Avant d’être entraîneur, Lionel Lahoun se revendique comme préparateur physique, la préparation physique étant la base de l’entraînement. « A haut niveau, le coureur cycliste se doit d’être un athlète avant d’être un cycliste » nous a t-il dit. Vous retrouverez son parcours et son expérience sur son site www.lionel-lahoun.com

En cette période d’après fêtes, il vous fait un petit topo sur l’entraînement sur Home Trainer.

« Les fêtes sont enfin passées, je peux me remettre à rouler comme il faut, et éliminer les excès. Voyons quel temps il fait demain ! Alsace, neige et verglas. De la Bretagne au Pays Basque, pluie et vent. Alpes Auvergne et Pyrénées, il neige.  Marseille, ciel dégagé, mais prévoyez 100 km/h de mistral. A Nice, sur le bord de mer, les automobilistes sont toujours aussi aimables, risque de verglas dans l’arrière pays.  Paris, il fait nuit. Si je pars rouler je vais avoir froid, me tremper, ça va glisser, je vais devoir laver le vélo, j’ai déjà le nez qui coule… Bon, je vais faire du Home Trainer, je fais quoi ? »

Et, si on voyait notre Home Trainer comme un précieux allié plutôt qu’un outil de torture ?

De manière générale le Home Trainer est l’outil précieux pour ne pas culpabiliser de ne pouvoir aller sur la route quand les éléments ne jouent pas en notre faveur (pluie, neige, verglas, froid, vent, nuit…). Chez les compétiteurs, il est aussi un outil utile pour faciliter l’échauffement avant un CLM, un cyclo-cross, une compétition sur piste, voire même un départ rapide sur une étape du Tour de France. Il permet aussi de faire un petit retour au calme après une arrivée au sommet.

Faire face aux intempéries et obligations quotidiennes

Dans la vie de tous les jours, chez un passionné de vélo, le Home Trainer peut même avoir plus d’importance que pour un professionnel du vélo.

Une séance de 30’ sur HT peut rapidement prendre tout son sens et son utilité :

–          Un petit réveil musculaire à 6h du matin avant d’aller au travail

–          Je monte sur ma monture pendant ma pause repas du midi

–          Retour à la maison à 19h, besoin de penser à autre chose et se vider d’une journée de travail ou de cours

–       Il faut garder les enfants aujourd’hui, pas le temps d’aller dehors, pourquoi pas faire une petite séance de rouleau pendant leur sieste ?

Autant d’exemples où l’on cherche à faire face aux contraintes et obligations de la vie quotidienne d’un mois de janvier.

Petit aparté : Attention quand vous regardez les posts des pros sur les réseaux sociaux. Sur leurs photos, le temps est ensoleillé, les températures sont clémentes, la chaussée est sèche, une douce brise souffle, et il est facile d’enchainer les kilomètres. Mais eux, ils sont en stage, sud de l’Espagne, Canaries, Baléares, Sicile , Croatie, Afrique du Sud, avec tout un staff et une équipe à leurs soins, pas de linge à faire, de cuisine, de vaisselle, pas d’enfants à garder, de partiels à réviser…

S’entretenir et développer ses capacités

On a vu quand utiliser notre HT, mais encore faut-il déterminer comment l’utiliser et dans quel but.

Vouloir compenser une séance de 4h de foncier sur son HT n’est pas l’idée la plus judicieuse, il faut avoir le moral solide pour s’abrutir pendant 4h de rouleau à la même cadence, toujours assis sur la selle, sans relances, et le tout dans le garage car « maman » ne veut pas subir dans le salon le bruit de la machine, la mare de transpiration et la bonne odeur qui s’en dégage… Et nous la comprenons !

La difficulté d’un entraineur qui crée une séance de HT est d’arriver à la rendre ludique, il faut donner l’impression à l’athlète que la séance passe vite, il faut le surprendre et ne pas lui laisser le temps de s’ennuyer. D’où l’importance également de varier les séances pour ne pas tomber dans la monotonie.

