David, Jean-François Pescheux a rejoint l’Armée de Terre en qualité de président de l’équipe. Comment les contacts se sont-ils établis ?
Nous voulions absolument qu’il y ait un président au sein de l’équipe de l’Armée de Terre. Auparavant, j’occupais les fonctions de président, de manager et de directeur sportif. C’était un peu compliqué. Puisque nous voulons monter en Continentale Pro la saison prochaine, nous avons contacté Jean-François qui est venu nous voir, qui a vu comment nous travaillions et qui a pris la décision de nous rejoindre comme président de l’équipe.

Comment allez-vous vous répartir les rôles ?
Je vais surtout gérer la partie sportive et aider Jean-François Pescheux sur la partie administrative que je traitais auparavant. Jean-François, au vu de son nom, de sa carrière et de ses relations dans le milieu du vélo, va énormément nous aider sur l’organisation des courses, sur les relations avec la Ligue Nationale de Cyclisme. Pour ce qui est de la relation avec les partenaires, nous allons nous partager le travail.

Vous étiez donc demandeur de la création de cette fonction.
Tout à fait. Il était nécessaire de faire évoluer l’équipe. Qu’un manager soit aussi président et directeur sportif ne se voyait pas forcément. Il nous fallait quelqu’un pour m’aider à faire ce travail. Jean-François est en fait un jeune retraité. Cela fait maintenant deux ans qu’il a quitté ASO. Il a trouvé le défi intéressant. Je tenais et l’institution militaire également tenait à ce qu’il y ait un président pour la suite de l’aventure. Elle ne va pas s’arrêter là puisque nous désirons évoluer en deuxième division l’année prochaine.

Un passage en Continentale Pro qui avait été envisagé dès l’an dernier ?
Effectivement, nous avons déposé un dossier pour être en deuxième division dès cette année. Malheureusement, notre partenaire n’était pas encore prêt. Quand un partenaire désire s’engager avec une Continentale Pro, il doit sortir l’argent presque un an avant que son engagement soit effectif. Nous avons donc décalé le projet pour 2018. L’objectif avec Jean-François Pescheux est de remettre tout cela en place pour la saison prochaine. C’est notre objectif principal.

Le statut de coureur professionnel est incompatible avec celui de militaire. En 2014, vous aviez trouvé une solution pour passer en Continentale. Le problème se posera donc à nouveau pour l’an prochain. Comment allez-vous vous y prendre ?
Nous avons déjà beaucoup travaillé sur ce projet d’un passage en Continentale Pro. Sur la partie concernant les athlètes, nous avons trouvé la solution en concertation avec les juristes du Ministère de la Défense qui planchent sur le dossier depuis près d’un an. Il n’y a plus de point de blocage aujourd’hui. Cela reste encore un peu vague, mais les athlètes seraient détachés de la Défense et rejoindraient la structure professionnelle par qui ils seraient payés. Ils auraient alors le statut de cycliste professionnel tout en ayant ce lien avec la Défense qui leur permettrait de devenir militaires après leur carrière sportive. Là où actuellement, les coureurs ont un contrat de militaire et non de cycliste professionnel. C’est ce qui fait qu’elle est différente des autres.

Il n’est donc pas question que l’équipe soit reprise par un sponsor privé.
Du tout. Le projet à l’heure actuelle est bien celui de l’Armée de Terre auquel s’ajoutera un partenaire privé.

Vous avez entamé votre troisième saison chez les pros. Estimez-vous qu’il s’agit du moment opportun pour franchir l’étape supérieure ?
Pour revenir sur l’historique de l’équipe, nous étions encore en DN2 en 2011. Nous avons passé le cap de la DN1, nous avons fait deux ans chez les pros. Aujourd’hui, oui, c’est le moment. Pourquoi ? Parce que l’Armée de Terre souhaite que l’équipe continue d’évoluer. Utiliser le cyclisme comme moyen de communication est pour l’Armée une bonne chose. Du côté de mes « chefs », comme on dit dans le jargon, la tendance est de faire encore grandir l’équipe. Donc, passer le cap de la deuxième division.

Et ainsi pouvoir postuler aux grandes courses du calendrier WorldTour.
Bien sûr. Aujourd’hui, nous avons la chance que la Défense ait choisi le cyclisme comme vecteur de communication. Le fait d’évoluer en deuxième division va nous ouvrir des portes sur des compétitions qui sont plus médiatiques et davantage médiatisées. Bien sûr, cela va nous ouvrir des portes sur le Tour de France à terme, mais ce ne sera pas pour tout de suite. Il faudra auparavant faire ses preuves pendant trois ou quatre ans. Si je prends l’exemple de Delko Marseille Provence KTM promue en deuxième division la saison dernière, elle a tout de même participé à Paris-Nice et Paris-Roubaix l’an dernier. Si on peut déjà avoir accès à ces courses-là dès l’an prochain, ce serait très important pour nous et pour la communication de l’Armée de Terre.

