Comment se déroule la période hivernale ?

Les fêtes de fin d’année en famille permettent une respiration après le stage foncier, ce qui fait du bien. Je fais pas mal de course à pied cet hiver, de la musculation, du VTT… Il faut toujours composer avec les conditions climatiques, mais j’essaie de rester un maximum en Auvergne pour profiter de la nature que je trouve magnifique dans la région. Cette année, l’hiver est arrivé de manière un peu précoce et m’a obligé à reprendre des sports d’intérieur assez tôt. Quand on est encore loin de la saison, j’aime bien varier les activités pour me faire une condition physique sans la monotonie des longues heures d’entraînement sur route.

Quel est votre programme pour le début de ta saison 2018 ?

Il y a des chances que j’attaque ma saison du côté de l’Italie au Laigueglia avant d’aller à la Ruta del Sol si tout se passe comme prévu. J’espère ensuite pouvoir revenir sur des courses qui me tiennent à coeur en Ardèche pour préparer au mieux les Strade Bianche.

La priorité cette année reste le Tour de France ?

Oui, le Tour de France et puis les championnats du monde. Il faudra travailler sur les deux secteurs, notamment sur mon endurance pour pouvoir être présent sur Liège-Bastogne-Liège, et derrière sur les championnats du monde. Évidemment, on continue le travail sur le Tour de France comme on le fait depuis plusieurs années pour y prendre toujours plus de plaisir, et essayer d’y performer du mieux possible.

Pensez-vous à la victoire ?

On ne s’interdit rien. On fait de très belles choses depuis deux ans et cela nous pousse à continuer dans ce sens, même si rien ne se fera dans la facilité. Il faut que tous les facteurs s’alignent, mais on caresse toujours un peu cet idéal, et on a envie de se lancer à fond dans ce projet-là.

Est-ce que vous avez prévu de travailler un peu le chrono pour atteindre cet objectif ?

Oui, mais finalement pas plus pas moins que mes points forts pour être décisif en montagne et aller chercher des belles victoires, surtout au regard de la façon dont est dessiné le Tour de France 2018, avec beaucoup d’enchaînements d’étapes de montagne. Il faut aussi travailler le chrono par équipes puisque cela va être déterminant. On ira voir le chrono à Espelette bien sûr, mais ça va être un effort assez atypique… En tout cas, ce Tour de France semble aussi dessiné pour les coureurs offensifs.

La décision de Froome de courir le Giro change-t-elle la donne ?

Pas vraiment quand je vois la maîtrise dont il a fait preuve à la Vuelta pour gagner son deuxième Grand Tour de 2017… En tant qu’observateur, je n’ai pas de doute quant à ses capacités à être à 100% sur deux Grands Tours au sein d’une même saison, d’autant plus que cette année, il y a une semaine de récupération de plus entre les deux. Il a remporté quatre fois le Tour de France, et il restera le grand favori. Il faudra voir comment se passe le Giro, mais s’il en sort sans problème de santé cela ne changera pas son statut.

Cette Vuelta justement, a-t-elle été bénéfique pour vous ? Qu’est-ce qu’elle vous a apporté?

J’attends les premiers enseignements des compétitions, je me laisse jusqu’au premier break de fin avril pour tirer un premier bilan et voir si je sens que j’ai progressé physiquement. En tout cas, les sensations sont là, j’ai repris la saison avec beaucoup plus de fraîcheur que d’habitude et beaucoup plus d’envie en ayant arrêté ma saison à la Vuelta. J’avais besoin de ce break au niveau des compétitions. J’espère vraiment tirer les bénéfices de cette course. C’était une expérience parfois difficile mais je ne regrette pas du tout, ça m’a vraiment forgé.

N’est-ce pas satisfaisant de voir Christopher Froome s’aligner sur deux épreuves de ce niveau, le Giro et le Tour de France, sur lesquelles les plus grands se sont cassés les dents ces dernières années ?

Je pense que c’est faire honneur au cyclisme que de tenter cela, car il y a une vraie prise de risque de sa part. Mais, bien que Froome soit et demeure le grand favori pour le Tour, je peux aussi facilement citer cinq ou six autres très grands coureurs favoris. Je pense notamment à Quintana, qui abordera le Tour dans de meilleures dispositions cette année, ou encore Richie Porte, Dan Martin, et beaucoup d’autres qui seront au rendez-vous, ce qui promet une très belle bataille. Donc, je ne me focalise pas uniquement sur le Britannique.

Le fait d’avoir terminé deux fois sur le podium, qu’est-ce que cela change au niveau du mental, et sur les plans physique ou stratégique ?

Cela permet de développer des automatismes, de valider des démarches dans la préparation et cela apporte de la sérénité au quotidien. Même si je mesure l’ampleur de la tâche pour y parvenir depuis deux ans, c’est une base solide sur laquelle on peut s’appuyer pour préparer les nouvelles saisons. C’est en étant de plus en plus régulier au plus haut niveau que l’on peut espérer se rapprocher de ce maillot jaune, et l’envie est décuplée à mesure que l’on y parvient. C’est très stimulant comme défi personnel.

Doubler deux Grands Tours comme vous l’avez fait, c’est quelque chose que vous pourriez rééditer, voire modifier en ajoutant le Giro au Tour ?

A l’heure actuelle, on se rend compte qu’on repousse pas mal de limites, notamment psychologiques. Mon cas personnel a fait que je n’avais pas les mêmes disponibilités mentales sur la Vuelta que sur le Tour de France, et dans le souci d’être à 100% au départ du Tour, cela ne me semble pas conciliable pour l’instant de partir pour faire un classement général sur le Giro. J’espère qu’avec la maturité ça viendra, mais en tout cas ce ne sera pas pour 2018.