On est là dans une approche différente de la séance ritualisée d’échauffement avant un CLM par exemple, où le but est de faire rentrer l’athlète dans sa bulle et se concentrer sur son effort à venir (là vous seriez surpris de voir les différents modes de concentration des pros).

Privilégier les séances  courtes de 30’ à 60’ pour rentrer sur un travail plus qualitatif.

Le HT permet de travailler 2 points majeurs de l’entrainement : La technique et le physique.

La technique :

Rien de tel l’hiver que de travailler son coup de pédale, retrouver sa vélocité perdue (attention les retraités, je vous vois déjà dire qu’avec l’âge on perd en vélocité, mais on peut aussi garder une bonne vélocité à condition de la travailler et ne pas la laisser de côté, ce qui vous permettra d’aller plus loin dans l’effort par la suite), travailler le fouetté de la cheville sur le franchissement des points morts. Les rouleaux facilitent ce travail, en plus de la stabilité bien sûr.

On peut également travailler sa force musculaire (cadence faible, forte résistance, intensité plus ou moins modérée).

Pour la petite histoire, après Paris-Nice, un coureur professionnel trouvait qu’il avait perdu ses qualités de vélocité, des sensations qui se sont confirmées sur les données enregistrées en course. A partir de ce constat, nous sommes partis sur un cycle de travail afin de retrouver un coup de pédale plus fluide et dynamique. Pour y arriver, en plus des séances sur route, nous avons intégré 5 séances de 30’ de HT par semaine durant 3 semaines. Les séances étaient purement axées sur la technique, non sur le physique, et se faisaient les matins au lever (volonté du coureur de les faire à ce moment de la journée). Les bienfaits se sont vite fait ressentir, et par la suite, l’athlète a conservé, de lui-même, 2 séances de ce type par semaine tout au long de la saison…

Le physique :

Les HT se sont énormément développés ces derniers temps, le but des fabricants est de se rapprocher au maximum des sensations de la route.

On retrouve également les fameux capteurs de puissance directement intégrés, là encore attention à l’interprétation et l’analyse des données (différentes sur routes et HT). Avec ces outils, on peut rentrer sur un travail physique plus précis et ciblé.

Vous allez ainsi pouvoir développer vos potentiels et capacités de seuil anaérobie, votre PMA, votre pouvoir tampon (capacité des muscles à supporter l’acide lactique musculaire). Mais, attention si vous décidez de travailler avec la puissance de votre HT, commencez par simuler un test d’évaluation sur celui-ci (par palier de 2’ à 3’, augmenter la puissance de 25 à 30 watts, et chercher à aller au maximum de ses capacités, c’est le principe d’un test dit triangulaire fait en laboratoire. Cela vous permettra de déterminer votre PMA et votre FC max). Une fois votre PMA sur 2’ établie, vous pouvez créer vos séances pour développer votre potentiel de PMA ou votre capacité de PMA.

Exemple :

Données test, palier de 2’ à 350 watts réalisé

Améliorer mon potentiel de PMA (c’est à dire être capable pendant 2’ de tenir plus que 350 watts)

Après échauffement, 2 blocs de 6x(20’’ à 360-370 watts – 20’’ récupération souple) – 5’ récupération souple entre les blocs. Puis, retour au calme.

Améliorer ma capacité de PMA (c’est à dire être capable de tenir 350 watts pendant plus de 2’)

6 à 10x (1’ à 350 watts – 1’ récupération)

Vous pouvez au sein d’une même séance chercher à développer le potentiel et la capacité de votre PMA.

Soyez imaginatif dans la création de vos séances.

Un hiver avec ou sans intensités ?

De manière générale, en France, l’hiver est la période ou l’on doit privilégier le foncier et bannir les intensités.

Quand j’étais coureur, je me suis toujours demandé pourquoi aller me geler et me tremper tout l’hiver ? Si je fais des séances courtes et intenses en hiver, vais-je vraiment rater ma saison ? Si je m’entraine sous la pluie, est ce que je vais mieux supporter les courses humides ? Est-ce que je suis obligé de faire mon foncier sur le vélo ?