Les deux dernières saisons vous ont-elles convaincu de votre capacité à intégrer cette deuxième division ?
Le bilan est très positif. La première année, on a appris, on a découvert. Il y a un monde d’écart entre les amateurs et les pros et la manière de courir est tout à fait différente. Les courses sont plus contrôlées, cadenassées. On tombe face à des équipes du WorldTour. On doit faire notre course à notre niveau et prendre les meilleurs résultats possible. Après cette première année, nous avons voulu être compétitifs pour notre deuxième saison où notre objectif était la Coupe de France par équipes. Nous terminons finalement 2ème, à deux points de HP BTP-Auber 93, et tout se joue au Tour de Vendée. Nous avons pris en maturité et eu accès à des courses importantes. Nous avons fait des podiums en Coupe de France et sur des Classes 1 en plus de gagner des Classes 2.

Le bilan se juge aussi au nombre de victoires. De ce point de vue, l’Armée de Terre est loin de ses scores chez les amateurs avec quatre victoires UCI en deux ans, et uniquement sur des Classes 2.
La motivation est complètement différente. Comme je le disais, il y a un monde entre les amateurs et les professionnels, une grande marche qui doit se franchir petit à petit et non pas du jour au lendemain. Quand nous étions amateurs, les Classes 2 constituaient notre objectif avec la Coupe de France. C’est là que j’alignais ma meilleure équipe. Mais maintenant, face aux Classes 2, j’ai des Coupes de France et des courses pros. Naturellement, on est moins armés sur ces Classes 2, donc nous avons moins de réussite alors que nous sommes plus attendus. De plus certaines Classes 2 sont aussi très relevées comme le Tour de Bretagne, le Tour de Normandie, le Tour d’Alsace, le Rhône-Alpes Isère Tour. Y gagner une étape ou le général n’est pas facile même quand on est une équipe professionnelle. C’est sûr que le palmarès est moins fourni que lors de notre dernière année amateur où nous avons remporté soixante-quatorze courses. Aujourd’hui, je nous compare aux autres équipes Continentales françaises. Ce n’est pas beaucoup mieux. Faire un podium sur une Classe 1 ou une manche de Coupe de France, pour moi, c’est comme une victoire. Surtout face à des équipes de renommée mondiale ou des coureurs qui ont déjà remporté des étapes sur des Grands Tours.

Il y a du reste un nouveau palier à franchir entre la troisième et la deuxième division.
Tout à fait, il y a une nouvelle marche. Ce passage en Continentale Pro nous ouvrira l’accès à des courses en WorldTour et c’est encore un autre niveau. On le voit déjà sur une course comme l’Etoile de Bessèges où quatre équipes WorldTour sont au départ en plus de Conti Pro comme Cofidis, Direct Energie ou Wanty-Groupe Gobert. En deuxième division on se retrouvera face aux meilleures équipes du monde. Il y a un palier à passer, c’est indéniable.

Votre recrutement s’est voulu ambitieux. Est-ce déjà dans l’optique de préparer la saison 2018 ?
Il est vrai que le recrutement qui a été fait cette année va servir à préparer le projet de passage en Continentale Pro. Nous avons voulu vieillir l’équipe en recrutant des coureurs plus expérimentés. Ils vont nous apporter de la sérénité sur les courses. L’an dernier, l’équipe reposait sur Benoît Sinner et Stéphane Poulhiès. Cette année, nous pourrons compter sur Damien Gaudin, sur Steven Tronet, sur Julien Loubet. Ce sont des coureurs expérimentés qui ont déjà couru plusieurs années, voire une décennie au niveau professionnel.

Votre programme de courses a-t-il adapté en conséquence ?
Bien sûr que je me projette vers 2018, mais nous allons prendre les épreuves une par une. Notre calendrier augmente en qualité. Nous allons faire de plus en plus de Hors Catégorie, nous sommes de plus en plus invités à l’étranger, car l’équipe commence à être connue. L’arrivée de Jean-François et de son carnet d’adresses nous facilite la tâche. Il connaît de nombreux organisateurs et cela nous ouvrira des portes sur pas mal de belles courses. Forcément, nous avons recruté en conséquence pour être compétitifs sur ces épreuves.