5) Tim Merlier (BE, 29 ans, Alpecin-Fenix)

Il n’avait assurément pas le nom le plus ronflant du peloton en début de saison. A 29 ans, il n’a même jamais couru en World Tour, relégué en deuxième et troisième divisions de son sport. Issu du cyclo-cross, il s’est longtemps heurté au plafond de verre de la route, portant son balluchon d’équipes en équipes sans que ses résultats ne parviennent à lui assurer une place au soleil. Recruté en Continentale Pro par la formation Véranda-Willems en 2017, il retombe à l’échelon inférieur à l’hiver 2019, victime du retrait du sponsor. Le belge vient alors de souffler ses 26 bougies, et constate impuissant que ses chances s’amenuisent.

Une dernière main tendue réalise un relai à l’américaine. A peine intronisé coureur de l’équipe Corendon-Circus, il est sacré champion de Belgique sur route, devançant au sprint Wout Van Aert ou Philippe Gilbert. Son effarante dynamique l’envoie ensuite collectionner les bouquets sur le Tour d’Alsace et monter encore sur le podium de la dernière étape du Tour du Danemark. L’année suivante, en 2020, il savourait ses premières joies en World Tour, glanant une étape de Tirreno-Adriatico, course sur laquelle son équipe, renommée Alpecin-Fenix, est invitée.Tim Merlier n'a pas arrêté de lever les bras cette annéeTim Merlier n’a pas arrêté de lever les bras cette année | © Alpecin – Fenix

Mais qui aurait pu imaginer qu’il en vienne à marcher sur les Grands Tours ? Moins de trois ans après sa rechute en Continentale, le belge monte coup sur coup sur le podium du Giro et du Tour, dont il remporte respectivement les deuxième et troisième étapes. Auréolé des honneurs à Pontivy, lui-même n’en revenait pas : « C’était déjà quelque chose de très fort pour moi, cette victoire au Giro. Maintenant, je gagne sur le Tour. Je ne peux pas y croire, même si cela doit être vrai puisque c’est arrivé ! ». En 2021, le flamand s’est ainsi mué en serial sprinteur. En 2018, il n’aurait même pas rêvé épauler Mathieu Van der Poel.

 

4) Ethan Hayter (GB, 23 ans, INEOS-Grenadiers)

Certes, il avait déjà maintes fois prouvé sa valeur dans de multiples contextes et sur de nombreuses disciplines. Vainqueur de Kuurne-Bruxelles-Kuurne Juniors et détenteur du classement par points d’un Baby Giro, champion de Grande-Bretagne de l’américaine, du scratch, de poursuite par équipes et d’omnium, tenant de trois médailles en mondiaux de piste, son palmarès appuyait sa renommée nationale à l’entame de la saison 2021. 12 mois et un bon nombre d’exploits plus tard, son nom circule maintenant sur l’ensemble de la planète, à l’image du portrait que Vélo Magazine lui a consacré en novembre dernier. Il faut dire que le britannique a rayonné de mille feux sur la planète cyclisme.

Ethan Hayer victorieux sur le Tour d'AlgarveEthan Hayer victorieux sur le Tour d’Algarve | © INEOS Grenadiers

Et cette fois, il s’agissait de vaincre le gotha de son monde. En février, à Alès, il se classait déjà troisième du contre-la-montre d’une étoile de Bessèges particulièrement relevée. En mai, il enchaînait victoires et accessits sur les chaudes côtes méditerranéennes d’Andalousie et d’Algarve. En août, il croquait sa première breloque olympique, classé deuxième de l’américaine en compagnie de son compatriote Matthew Walls. Et en septembre, il jouait des coudes avec Van Aert et Alaphilippe sur son Tour national avant de s’en aller remporter un premier titre individuel aux mondiaux de piste de Roubaix. Bref, difficile de passer à côté de l’énième étoile montante de la pépinière anglaise.

 

3) Clément Champoussin (FR, 23 ans, AG2R-Citroën)

L’an passé, les mordus de vélo le découvraient à l’attaque sur la Vuelta, fougueux et audacieux, mais pas vraiment récompensé de ses efforts. Seule une dixième place au sommet de l’Alto de Moncalvillo venait légèrement éclairer une épreuve assez terne de sa part. Une huitième place au classement général du Tour du Luxembourg complétait le maigre butin d’accessits du leader de l’équipe de France sur le Tour de l’Avenir 2019.Clément Champoussin sur la VueltaClément Champoussin sur la Vuelta | © AG2R-Citroën

Cette année, personne n’a pu ignorer le niçois. Aux coudes à coudes avec David Gaudu pour le gain de la Faun Ardèche Classic puis au milieu des favoris à l’arrivée du Trofeo Laigueglia, le coureur d’AG2R Citroën n’a pas tardé à faire parler de lui parmi les initiés. Quant au grand public, il est resté bouche bée devant son attaque au culot sous la flamme rouge de la 20e étape du Tour d’Espagne, alors qu’il venait tout juste de se faire la peau pour recoller à la roue de Primoz Roglic et consorts. Echappé matinal rejoint par les costauds, « Champou » avait ainsi profité du marquage des ténors pour chiper à leur nez et à leur barbe un bouquet d’exception, symbole de sa pugnacité. Pour une première victoire professionnelle, ça classe le bonhomme. A 23 ans, Clément Champoussin peut ainsi envisager l’avenir avec ambition. L’année 2022 le renverra d’ailleurs sur les routes italiennes, où en mai la maladie l’avait empêché de profiter des multiples ouvertures aux échappés. Et rien que ça, c’est une raison de se souhaiter une bonne année entre français !

