Cédrick, tu faisais partie des 5000 inscrits du Gran Fondo Strade Bianche dimanche au lendemain de l’épreuve professionnelle.
Effectivement, j’ai commencé ma saison sur cette épreuve. Ce n’était pas vraiment prévu, mais j’ai répondu à un message d’un ami californien qui me disait qu’il venait de s’y inscrire et qui me proposait de le rejoindre. Je me suis donc inscrit assez tardivement, mais ce déplacement était surtout un prétexte pour passer quatre jours en Toscane pour visiter Sienne et ses alentours. C’était également par curiosité pour savoir ce que cela faisait de rouler sur ces fameuses strade bianche.

Où se trouve le village d’accueil ?
Il se trouve au sein de la forteresse Médicis. Pour les 5000 participants, le week-end commence donc ici le samedi avec le retrait du dossard, de la puce et du pacco di gara. En s’y rendant le matin on peut assister à la présentation des équipes professionnelles hommes et femmes qui disputent la course le jour même. Dans la file d’attente du retrait du dossard, on en profite donc pour discuter avec les participants autour de soi. On s’aperçoit vite qu’il y a énormément d’étrangers avec aussi des tours opérators qui proposent des formules tout compris. On sent vraiment que c’est un événement unique pour beaucoup, comme de pouvoir rouler sur le parcours de Paris-Roubaix, mais en plus accessible.

Mais c’est aussi l’occasion d’admirer les champions.
Oui, le reste de la journée se passe dans Sienne où l’on peut assister vers 13h à l’arrivée des femmes, puis vers 16h à celle très attendue des hommes. Pour ma part, je me suis placé au pied de la Via Santa Caterina, dernier mur placé à 500 mètres de l’arrivée avec un pourcentage maximum de 18% sur les 20 derniers mètres. On s’aperçoit vite que l’on a affaire à un public de passionnés et les encouragements varient en fonction de la notoriété du coureur et de leur nationalité. Dommage que Sagan ait abandonné, car il aurait été ovationné !

De quoi est constitué le pack coureurs ?
Il est composé d’un maillot, d’un bidon, de produits diététiques de la marque Namedsport (gel, barre, sachet individuel pour boisson, dose de produit buvable caféiné, boisson de récupération), d’une tablette de chocolat, d’une bouteille d’eau, d’une chambre à air Bontrager. Le tout dans un sac estampillé du blason de la course, mais un peu light pour compter le réutiliser régulièrement. Il y avait également deux vélos Trek Madone à gagner par tirage au sort qui a lieu à 19h30, un pour les hommes et un pour les femmes. Ils étaient remis par Fabian Cancellara en personne. Particularité en Italie, les coureurs disposent en général de leur propre puce, autrement il faut la louer à la journée

Comment se gèrent les départs ?
L’accès aux sas est très fluide. De nombreux panneaux indiquent la direction à prendre en fonction de votre numéro de plaque. De nombreux bénévoles sont présents pour vous orienter et éviter la pagaille. Tout s’effectue dans le calme, il est facile de circuler à vélo et de pénétrer dans son sas en moins de deux minutes. Comme pour la course des pros nous sommes parqués par groupe de 500 sur les remparts de la forteresse tout autour du village d’accueil. Dossard 4490, j’ai quand même pu accéder au premier sas.

Où se trouvent les premières portions de routes blanches ?
Le parcours de l’épreuve est le même que celui emprunté la veille par les féminines soit 129 kilomètres. Le départ s’effectue en descente (Sienne se trouve au sommet d’une colline), sur des axes routiers assez larges. Ce qui permet à chacun d’avoir des distances de sécurité rassurantes vis-à-vis des autres coureurs. Cela permet aussi de se faufiler très facilement pour remonter en tête de course. Le premier secteur intervient au bout de 14 kilomètres. C’est certainement le plus facile, car il s’agit d’une ligne droite de 2 kilomètres toute plate bordée de pins. Sur celui-ci, la terre est beige et très calcaire, mais quand même détrempée. Avec la boue projetée sur ma figure, j’ai le goût du smecta en bouche !

Tous les secteurs se ressemblent-ils ?
Non, ils peuvent être très différents les uns des autres. Certains sont faits de terre claire, très calcaire, dont la surface est très lisse. D’autres sont plus classiques avec du gravier et de la terre. En tout cas, ils sont très plaisants à emprunter en course, car il faut toujours chercher à se placer là où le rendement semble être le meilleur. Les secteurs ne représentent finalement que 25 % du kilométrage total. Pour ma part, j’aurais aimé en avoir plus. Il y a tout de même à mi-parcours une portion de 10 kilomètres, certainement la plus belle, puisqu’elle suit une crête de collines bordées de cyprès longeant certaines grandes propriétés. Les secteurs en chemins sont faciles, ils sont abordables et sans aucun risque pour n’importe quel cycliste même sous la pluie.

Comment définirais-tu les Strade Bianche ?
Cette édition était un peu « l’enfer du sud », en comparaison des épreuves flandriennes ou du Nord. Il a fait froid avec de la pluie au départ puis par intermittence. Le parcours ne traverse que peu de villages pour se courir principalement sur des axes routiers peu fréquentés par les voitures et par les chemins desservants des propriétés agricoles ou vinicoles. Je pense que la popularité de l’épreuve en ferait presque un monument du cyclisme tel un Milan-San Remo ou un Paris Roubaix. Les victoires de Fabian Cancellara ces dernières années y sont pour quelque chose, car il est très populaire ici. Il est présent tout le week-end y compris sur le Granfondo. Outre Cancellara il y avait Alessandro Ballan, Ivan Basso, Paolo Bettini y compris le samedi à l’arrivée des courses professionnelles.