Encore faut-il déterminer à quoi sert exactement un bon entrainement foncier hivernal, pour qui et pourquoi est-il utile ?

Ok, on part là sur un questionnement qui pourrait mener à un futur article. Donc, revenons à nos moutons.

D’après la littérature scientifique on a les « pro foncier » l’hiver, et les « pro intensités » l’hiver.

On a vu précédemment l’intérêt et l’utilité du home trainer.

Si je ne suis pas fan pour faire des intensités l’hiver, je peux toujours remplacer ma séance route par une petite séance de HT où je vais m’appliquer sur ma technique. Certes, je ne vais pas développer mes qualités d’endurance comme sur la route, mais je vais malgré tout les entretenir à minima, et le fait d’améliorer ma technique me permettra d’aller plus loin dans l’effort par la suite. N’oublions pas que la vélocité est un précieux allié pour préserver nos réserves de glycogène musculaire (en clair, c’est le carburant que nous avons dans les muscles), la vélocité permet également d’améliorer notre capillarisation musculaire (en clair, c’est tout le réseau d’irrigation sanguine de nos muscles, ainsi mon muscle est mieux irrigué et mieux oxygéné). En étant véloce on économise ses muscles, donc on devient plus endurant. Amis triathlètes, avez-vous remarqué que les coureurs à pied les plus rapides sont également les plus véloces sur le vélo ?

De plus, mieux vaut garder un travail qualitatif à minima, plutôt que s’entêter à aller affronter les éléments sur route et ramener un beau rhume qui nous mettra KO pendant 15 jours, non ?

Si je fais le choix de travailler mes différents potentiels et capacités physiques en hiver sur mon HT, je pourrai me contenter par la suite de les entretenir avec des rappels à l’arrivée des beaux jours, et ainsi privilégier le travail foncier avec le soleil.

Attention, toutefois, aux gros efforts intenses dans une atmosphère hivernale à l’extérieur, car le froid ne favorise pas les efforts intenses, et les couches de vêtements thermiques ne sont pas toujours confortables et ne favorisent pas une bonne respiration.

Se défouler tout simplement

On a beaucoup évoqué l’utilisation du HT dans une ambiance studieuse de travail, mais ne peut-on pas l’utiliser tout simplement pour se défouler et s’amuser ?

La révolution des HT connectés est en marche avec ces logiciels sur internet que l’on met sur nos écrans et qui nous permettent de voir notre petit avatar simuler la montée de l’Alpe d’Huez (la pente se régule toute seule, à vous de jouer sur le braquet), faire l’ascension du géant de Provence sans les bourrasques de vent (à moins de mettre un gros ventilateur devant vous, ce qui vous évitera juste d’avoir trop chaud), faire le final du Tour des Flandres (sans la boue et la vibration des pavés).

Avec un logiciel comme Zwift, on peut même rouler aux cotés des pros quand ils sont connectés, mais attention, il faut passer par un étalonnage de la machine par rapport à ses propres qualités physiques. Ça signifie que quand je croise un de mes coureurs pros sur internet pendant que lui est en foncier, je dois déjà m’employer pour que mon avatar suive le sien sur l’écran. Et, c’est à ce moment là que je reçois un SMS du même coureur disant « Je te flingue quand ?!!! »

Avec ces logiciels vous pouvez même prendre le départ de courses avec des internautes connectés dans le monde entier et de niveau équivalent, sur des parcours plats, vallonnés ou montagneux.

La technologie rend les séances plus « fun », le temps passe beaucoup plus vite, on est surpris par les reliefs. Au final, on est comme un gamin devant un jeu vidéo. Sauf que là, il faut pédaler à sa juste valeur pour avancer. C’est quand même différent que d’appuyer sur des boutons avec les doigts, et se prendre pour un footballeur qui fait un retourné acrobatique, non ?

Attention, toutefois, à ne pas vous laisser prendre par votre esprit compétiteur sur ce genre de jeu, l’entrainement ne doit pas être une course à chaque séance. Il ne manquerait plus que vous deveniez addict à votre Home Trainer !