 

2) Sonny Colbrelli (IT, 31 ans, Bahreïn-Victorious)

Pour lui, il ne s’agit pas de parler de révélation au sens du découverte du nom. Ici, il est question de son éclosion à des hauteurs et sur des terrains dont il était encore inconnu. Remporter des étapes par-ci par-là sur des courses d’une semaine ou des classiques italiennes, il l’avait fait et refait. Celles-ci représentaient d’ailleurs sa valeur de coureur, celle d’un homme capable de s’imposer en l’absence des tous meilleurs puncheurs du monde. Sonny Colbrelli n’était pas une légende, ni même un champion, simplement un leader occasionnel.

Cette année, tout a changé. Après une période flandrienne semblable à ses standards, le lombard a explosé. Vainqueur coup sur coup en Romandie et sur le Critérium du Dauphiné, il s’est systématiquement adjugé le classement par points, chose inédite pour lui à ce niveau. Deux semaines plus tard, il troquait son maillot Bahreïn – Victorious pour la tunique de champion d’Italie, après avoir maté le bergamasque Fausta Masnada dans le final d’une course exigeante. Ce coup d’éclat préfigurait déjà la sensation à venir. En effet, sélectionné par son équipe sur le Tour de France, il réalisait ses meilleurs résultats sur des étapes de haute-montagne. Troisième à Tignes à l’issue d’une journée dantesque puis deuxième à Saint-Gaudens, le lombard n’en finissait plus d’étonner.

Et ce n’est pas tout ! Visiblement dans la forme de sa vie, Sonny Colbrelli poursuivait la seconde partie de saison sur le même ton. En août, il haussait le ton sur les pavés flandriens, surclassant les locaux Victor Campenaerts et Tim Wellens pour remporter le Tour du Bénélux. Puis à Trente, c’est leur compatriote, Remco Evenepoel, qu’il a rendu fou en s’accrochant comme une sangsue à sa roue durant les ascensions successives du Povo. Dans la cité de Francesco Moser, il n’avait plus qu’à sprinter pour s’orner d’étoiles.

Une image marquante de cette édition particulière de l'Enfer du Nord : les corps recouverts de boue, jusqu'à la méconnaissanceSonny Colbrelli à l’arrache sur les pavés de l’Enfer du Nord, la visage maculé de boue | © ASO / Pauline Ballet

Si elle s’était arrêtée là, sa saison aurait été amplement réussie. Pourtant, comparée à l’exploit à venir, elle apparaît aujourd’hui bien maigre. Car c’est à sa carrière que l’italien a donné une autre dimension en novembre. Maculé de la boue d’un dimanche pluvieux dans les Hauts-de-France, livré à lui-même sur les pavés intraitables du département du Nord, aligné face à Mathieu Van der Poel sur le vélodrome de Roubaix, l’italien a déjoué tous les pronostics d’une journée fantastique pour remporter un Monument d’exception. Survivant du déluge, rescapé des aléas, indemne de fraîcheur, le lombard s’est payé un à un l’ensemble des favoris jusqu’à ce qu’il ne reste plus que lui, son extase et l’émerveillement des spectateurs. Ce jour-là, Sonny Colbrelli n’était plus un leader occasionnel, ni même un champion, mais bien une légende.

 

1) Jonas Vingegaard (DK, 25 ans, Jumbo-Visma)

Cet été, un homme fut en mesure de lâcher Tadej Pogacar. Un seul. Mais qui ? Richard Carapaz ? Primoz Roglic ? Gerraint Thomas ? Non, nul d’entre eux. Mais un gamin de 24 ans. Jonas Vingegaard. Recruté par le Team Jumbo-Visma en 2019, le danois sortait alors d’une saison 2020 blanche, refroidissant les espoirs placés en lui après un premier bouquet sur le Tour de Pologne. Cette année, il les a décuplés.

Vainqueur surprise à Jebel Jais à l’UAE Tour, le natif de Hillerslev avait déjà, ce jour-là, devancé Tadej Pogacar. Un mois plus tard, sur la Semaine Internationale Coppi et Bartali, il surnageait, remportant deux étapes et le classement général. En avril, au Tour du Pays Basque, il montait sur le podium final, en compagnie de son leader, Primoz Roglic. En juin, il se classait deuxième de l’ultime étape du Critérium du Dauphiné, tout en ayant dévoilé au préalable ses prédispositions dans l’exercice chronométré (7e à Roche-la-Molière). Sur la plus grande course du monde, il améliorait même sa marque à Laval, se classant troisième du jour.Dans le Mont Ventoux, Jonas Vingegaard a été le seul à mettre en difficulté Tadej PogacarDans le Mont Ventoux, Jonas Vingegaard a été le seul à mettre en difficulté Tadej Pogacar | © Jumbo Visma

Mais son principal fait d’arme de l’année restera cette deuxième ascension du Ventoux. Non content de suivre le rythme, le danois s’est attelé à distancer un à un les ténors du peloton, jusqu’à faire exploser le maillot jaune en personne. Si le résultat fut finalement vain, l’impression est restée. En zone mixte, Tadej Pogacar a d’ailleurs reconnu que Jonas Vingegaard était alors « trop fort » pour lui. Si le danois a conclu ce Tour en dauphin du slovène, il l’annonce d’ores et déjà : en 2022, « l’objectif sera de battre Pogacar ».

Par Jean-Guillaume Langrognet