François, quel bilan tirez-vous à chaud de l’édition 2014 de Paris-Nice ?
C’est un bilan très positif, sachant qu’au départ c’était carrément un pari que de retirer un contre-la-montre, une arrivée au sommet, et de faire en sorte que le parcours soit ouvert à tous. Nous avons dû faire face à quelques commentaires. Des équipes ont apprécié, d’autres moins. Mais au bout du compte nous avons eu une course de mouvement, des leaders qui ont changé presque tous les jours, des écarts très resserrés. Le Team Sky n’a pas été en mesure de défendre le maillot jaune, lui qui n’a pourtant pas l’habitude de le lâcher comme ça lorsqu’il le détient. Ça a donné lieu à une course très ouverte qui a permis à des coureurs jeunes ou parfois dans l’ombre d’intégrer le Top 10. Pour nous, c’est ça le sport.

Vous évoquiez les commentaires des équipes à la découverte du tracé de Paris-Nice. Après l’épreuve, quels sont les retours ?
Ils sont positifs. Après 10 kilomètres de course dans la dernière étape, dimanche, un directeur sportif m’a appelé pour me dire que ce que nous avions fait était super. Certes, il avait de quoi se réjouir avec un coureur dans les cinq premiers, mais c’est sûr que nous avons reçu beaucoup de réactions positives. Peut-être même avons-nous ouvert une brèche. Si nous proposons des parcours comme ça, de nouvelles tactiques vont être mises en place, ce qui va permettre à des coureurs de s’exprimer. On est loin de la course stéréotypée avec un rouleau compresseur qui bloque le système. Ça nous va très bien !

Du pari pris par l’organisation, quelle est la principale novation que vous retiendrez ?
Il faut proposer des circuits piégeux, sans nécessité d’aller dans la haute montagne. Les équipes font leur stratégie en fonction du parcours qui leur est soumis. Il faut un parcours très vallonné, des pièges, des arrivées comme à Fayence, des Monts Brouilly… Tout cela déstabilise le système. Avec les bonifications, je pense aussi que cela faisait longtemps que les sprints n’avaient pas été disputés comme ça sur Paris-Nice pour aller chercher 2 ou 3 secondes et garantir une place au général.

Ce sont néanmoins toujours les coureurs qui font la course…
Effectivement. Là, ils avaient envie de la faire mais ne savaient pas très bien sur quel pied danser. Si l’on propose cela deux années de suite, peut-être que des stratégies vont se mettre en place. Mais comme ce n’est pas dans notre esprit de proposer la même chose d’une année sur l’autre, nous essaierons de faire différent pour proposer quelque chose d’également très intéressant l’année prochaine.

On a toujours tendance à opposer Paris-Nice à Tirreno-Adriatico dans la pespective de Milan-San Remo, comment l’intégrez-vous ?
Les grands leaders et les sprinteurs choisissent de toute manière d’aller sur Tirreno-Adriatico pour préparer Milan-San Remo. Nous avons encore vécu cela avec l’épisode Richie Porte. Maintenant, avec la réforme du calendrier prévue à l’horizon 2017, nous n’aurons plus cette concurrence et nous aurons à nouveau de grands leaders, forcément. Certains coureurs choisissent leur programme en fonction du relief. Nous ne chercherons pas à faire plus dur si c’est pour monter les cols à l’aide d’une échelle ! Ça n’a pas d’intérêt. Même si les leaders préfèrent ça. Nous resterons sur notre ligne.

En vue de Milan-San Remo et de ses 294 kilomètres, vous tendez néanmoins à proposer des étapes plus longues, comme on le voit sur Tirreno-Adriatico…
Depuis trois ans, et à la demande des équipes, nous définissons une étape longue sur Paris-Nice dans la perspective de Milan-San Remo et des classiques qui suivent. C’était le cas cette année avec les 221,5 kilomètres entre Saint-Saturnin-lès-Avignon et Fayence. Il en faut un peu pour tout le monde.

Quels sont les premiers éléments dont vous disposez quant à la réforme du calendrier ?
Tout n’est qu’au stade de projet. Comme tout projet quand il est proposé, il est discuté, modifié… Nous sommes partis sur un schéma qui proposerait Paris-Nice la première semaine, Tirreno-Adriatico la semaine suivante. Mais cela risque encore de bouger. Tirreno-Adriatico pourrait prendre la place du Tour de Catalogne. Un plan a en tout cas été dessiné pour que deux épreuves de notre calibre ne soient plus organisées face à face. Il faut une lisibilité. Mais pour y parvenir il faut l’aval de tous les organisateurs car les dates ne se modifient pas comme ça. Quoi qu’il en soit nous conserverons nos dates. On passera également à des équipes de sept coureurs, ce qui offrira peut-être plus de mouvements.

Votre fils Romain court chez Cofidis. N’y a-t-il pas d’interdit qu’un coureur ait un lien de parenté avec le directeur de course ?
Si on gratte un peu, peut-être ! Pour moi ça générerait plus de l’inquiétude que de le savoir en course. Peut-être serais-je obligé de m’effacer au profit d’un collègue dans certaines situations, pour éviter toute ambiguïté. Mais pour l’instant ça ne s’est pas encore produit.

Ce Paris-Nice était votre première à bord de la voiture de direction, comment l’avez-vous vécu à titre personnel ?
J’avais déjà exercé ce rôle sur d’autres épreuves d’ASO, mais sur Paris-Nice c’est différent. On dit que c’est la voiture du patron car c’est celle de Christian Prudhomme. Il m’a laissé les mains libres pour tracer le parcours de Paris-Nice et avoir cette place en course. C’est un honneur, bien évidemment, autant que d’avoir travaillé avec mon collègue Thierry Gouvenou, qui est maintenant à la direction de course à la place de Jean-François Pescheux. C’est le côté sympa de la reconversion.

Propos recueillis à Nice le 18 mars 2014.