’aurai pu faire ça ailleurs, mais c’était déjà mon lycée avant que le projet ne se mette en place. On avait aussi accès au gymnase et à la salle de musculation. C’est le top. »

Même discours chez Amandine Huygens. Crosswoman, elle a pu participer à la manche de Challenge National de Quelneuc mi-novembre. « Le lycée m’a autorisée à quitter les cours le jeudi à 15 heures. J’ai fait le déplacement en Bretagne le vendredi. J’ai pu participer au Challenge National où je me classe 24ème du scratch et je ne suis revenue que le lundi soir. Bien sûr derrière, nous devons rattraper les cours », souligne la jeune fille qui compte bien poursuivre ses études dans le monde du sport, du côté de l’encadrement.

Car comme le souligne encore Didier Chatelin « ce qui prime chez nous c’est la réussite scolaire. Dans d’autres centres, le côté sportif va être mis en avant. Nous sommes contents quand un des nôtres fait un résultat, mais ce qui compte avant tout, c’est leur éducation. Les élèves sont avant tout ici pour travailler. Ce qui est primordial, c’est donc le carnet de notes et la motivation dont l’élève peut faire preuve. On veut voir quelqu’un qui a envie de travailler. Nous avons la chance d’avoir de très bons dossiers scolaires. Pour certains c’est un choix important puisqu’ils s’expatrient à Saint-Quentin en venant de loin. Quelques élèves viennent de Verdun, de Lille, et des bords de la Normandie. En bref, de tout le grand nord. On réintègre des coureurs en Picardie. On leur permet d’avoir une formation adaptée et de pratiquer le cyclisme dans de bonnes conditions. »

On en revient à notre postulat de départ : mens sana in corpore sano. Sans avoir la prétention de se placer au même niveau qu’un pôle France, le VCA Saint-Quentin possède ainsi sa propre structure (tous les élèves bénéficiant du programme doivent être licenciés au club) qui offre un excellent niveau de prestations sportives et éducatives. Dans ses fonctions, Didier Chatelin gère le suivi des jeunes bénéficiaires du programme dans les deux dimensions. C’est ainsi qu’il s’occupe des programmes d’entraînement, du suivi médical, de la définition du programme de course international, et de la gestion de toute la logistique. Mais ce n’est pas tout. « S’il n’y avait que le sportif, cela se passerait très bien, affirme-t-il dans un franc éclat de rire. Je suis aussi le relais avec les parents. Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils quittent le domicile familial et j’ai souvent les parents pour régler les petits problèmes scolaires ou de discipline. »

En moins de deux ans d’existence, le centre de formation a déjà attiré l’attention. « Certains comités nous regardent un peu différemment. J’ai été contacté par des responsables d’une grande équipe de DN1 pour savoir comment on avait monté la structure, car ils ont l’ambition de le faire dans leur région, lâche même le directeur du centre de formation cyclisme. Même si nous sommes en dehors des centres de la fédération. »

Le succès si rapide du programme CEE pousse l’établissement à voir plus grand. Trois directions sont déjà définies. À moyen terme, l’ambition est de professionnaliser le centre, sur demande de la région, même si un diététicien a renforcé l’équipe depuis la rentrée. Le lycée a également reçu une demande de la fédération tunisienne pour accueillir certains jeunes cyclistes du pays en Picardie et pour leur permettre de découvrir le cyclisme en disputant des épreuves en Belgique. C’est même chose faite avec les arrivées de Mahdi et Mohammed Cheffy il y a peu. Autre ambition, celle d’ouvrir au cyclisme féminin. « Amandine va nous servir de vecteur par rapport au cyclisme féminin de par ses résultats scolaires et sportifs, explique Didier Chatelin. J’ai déjà des demandes d’athlètes qui pourraient intégrer le lycée non pas l’année prochaine, mais l’année suivante. » Car pour le moment, Amandine Huygens, 2ème en 2013 du prix de l’éducation, décerné par le recteur récompensant des élèves au parcours scolaire et sportif, citoyen ou associatif irréprochable, est la seule représentante féminine du centre. « On s’y habitue », soupire-t-elle le sourire en coin, mais on sent bien qu’elle voudrait que le programme se développe encore un peu plus dans cette direction. Ça tombe bien, l’établissement lui-même n’aspire qu’à cela…

L’effectif du centre de formation :

• Charles Aniskoff (Junior 2)
• Clément Boitte (Junior 1)
• Valentin Boutreux (Cadet 2)
• Mahdi Cheffy (Junior 1)
• Mohammed Cheffy (Espoir 1)
• Morgane Delie (Cadet 2)
• Raphael Garez (Junior 1)
• Dylan Guinet (Junior 1)
• Clément Groulard (Cadet 2)
• Dimitri Hopin (Cadet 2)
• Rémi Huens (Cadet 1)
• Antoine Hugot (Junior 2)
• Amandine Huygens (Junior 2)
• Nicolas Ingelaere (Junior 2)
• Florian Maitre (Junior 2)
• Erwan Massiaux (Junior 2)
• Jan Peleman (Cadet 2)
• Valentin Richard (Junior 1)
• Adrien Roserau (Cadet 2)
• Théo Sagnier (Junior 1)
• Romain Tricot (Junior 2)