Sylvain, vous êtes depuis dimanche le nouveau champion de France. A Boulogne-sur-Mer, ça a quasiment été la course parfaite ?
Oui. J’ai commencé à dynamiter à six tours de l’arrivée. Je commençais à trouver le temps long. J’ai attaqué la première fois parce que tout le monde s’endormait, et parce que j’ai du mal à rester dans un peloton. J’ai donc pris l’initiative d’attaquer, mais ça n’a pas très bien marché. Je me suis remis derrière et j’ai laissé faire les équipes qui avaient le plus de coureurs. Au fil des tours, j’ai vu que ça faisait très très mal à tout le monde. J’ai relancé à trois tours, mais c’était très difficile. Dans le dernier tour, j’ai vraiment puisé dans mes réserves. Surtout au niveau du ravitaillement, où il y avait le vent de face, c’est devenu compliqué. Je pense que j’ai fait un numéro encore, avec deux beaux coureurs derrière.

Cette attaque, elle était prévue ?
Non, pas vraiment. Je n’avais pas l’impression d’être au championnat, et je pense que c’est la meilleure chose pour faire abstraction de tout ce qui se passe autour. J’avais dit au chrono, quand j’ai fait 6ème, que ce n’était pas une place extraordinaire. Je me dis que c’était un mal pour un bien, puisque je prends le titre sur route. Je préfère que ce soit dans ce sens-là.

Dans la dernière montée, à l’avant-dernier tour, vous n’aviez que 30 secondes d’avance, avez-vous craint d’être rejoint ?
Je n’ai pas paniqué. 30 secondes, ça paraît court, mais on ne revient pas comme ça. De temps en temps, j’accélérais un petit peu. Quand j’ai vu que ça remontait à 35, 40 secondes, j’ai compris que je maintenais, c’était le plus important. Ce n’était pas d’arriver avec deux minutes, trois minutes d’avance sur mes poursuivants, c’était de gérer mon effort, parce que je puisais vraiment au fond de mes forces. Je ne sais même pas quelle est mon avance à l’arrivée. Mais ils ont dû se relever, parce que je me suis moi-même relevé sur la fin.

C’est votre premier maillot de champion de France sur route, qu’est-ce qu’il vous inspire ?
J’ai gagné trois fois le contre-la-montre, mais sur route, ça va être exceptionnel. Je vais pouvoir porter ce maillot pendant toute une année. J’ai du mal à y croire. Mais en tout cas, je ne l’ai pas volé. Et maintenant, j’espère être à la hauteur de ce titre.

Quand avez-vous réalisé que vous étiez sur le point d’être sacré champion de France ?
Dans le dernier kilomètre, parce que c’était un match serré. Je n’avais que 30 secondes pendant un bon petit moment, après c’est remonté à 35. Là j’ai commencé à y croire. Pour gagner un championnat, il faut être dans un jour exceptionnel, et j’étais dans un jour exceptionnel. Le circuit s’y prêtait, mais c’était un parcours exigeant, très difficile. On n’avait pas de forts pourcentages, c’était un parcours qui me convenait, que j’appréciais, technique, avec une grande descente rapide peu avant l’arrivée. Cette victoire fait plaisir à toute l’équipe. Je pense aussi que tous les directeurs sportifs ont apprécié Chavanel en champion de France, parce que je vais bien le porter.

Il vous manquait, ce maillot bleu-blanc-rouge ?
Oui. Il y a des coureurs qui, dans leur carrière, n’ont jamais été champions de France alors qu’ils ont eu un très bon palmarès. Je me suis construit chez les professionnels un bon petit palmarès, mais il est vrai que le maillot de champion de France me manquait. Maintenant, je l’ai sur les épaules, et on va essayer de le mettre en avant. Je suis fier de ce que j’ai fait à Boulogne, tout simplement parce que c’est toujours difficile. J’étais marqué. On a vu Thomas Voeckler qui était très fort, mais c’est lui qui était le plus marqué du peloton. Cela a été un avantage pour moi, et j’en ai profité. Ce maillot, ça représente beaucoup. C’est quelque chose qu’il me fallait à tout prix. Bon, ce n’est pas ma dernière année professionnelle, mais je suis plus sur la fin que sur le début, même s’il me reste quatre-cinq ans. Donc c’était l’année ou jamais, avec un beau circuit qui me convenait très bien. J’avais bien préparé cette course comme il fallait, en faisant des grands stages d’entraînement. C’est une grande fierté.

Thomas Voeckler a rendu hommage à votre entraînement…
Je ne sais pas si c’est bénéfique pour l’instant, il y a des périodes où je suis fatigué. J’ai fait du travail en altitude, et près de deux mois sans compétition, donc au retour au Tour de Suisse, c’était difficile. Je me suis imposé des échappées pour faire de grands efforts. Et là, au championnat, j’étais dans le coup, et j’espère l’être également dans le Tour. Ca ne s’arrête pas au championnat. Mais je suis content d’ouvrir ma liste des victoires de l’année par ce titre de champion de France, puisque je n’avais pas encore gagné cette année. Je trouvais le temps long.

Cette victoire, c’est la première concrétisation de votre stage à Font-Romeu ?
C’est ce que je me dis. Ce sont beaucoup de sacrifices qui ont payé aujourd’hui. Mais j’ai galéré quand même, ça n’a pas été facile. Pour les trois derniers tours, j’ai vraiment dû puiser dans mes réserves. Et dans ces moments durs, on pense à ce qu’on a fait avant. Tout le monde fait des entraînements difficiles, on fait tous le même métier, ça reste dur pour tout le monde.

Le Tour de France arrive samedi prochain. Quels y seront vos objectifs ?
Le championnat, c’est toujours un avant-goût du Tour de France, avec les spectateurs, le public. Dimanche, on a vu beaucoup de monde, un public chaleureux, qui était beaucoup derrière moi, beaucoup de gens m’encourageaient, ça m’a aidé dans ma victoire. Après, mon objectif sur le Tour, c’est de m’amuser, comme j’ai l’habitude de faire. Je n’ai pas de prétention pour faire un podium au Tour, je n’en ai pas les capacités. Alors je veux attaquer, avoir l’esprit combatif, remporter une victoire d’étape. Faire aussi bien que ce que j’ai fait l’année dernière, qui était exceptionnelle. Je m’éclate dans ce que je fais et ça marche. Je vais essayer d’être à la hauteur, et pourquoi pas de lever les bras avec ce maillot bleu-blanc-rouge. En tout cas, j’ai bien préparé ce Tour de France.

Que vous ont dit vos deux fils à l’arrivée ?
Ils m’ont dit : « papa, t’es le plus fort ! »

Propos recueillis par Elodie Troadec à Boulogne-sur-Mer le 26 juin 2011.