La météo

Dans l’histoire de la Petite Reine, jamais deux éditions n’avaient été aussi rapprochées. Vous avez certainement encore en mémoires les visages de Sonny Colbrelli ou de Mathieu Van der Poel maculés de boue, dans une pénombre infernale. Le mois d’octobre avait livré toute sa misère météorologique sur la tête et sous les roues des coureurs, créant des conditions de course dantesques. Ce dimanche, le retour de « l’Enfer du Nord » en avril, après deux ans d’absence printanière, reprendra la tradition ensoleillée du XXIe siècle. La hiérarchie en sera certainement bousculée, les stakhanovistes de l’automne perdant leur avantage physique.

 Cette saison, Paris-Roubaix aura de nouveau lieu sous le soleilCette saison, Paris-Roubaix aura de nouveau lieu sous le soleil

Le parcours de Paris-Roubaix 2022

Ce dimanche, la perpétuation du parcours constituera la seule constante de ces sept mois. Si d’anodines modifications de tracé changeront très légèrement la distance (257,2 ce dimanche contre 257,6 en octobre), le final sera invariant. Nous pouvons le décomposer en trois secteurs clés, formant le gotha à 5 étoiles de l’organisation.

Dans un premier temps, à plus de 80 bornes du vélodrome de Roubaix, les coureurs pénètreront dans la mythique Trouée d’Arenberg. Ses 2 400 mètres à travers bois, sur un pavé particulièrement irrégulier, offrent systématiquement l’occasion d’un premier écrémage. L’an passé, Sonny Colbrelli avait profité du chamboulement occasionné par sa traversée (marquée notamment par une chute de Wout Van Aert) pour s’extirper de la meute des favoris, et poser ainsi la première pierre de son sacre.

La trouée d'ArenbergLa trouée d’Arenberg | © Paris – Roubaix

Un second moment fort intervient à une cinquantaine de bornes de l’arrivée, au moment du franchissement du secteur de Mons en Pévèle (3 000 m). Long et rugueux, son positionnement sur le parcours le dote d’un caractère décisif. Fabian Cancellara, triple vainqueur de l’épreuve, y a connu toutes les émotions, de l’attaque décisive en 2006 et 2010 à la chute fatale en 2016, pour sa dernière participation. La saleté et le délabrement du tronçon ont incité l’Association des Amis de Paris-Roubaix et la communauté de communes Pévèle-Carembault à entreprendre des travaux de rénovation l’an passé, conservant son authenticité tout en préservant la sécurité des coureurs.

Le secteur de Mons en Pévèle a été tout récemment rénovéLe secteur de Mons en Pévèle a été tout récemment rénové | © Paris – Roubaix

Enfin, le fameux Carrefour du l’Arbre constitue la dernière opportunité de s’échapper à la pédale. Placé à 17 kilomètres de l’arrivée et mesurant plus de deux kilomètres, il voit arriver des coureurs éparpillés, mais encore groupés. Nappé d’un voile de poussière soulevé par le cortège, il est au cœur de la légende de la course. Son virage à angle droit, son harassant faux-plat montant et son restaurant en font l’un des lieux les plus prisés du public, venu assister à la bataille finale entre les leaders. En 2009, Tom Boonen s’y était débarrassé de Filippo Pozzato et Thor Hushovd.

Les pavés du carrefour de l'arbreLes pavés du carrefour de l’arbre | © Paris – Roubaix

Néanmoins, cet enchaînement de secteurs n’est pas toujours suffisant pour dégager un vainqueur. Alors, le mythique vélodrome ouvert de Roubaix offre le théâtre d’un sprint final si particulier, où le meilleur sprinteur ne gagne pas souvent. D’ailleurs, la victoire d’y est toujours jouée depuis 2015.