En revanche, on considère souvent que la Vuelta est la préparation idéale pour les Mondiaux, est-ce que vous estimez que cette année vous devrez passer par là pour être prêt pour Innsbruck ?

C’est encore à l’étude, mais ça représente beaucoup d’efforts de faire deux Grands Tours à fond. Et je vois difficilement comment on peut avoir la fraîcheur pour être performant sur une course aussi exigeante que sera celle d’Innsbruck en ayant accumulé 42 jours de course au plus haut niveau en à peine plus de deux mois. Pour l’instant, pour moi, la meilleure performance possible à Innsbruck passera par du repos si le Tour est réussi, et une préparation spécifique.

Ce nouveau maillot, vous plaît-il ?

Oui, on est toujours heureux d’avoir de nouvelles affaires avec un nouveau design ! J’espère que celui-ci plaira encore plus que le précédent, qu’il aura la même longue histoire, et que je pourrai développer une affection pour ce maillot en le montrant le plus souvent possible à l’avant de la course.

Trois couleurs, ça fait un peu maillot de champion, qu’on le mette dans un sens ou dans un autre, non ?

C’est l’une des premières réflexions que l’on s’est faite ! On garde les couleurs historiques du groupe, et l’harmonie est réussie je trouve, puisque ça apporte un vrai coup de jeune au maillot, j’aime beaucoup l’effet que donnent les manches blanches. Et, sur une vue de face, ça permet d’être bien identifiable pour nos suiveurs.

Quand vous étiez jeune, attachiez-vous de l’importance aux maillots des champions ? Certains vous ont-ils marqué?

Bien sûr ! Il y a des maillots que j’adorais. J’ai grandi avec le maillot de la Mapei qui était très original en son temps avec ce multicolore, qui n’était pas forcément très élégant d’ailleurs mais reconnaissable en tout cas ! En terme de maillots vraiment réussis, je me souviens de la Fassa Bortolo, avec du bleu et du blanc, c’était vraiment l’ascétisme à l’italienne. Je pense qu’on a su, avec un partenaire italien et un nouveau design, trouver avec le nouveau maillot chez AG2R cette touche d’élégance !

Le nouveau cuissard n’a pas changé de couleur, mais il est plus confortable, disait Vincent Lavenu…

On reste sur le marron, mais c’est aussi ce qui nous différencie dans le peloton, et on a une gamme de matières différentes en fonction des températures extérieures.

Avez-vous envisagé le gore-tex pour les combinaisons de contre-la-montre ?

On attend une clarification de l’UCI là-dessus. C’est vrai qu’on est à la recherche des meilleurs textiles pour le chrono, et on espère qu’au niveau réglementaire, toutes les équipes pourront en 2018 être sur un pied d’égalité.

Est-ce que le fait de voir Jean-Christophe Péraud intégrer l’UCI vous rassure quelque part ?

C’est une super nouvelle, déjà pour Jean-Christophe ! Avec à la fois son passé d’ingénieur et sa carrière de cycliste, c’est quelqu’un qui va pouvoir amener des évolutions au sein de l’UCI, et qui a un regard neuf sur le côté réglementaire puisqu’il est sorti du peloton il n’y a pas très longtemps. Il est donc très en prise avec les problématiques internationales actuelles, et je pense qu’il va avoir un vrai rôle pour clarifier les règles et permettre au cyclisme d’être plus intelligible, notamment par rapport à son statut de consultant au niveau de la fraude technologique. J’espère qu’il permettra d’ôter le cyclisme de tout soupçon.

Avec ce nouveau maillot, avez-vous hâte de repartir dans le circuit, de revenir pour confirmer et faire encore mieux?

Oui, j’étais surtout impatient de confirmer l’an passé. On continue de construire, on a la chance de travailler sur des bases solides au moins jusqu’en 2020 avec l’équipe, et j’espère que cela paiera dès 2018 ! C’est un projet dans lequel tout le monde s’investit, j’espère que l’avenir s’annonce avec autant de promesses que ce qui a émergé de ces premières années tous ensemble.

Il y a eu un recrutement encore très intelligent, et toujours crescendo cette année avec Tony, Clément…

Oui, chaque année on a des satisfactions nouvelles, mais en aucun cas l’équipe ne se repose sur ses acquis, et on a chaque année la volonté de se renforcer sur d’autres secteurs. À titre personnel, c’est clair que l’objectif c’est d’être plus performant en chrono, mais à titre collectif, c’est d’avoir toujours plus de coureurs dans les moments décisifs et de pouvoir parfois forcer un peu le destin comme on l’a fait sur certaines étapes du Tour. Chaque année, on agrège des pièces au collectif pour rendre cet idéal un peu plus accessible.

Et pour finir, une question tout à fait différente : est-ce que vous avez une ascension préférée, qui vous inspire plus, et pourquoi ?

Il y a des fabuleux terrains de jeux en France. J’ai beau voyager, sans être chauvin, on a des paysages splendides. J’aime beaucoup les Alpes du Nord. Je prends beaucoup de plaisir à rouler sur l’Iseran, au-dessus de Val d’Isère. Même si c’est une route un peu délaissée par le Tour de France, je trouve qu’elle est vraiment pittoresque et incroyable, et ça reste un col assez accessible. Sinon, j’ai une affection particulière pour les Lacets de Montvernier, je trouve que le panorama qu’ils offrent est superbe. En tout cas, le terrain de jeu sur lequel je m’épanouis est l’une des raisons pour lesquelles j’aime faire du vélo.