Yves, il y a trois ans l’usine du groupe Cycleurope était placée en liquidation judiciaire. Comment se porte aujourd’hui la Manufacture française du cycle, premier fabricant de vélo en France ?
Il y aura trois ans mi-mars qu’a été créée la Manufacture française du cycle, née de la reprise de Cycleurope par Intersport. C’est une belle aventure. Au moment de la reprise, 130 000 vélos étaient assemblés pour 177 salariés dans l’entreprise. Un an plus tard, nous sommes passés à 200 personnes pour 245 000 vélos. En 2015, 333 000 vélos sont sortis de notre usine pour 210 employés en CDI. Nous visons en 2016 350 000 vélos et 240 salariés permanents auxquels viennent s’ajouter des CDD en haute saison, pour une moyenne annuelle de 350 personnes sur le site. En deux ans, notre chiffre d’affaires est passé de 19,7 millions d’euros à 49 millions en 2015.

Comment êtes-vous parvenus à relancer l’activité sur le site de Machecoul, en Loire-Atlantique ?
Avant tout par la relocalisation. Intersport, qui s’était implanté dans différents pays, a relocalisé son assemblage ici. Des 350 000 vélos assemblés, 200 000 sont réalisés pour le compte d’Intersport, 100 000 pour la grande distribution et 50 000 pour divers clients. Nous avons lancé de nouvelles choses comme la reprise de la marque Sunn, qui doit nous permettre de faire notre entrée dans le réseau des détaillants spécialisés. Nous étudions en outre un quatrième canal de distribution : Internet, la vente directe au consommateur. Nous préparons un projet qui nous permettra d’accéder à ce type nouveau de distribution. Nous investissons également dans l’outil, qui est le nerf de la guerre pour rester compétitif. Si l’on veut faire de la qualité, il faut investir. Sur ce point Intersport est à l’écoute dès l’instant où l’on peut démontrer que c’est dans l’intérêt économique de tous.

Comment se traduit la relocalisation des activités, votre cheval de bataille ?
Nous avons investi dans la peinture. Non seulement les cadres sont assemblés à Machecoul, mais ils y sont désormais égalements peints. Cela nous offre plus de flexibilité et moins de problèmes de qualité. Quand vous transportez un cadre peint, il s’abîme, et il nous arrivait de rencontrer des problèmes à la réception. La relocalisation de cette activité nous garantit une meilleure qualité. Intersport a également relocalisé ses vélos à assistance électrique (VAE) car le groupe a compris l’intérêt d’assembler ici des vélos chers et sensibles en bénéficiant d’une main d’œuvre compétente, tout en les rapprochant du SAV.

Les vélos de vos gammes sont conçus et assemblés en France, sur le site de Machecoul en Loire-Atlantique. En revanche ils demeurent fabriqués en Asie…
Il n’existe plus aucun fabricant de cadre en France ou en Europe. Nous sommes obligés d’aller les chercher en Asie car pour pouvoir faire de beaux cadres, il faut être en mesure de produire des millions de cadres. Nous-mêmes ne pouvons pas investir dans ces outils spécifiques. Mais sachez que nous regardons ce qu’il est possible de faire du côté de pays comme la Roumanie ou le Portugal. Si des solutions et des investisseurs se présentent dans la fabrication de cadres, nous essaierons de relocaliser. C’est valable pour presque tous les autres composants du vélo. En revanche, à chaque fois que nous avons une solution européenne, nous la prenons en priorité. C’est le cas pour les jantes, qui sont volumineuses et se transportent mal.

Sur quelles activités avez-vous porté vos investissements ?
Depuis la reprise de l’usine, la Manufacture française du cycle a bénéficié de plus de 10 millions d’euros d’investissements, notamment dans un centre d’essais pour tester les pièces de sécurité des vélos et dans la chaîne de peinture poudre qui a permis de porter à 50 % le nombre de cadres peints sur place. Au deuxième semestre, nous allons réinvestir sur une chaîne de peinture liquide qui représentera en 2017 les 50 % du volume restant de notre production. Nous serons alors en mesure de peindre tous nos cadres. Un autre investissement majeur a été porté à hauteur de 5 millions d’euros par le groupe Intersport sur un entrepôt de stockage d’une capacité de 35 000 vélos. Cet entrepôt offrira une meilleure logistique à tous les magasins.

Le rachat de la marque Sunn fin 2013 représente également un investissement stratégique…
Grâce à Sunn, nous allons pouvoir conquérir un nouveau canal de distribution : celui du réseau de spécialistes. Il nous a fallu du temps pour développer les cadres et réaliser des moules spécifiques. De nombreux investissements ont été réalisés pour aider au développement de la marque Sunn : investissements dans des moules mais aussi dans un team pour la communication. Nous venons donc seulement de commencer la distribution puisque nous livrons depuis octobre dernier. Nous recevons un bon accueil sur la marque, sur les produits. Maintenant nous nous donnons un an pour avoir un vrai recul. Il est prématuré de dire si le retour de Sunn sera un vrai succès, mais nous y croyons.

Avec Sunn et l’émergence du vélo à assistance électrique, vous portez vos efforts sur des produits de très grande qualité. Quels retours en attendez-vous ?
C’est nécessaire pour nous de proposer des produits de très grande qualité. La grande distribution ne cherche que du prix, or en France la main d’œuvre est beacoup plus forte que dans d’autres pays. La marge est beaucoup plus forte quand on vend un vélo Sunn ou un vélo à assistance électrique. De l’ordre de quatre fois celle d’un vélo vendu en Grande Surface Alimentaire. Nous avons donc tout intérêt à développer ces deux créneaux que sont Sunn et les VAE. Nous avons sorti 12 000 VAE en 2015 et nous fixons 18/20 000 pour 2016 et 40/50 000 à moyen terme. 50 000 VAE, ça équivaut à 200 000 vélos classiques au niveau de l’intérêt économique et de la rentabilité. C’est crucial pour nous et c’est ce sur quoi nous allons nous concentrer dans les cinq ans à venir.

La marque Sunn sera présente à l’Eurobike de Friedrichshafen du 31 août au 4 septembre prochains. C’est donc l’export que vous visez désormais ?
L’intérêt de Sunn, c’est qu’on a affaire à des produits travaillés, qualitatifs. Cela doit nous ouvrir des portes à l’export en effet. L’objectif de ce rendez-vous sera de trouver une distribution européenne susceptible de nous donner un coup de boost sur le développement de la marque Sunn.

Propos recueillis à Machecoul le 22 janvier 2016.