Romain, si vous deviez en désigner un, quel serait votre souhait le plus profond pour cette saison 2016 ?
Être sur le podium d’une course par étapes WorldTour comme le Tour de Catalogne ou le Tour de Romandie, ou défendre un maillot de leader pour commencer. A terme, ce serait de gagner une course par étapes de ce genre. Sans m’identifier à lui, ce serait à l’image de ce qu’a fait Tejay Van Garderen en 2015. Chaque année, il passe un palier. Et la saison dernière, au Critérium du Dauphiné, il s’est accroché à Chris Froome jusqu’à la fin.

Ce n’est donc pas Liège-Bastogne-Liège comme vous le souteniez l’an dernier ?
Liège-Bastogne-Liège aussi bien entendu. C’est moins fermé, c’est une course d’un jour. C’est ma course favorite. Elle est mythique. C’est 260 kilomètres, 4000 mètres de dénivelé. Il n’y a que les jambes qui parlent et il n’y a jamais de surprise. Elle a aussi la particularité de réunir les coureurs de Grands Tours et les coureurs de classiques. Comme l’an dernier, ce sera la seule ardennaise à laquelle je participerai. Ça avait bien fonctionné. L’équipe a déjà de très bonnes chances sur la Flèche Wallonne avec Alexis Vuillermoz et je vise l’enchaînement Liège-Tour de Romandie. Pour cela, j’aime passer par le Tour de Trentin qui est pour moi la meilleure préparation. L’an dernier, c’est comme cela que j’ai connu mon meilleur niveau de forme de la saison.

Vous reprenez la compétition aujourd’hui au Tour d’Oman. Avec l’objectif d’être en forme à Paris-Nice ?
Oui mais prudence. Cela fait trois ans que j’en parle, mais ça n’a jamais été à la hauteur de ce que j’espérais. Sur le papier, ce n’est pas toujours une course qui me correspond très bien. Mon niveau de forme y est bon, mais pas suffisant pour être dans les quatre cinq premiers qui n’ont pas forcément un profil de grimpeur. Avec le Tour d’Oman, j’espère justement avoir cette course par étapes qui me manque pour être en forme sur Paris-Nice. Le parcours me plaît, il semble plus attractif avec pas mal d’étapes accidentées. L’enchaînement promet d’être intéressant avec le Tour de Catalogne derrière. J’y suis souvent mieux que sur Paris-Nice car je capitalise sur cette semaine de course intensive.

Une nouvelle fois, votre saison ne s’articulera pas seulement autour du Tour de France.
Bien sûr le Tour de France est important, c’est la course phare de l’année, notamment pour le public. C’est inscrit dans le patrimoine national et c’est pourquoi il y a une caisse de résonnance que l’on ne retrouve dans aucun autre événement tout au long de l’année. Mais je suis autant impliqué sur un Tour de Catalogne, un Liège-Bastogne-Liège ou un Tour de Romandie que sur le Tour de France. Bien sûr, les à-côtés sont plus denses sur le Tour et cela rend la course plus épuisante. Mais j’aime faire des saisons pleines.

Vous avez 25 ans. Le moment est-il venu pour que vous preniez vos responsabilités ?
C’est l’évolution logique. Je ne prétends pas avoir beaucoup de bouteille, mais j’ai déjà trois Tours de France derrière moi. Je sais à quelle sauce je vais être mangé tous les mois de juillet. D’une certaine manière, j’avais déjà le poids des responsabilités en 2015. C’est une étape logique dans mon évolution en tant que coureur et dans l’apprentissage du leadership de l’équipe Ag2r La Mondiale. Chaque année, il est toujours bon d’avoir un peu de pression sur le Tour de France. C’est toujours bon à prendre car cela veut dire qu’on y est attendu et qu’il y a de bonnes raisons d’espérer d’y être performant.

Sur le Tour vous ferez équipe avec Domenico Pozzovivo, là où vous vous présentiez avec Jean-Christophe Péraud ces deux dernières années. Que cela peut-il changer ?
On connaît les aléas d’une première semaine du Tour. C’est bien d’avoir deux cartes importantes. Domenico est un grimpeur de grande qualité au niveau international. Il va découvrir le Tour, mais c’est un coureur qui a de l’expérience. On ne sera jamais trop de deux dans les moments clés du Tour pour prendre les bonnes décisions. J’avais l’habitude de le faire avec Jean-Christophe Péraud. Cette année, nous aurons un calendrier différent, ce qui ne nous empêchera pas de former un bon binôme à certaines occasions, comme en 2014.

Les Jeux Olympiques constitueront-ils un temps fort de votre saison ?
C’est une opportunité qui ne se présentera peut-être jamais plus dans ma carrière, même si je n’ai que 25 ans. Je sors chaque année du Tour de France encore fort. Au même titre que le Tour de France, c’est un objectif d’y être et de m’y montrer performant. En équipe de France, quels que soient les sélectionnés, nous aurons une équipe très homogène. Nous aurons quatre coureurs qui seront autant de cartes maîtresses. Cela va autoriser une course beaucoup plus ouverte avec cinq coureurs au maximum par équipes. Ce sera nettement moins stéréotypé que sur les courses WorldTour ou les Grands Tours où ce sont toujours les mêmes qui s’imposent. Cette perspective m’enchante.

Qui des Championnats de France, susceptibles de convenir à votre profil ?
Le problème c’est qu’après le Critérium du Dauphiné, on passe tout de suite en mode Tour de France et cela occulte les Championnats de France. Jusqu’à présent, je n’ai pas trouvé de parcours adaptés ou qui me stimulaient vraiment. C’est aussi toujours délicat quand on se retrouve avec des équipes de près de vingt coureurs. Mais avoir un maillot tricolore à porter sur les routes de juillet doit être quelque chose d’unique. On annonce un parcours plus difficile cette année, donc pourquoi pas.

Plutôt qu’au niveau sportif, l’équipe Ag2r La Mondiale a renforcé son encadrement. Est-ce un souhait que vous avez vous-même émis ?
J’ai la chance d’avoir un contrat à long terme. Je suis le premier heureux de voir cette évolution. On ressent une vraie dynamique. L’équipe n’a plus rien à voir avec celle que j’ai connue à mon arrivée. Suivi du coureur, services apportés, tout cela a beaucoup changé depuis mon arrivée à la fin de l’année 2011. Je me réjouis pour les jeunes qui vont intégrer l’équipe et qui vont pouvoir bénéficier de cette infrastructure. Nous sommes maintenant une équipe reconnue internationalement qui donne toutes les chances aux coureurs pour atteindre le plus haut niveau.

On vous sait impliqué dans vos études. Votre cursus en management touche-t-il à sa fin ?
Carrière sportive oblige, il y a des concessions à faire au niveau timing. J’ai pris une année supplémentaire pour finir les dernières formalités. Malgré ma bonne volonté, je suis encore en train de rédiger mon mémoire. J’ai passé les oraux en décembre, mais pour valider mon diplôme, je dois faire un stage. Le problème vient de là. Ce sont treize semaines en entreprise, je suis dans l’incapacité de le faire pendant ma carrière. Comme on me délivre le même diplôme qu’un étudiant lambda, aucune dérogation n’est possible. Nous sommes dans une impasse pour le moment. Il est hors de question d’arrêter en si bon chemin, la question ne s’est jamais posée. Je ne tiens pas non plus à différer l’obtention de mon diplôme. Je ne veux pas rester avec les deux pieds dans le même sabot.