Comment les gérer sous la pluie, comme vous en avez eu le dimanche ?
A ma grande surprise les secteurs sous la pluie n’étaient pas glissants et ne sont pas forcements exigeants comme pourraient l’être des secteurs pavés. Ils sont même très faciles, parce qu’on trouve une bonne accroche dans les chemins, aussi bien en montée, même les plus raides, qu’en descente ou en virage. Il y a également moins d’attaques à subir. Personne ne se bat pour y entrer en tête et les coureurs restent généralement tranquillement dans l’aspiration de l’homme de tête qui lui choisit la meilleure trajectoire, là où le rendement est le meilleur.

As-tu apporté quelques modifications matérielles avec cette météo ?
Il n’y a pas de grosses modifications à apporter à son vélo mis à part les pneus et les braquets. Il est préférable d’avoir un pneu renforcé avec une section minimale de 25. Pour ma part j’ai roulé en tubeless de 25mm gonflés à 5 bars et je me sentais vraiment à l’aise dans les chemins. Il vaut mieux privilégier les tubeless et les boyaux, car rouler en pneu vous oblige à ne pas trop baisser les pressions sinon il y a un risque de pincer. L’objectif est d’avoir du confort, de l’adhérence et de ne pas risquer la crevaison. Mais visiblement les risques de crevaison sont bénins. Je n’en ai d’ailleurs observé aucune parmi les concurrents.

Et pour ce qui est des braquets ?
C’est un peu le grand écart. On a un parcours très roulant sur la première moitié puis des enchaînements de raidards sur les 25 derniers kilomètres, avec notamment le mur d’arrivée. Donc testez-vous à passer des rampes entre 15 et 19 % lors de vos fins de sorties d’entraînement pour savoir si votre vélo est adapté à vos facultés à passer ce genre de difficulté.

Quels autres conseils matériels pourrais-tu donner à ceux qui souhaiteraient participer l’an prochain ?
Concernant le petit électronique de type GPS, essayez de le protéger avec un film plastique de type cellophane, car vos boutons ne vont plus fonctionner à cause de la terre fine qui va s’incruster. C’est arrivé pour le mien et pour d’autres concurrents également. Pour le vélo, évitez peut-être de monter vos plus belles roues en cas de pluie, en lisant ce qui suit vous comprendrez ce que va subir votre monture ! Vous verrez qu’il vous faudra plusieurs lavages de votre vélo pour enlever toutes les traces de calcaires blancs qui réapparaissent au séchage alors que vous pensiez l’avoir bien lavé ! Pour les vêtements, il vous faudra là aussi plusieurs machines pour faire partir la terre beige de votre peau de chamois ! Pour les chaussures, avec laçage type Boa ou pour les casques avec les serrages par molette, vous allez vous apercevoir que plus rien ne va fonctionner. Donc pensez à bien les passer sous la douche après l’arrivée et lubrifier molettes et autres avec du WD40 .

Comment as-tu trouvé les ravitaillements ?
À vrai dire, je n’ai pas vu grand-chose des ravitaillements et des paysages à cause de la pluie et du froid. J’ai quitté le parcours au kilomètre 80, car j’ai commis une erreur en m’équipant le matin. La pluie s’est mise à tomber et je n’avais qu’un simple coupe-vent qui n’était pas imperméable. J’ai couru 30 kilomètres avant d’être transi par le froid, trempé par les projections d’eau du peloton. Je suis tout de même passé devant le dernier ravitaillement lorsque j’ai récupéré la fin du parcours pour rejoindre Sienne. Il n’y avait presque pas de place pour passer à vélo tellement il y avait du monde, donc je présume qu’il devait être bon ! J’ai terminé tellement exténué par le froid que je ne me suis même pas rendu au repas d’arrivée. Mais je n’en doute pas qu’il devait être de bonne qualité, on est en Italie !

Comment préparer ce genre d’événement ?
Il n’y a aucune appréhension à avoir de rouler sur les strade bianche. Mais il peut être utile de faire une reconnaissance d’un ou plusieurs secteurs. Le parcours se déroulant autour de Sienne, il est toujours possible de faire une petite sortie la veille pour se donner un aperçu des chemins ou pour vérifier si votre pression est adaptée. Si vous avez quelques doutes, vous pouvez demander quelques conseils aux pros ou aux mécaniciens des équipes le samedi. Concernant la gestion de l’épreuve, les 90 premiers kilomètres étant très roulants, on va être tenté d’emmener du braquet. D’autant plus que l’épreuve va vous sembler jusque-là très facile. Il faut garder à l’esprit que des montées très raides et courtes vont se succéder durant les 30 derniers kilomètres. C’est là qu’il vous faudra de la force, sinon vous risquez de voir des crampes survenir ou même de devoir monter à pied. Ce que je conseille également, un peu comme en VTT, c’est d’anticiper les changements de vos braquets pour passer ces difficultés. Essayez de passer vos vitesses avant de vous retrouver dans les pourcentages les plus durs.

Quels seront tes prochains objectifs ?
Je serai au départ du Paris-Nice Challenge ce samedi 11 mars. Il s’agit de la 2éme édition de la cyclosportive en marge de l’arrivée de l’épreuve professionnelle à Nice, puis le week-end suivant je serai dans la Drôme pour la Corima.