Les favoris pour Paris-Roubaix

Ce dimanche, on s’attendait naturellement à assister enfin au duel entre Wout Van Aert (Jumbo-Visma) et Mathieu Van der Poel (Alpecin – Fenix) après son injuste privation sur le Tour des Flandres, la faute d’une infection à la COVID-19 pour le belge. Toutefois, l’isolement dont le coureur de la Jumbo-Visma a fait l’objet a sérieusement nuit à sa forme, au point qu’il n’est même pas en capacité de participer à la reconnaissance du parcours ce jeudi. Ainsi, selon les dires de son directeur sportif Merijn Zeeman, il jouera plutôt un rôle en soutien de ses habituels équipiers, Christophe Laporte, Mike Teunissen ou encore Nathan van Hooydonck.

Le malheur de Wout Van Aert a de quoi faire le bonheur du français. Après sa belle 6e place l’an passé et son début de saison flamboyant, le varois se retrouve ainsi dans les meilleures dispositions pour jouer un rôle de premier rang ce dimanche. La force collective de sa formation pourra peut-être tourner à son préjudice, mais constitue avant tout une arme déterminante sur une telle épreuve. Ainsi, il pourrait se hisser en fer de lance de l’armada jaune face à l’individualité Van der Poel, dans un duel d’hommes devenu affrontement de style. Si il jouit de jambes de feu en direction du vélodrome de Roubaix, Christophe Laporte pourrait bien nous faire revivre les frissons du sacre de Frédéric Guesdon, en 1997, oubliés depuis trop longtemps.

Toutefois, aucun des hommes précédemment nommés n’est déjà parvenu à remporter l’épreuve, et seul Mathieu van der Poel a réussi à monter sur son podium (3e l’an passé). Ainsi, si les deux camps paraissent indéniablement les plus forts sur le papier, mis en confiance par leur farandole de succès, « l’Enfer » est indomptable et réserve ses infortunes sans privilèges de classe.

Mathieu Van der Poel a été un acteur majeur de la précédente éditionMathieu Van der Poel a été un acteur majeur de la précédente édition | © ASO / Pauline Ballet

Derrière eux, se cache une légion d’outsiders sans que l’on ne puisse réellement estimer leurs chances respectives, tant la hiérarchie est actuellement bousculée. Greg Van Avermaet (AG2R – Citroën), Niki Tepstra (TotalEnergies), Peter Sagan (TotalEnergies) ou encore John Degenkolb (Team DSM) ont beau avoir déjà remporté Paris-Roubaix, leurs récentes performances permettent de douter de leurs capacités à reproduire dimanche cet exploit.

Passé chez TotalEnergies à l'intersaison, Peter Sagan espère de nouveau briller sur les pavés de l'Enfer du Nord malgré une méforme apparentePassé chez TotalEnergies à l’intersaison, Peter Sagan espère de nouveau briller sur les pavés de l’Enfer du Nord malgré une méforme apparente | © ASO / Pauline Ballet

Dès lors, l’émergente jeunesse semble la mieux armée pour concurrencer les deux Goliaths du jour. A ce titre, citons notamment Mads Pedersen (Trek – Segafredo), intenable sur le Circuit de la Sarthe la semaine passée, ou Anthony Turgis (TotalEnergies), grand déçu du Tour des Flandres.

Enfin, dans un style intermédiaire, une horde de trentenaires espèrent profiter de leur forme galopante pour réaliser obtenir cette année le meilleur résultat de leur carrière. Impressionnant cette saison, Stefan Küng (Groupama-FDJ) compte bien poursuivre sur sa lancée, après sa 5e place sur le Ronde et sa 8e à l’Amstel. De même, Matej Mohoric (Bahrein – Victorious) pourrait bien profiter d’un marquage des grands favoris pour jouer avec brio sa carte personnelle, comme il l’a si bien fait sur Milan – San Remo. Enfin, Matteo Trentin (UAE Emirates) et Kasper Asgreen (Quick-Step Alpha Vinyl) peuvent également prétendre à rejoindre cette catégorie, en dépit de résultats irréguliers cette année.  

La diffusion TV de Paris-Roubaix

A partir de 11h et en intégralité sur France TV et Eurosport

Par Jean-Guillaume Langrognet